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<strong>Vapeur</strong> <strong>Mauve</strong><br />
24<br />
La légende veut que l’inspiration lui soit revenue un<br />
soir d’orage.<br />
Une tempête terrible oblige Dylan à rester cloîtré<br />
chez lui où il compose l’ensemble du disque en une<br />
seule nuit. Ça, c’est pour la légende, mais elle en<br />
dit long sur l’aura qui accompagne cette nouvelle<br />
livraison du troubadour folk.<br />
Pour ce qui concerne les faits, le disque a été<br />
enregistré au début de l’année 1997, toujours en<br />
compagnie de Daniel Lanois qui avait déjà produit,<br />
huit ans auparavant, l’album Oh Mercy.<br />
Les séances d’enregistrement furent encore plus<br />
houleuses que les précédentes, Dylan acceptant<br />
de plus en plus mal que quelqu’un vienne fouiner<br />
dans sa musique. Tony Garnier tentera de faire<br />
l’intermédiaire entre les deux artistes, mais le plus<br />
souvent lorsque ce dernier présentera une doléance<br />
de Lanois à Dylan, il se contentera de dire le plus fort<br />
possible :<br />
« Ah bon ? Tu crois vraiment Tony ? Tu sais, tu as<br />
peut-être raison ! Si j’avais écouté les conseils des<br />
autres, j’aurais peut-être fait une belle carrière ! »<br />
Les séances ne tardent pas à virer à la paranoïa.<br />
Les musiciens qui rejoignent le studio reçoivent une<br />
liste de directives ridicules qu’ils doivent absolument<br />
respecter pour éviter tout contact avec le Zim et<br />
Lanois rentre fréquemment dans des accès de colère<br />
qui alourdissent encore un peu plus l’ambiance<br />
générale.<br />
Un des plus grands sujets de désaccord entre les<br />
deux artistes concerne la chanson Mississippi.<br />
Une première version acoustique est enregistrée.<br />
Lanois, qui est à la dobro sur ce titre, la trouve<br />
absolument merveilleuse, mais Dylan souhaite lui<br />
donner une ambiance moins crépusculaire. Le Zim<br />
semble beaucoup tenir à ce morceau dont le texte<br />
aborde les rivages de la vieillesse et de la mort sans<br />
jamais tomber dans le misérabilisme. Plusieurs<br />
versions seront enregistrées, mais Dylan n’en<br />
retiendra aucune et surtout pas celle avec Lanois à<br />
la guitare ce qui mettra ce dernier hors de lui.<br />
Les séances arrivent péniblement à terme et Dylan<br />
rentre chez lui, bien décidé à ne plus jamais laisser<br />
un producteur se mêler de son travail. Quelques<br />
semaines plus tard, il ressent de vives douleurs<br />
au niveau du cœur. Hospitalisé en urgence on lui<br />
diagnostique une histoplasmose, infection parasitaire<br />
potentiellement mortelle dont les symptômes sont<br />
comparables à ceux de la tuberculose. Pour la<br />
première fois depuis dix ans il est obligé d’interrompre<br />
son NET.<br />
Les fans, d’abord morts d’inquiétude, sont bientôt<br />
rassurés par les nouvelles provenant de la clinique.<br />
Dylan n’ira pas encore rejoindre Elvis.<br />
Cette frayeur ne fera qu’augmenter les attentes des<br />
fans concernant le disque qui sort finalement en<br />
septembre 1997.<br />
Sur la pochette on découvre un Dylan seul, pris en<br />
contre-plongée avec sa guitare dans les mains. La<br />
photo est floue comme celle de Blonde On Blonde.<br />
À l’instar de sa pochette, Time Out Of Mind n’est<br />
pas un disque facile d’accès. Il ne comprend aucun<br />
refrain accrocheur, aucune mélodie facile et très peu<br />
de morceaux up tempo. L’ensemble de l’œuvre est<br />
hanté par une ambiance crépusculaire sur laquelle<br />
Dylan évoque des thèmes comme la rupture et la<br />
mort, mais aussi la rédemption que le poète trouve<br />
dans l’éloignement.<br />
La route est le thème récurrent de l’album. Elle est<br />
évoquée dans presque toutes les chansons comme<br />
unique échappatoire aux contraintes de la vie et<br />
du temps. La liberté dans le mouvement, semble<br />
nous dire Dylan, en espérant atteindre les portes du<br />
paradis avant que celles-ci ne ferment leurs portes.<br />
Chaque titre de l’album contient une force<br />
émotionnelle renversante grâce à la voix de Dylan<br />
qui prend ici une toute nouvelle dimension. Le<br />
travail vocal entrepris à l’époque d’Oh Mercy atteint<br />
maintenant sa pleine maturité. La voix du Zim<br />
semble frappée par la grâce du désespoir. Chaque<br />
mot, chaque intonation, porte avec elle un flot<br />
d’images et de souvenirs qui touchent l’imagination<br />
de l’auditeur. Chaque vers claque comme un coup