Les tribulations d'un sinophile dans la Chine républicaine Le ... - AFEC

Gabriele Goldfuss
voulait intégrer ces idées dans son projet. Ici, l'éducation signifiait une
réforme de la vie et, de là, une réforme de la société. Dans un milieu
scolaire adéquat, des données fondamentales de l'homme mais niées par
l'éducation traditionnelle, comme la sensualité (qui ne signifiait en aucun
cas pour lui libertinage ou sexualité), la sensibilité et le sentiment développés
par la musique, comme la communauté égalitaire ou l'environnement
naturel, devaient rendre les élèves aptes à se réaliser pleinement
dans la vie. Westharp écrivait alors :
Ce qu'il faudrait obtenir maintenant c'est une réforme de la vie chinoise par
la réforme de iéducation, parce que c'est l'éducation qui est le champ
d'action de la jeunesse, tandis que la vie est celui des adultes [...]. La jeunesse
étant plus capable de recevoir l'enseignement de la « nouvelle trinité » 27 que
le reste de la population, il faudrait en faire profiter d'abord l'éducation. Mais
pour produire vraiment une réforme de la vie, il serait indispensable d'éliminer
de cette éducation toutes les traces de son caractère livresque, dont elle
ne se débarrasse qu'avec difficulté et de rendre possible la réforme la plus
intense de la vie des élèves dans les écoles mêmes par la réforme des sujets
et des méthodes d'étude, afin de transplanter plus tard les nouvelles habitudes
de vie dans la vie publique, au dehors des écoles. Cette ré-éducation des
sens produite à la suite d'une ré-éducation de la vie par la vie pour la vie
changera naturellement non seulement l'aspect extérieur des écoles, mais
aussi tout l'arrangement de la vie quotidienne des élèves et des professeurs,
en se basant, à chaque pas, sur une nouvelle psychologie d'éducation et une
nouvelle philosophie de la vie, toutes deux délivrées des superstitions les plus
funestes de l'éducation superstitieuse du passé, qui sont, comme nous le
savons, après l'avoir appris en France : l'abnégation et l'abrutissement. 28
27 II s'agit de la « sensualité », de la « sensibilité » et du « sentiment ». Sur
l'exemplaire conservé au Musée Guimet, le terme « sensualité » est systématiquement
corrigé à la main en « sensorialité », d'une écriture qui ressemble
fort à celle d'une dédicace apposée par Westharp sur d'autres documents.
28 Cf. Westharp (1926a), p. 17-18. Pour Westharp, les réformes de Cai Yuanpei
dans le secteur de l'éducation allaient précisément dans le sens qu'il visait luimême.
Dans son « Esquisse », dont il déclare qu'elle a été inspirée par le retour
en Chine de Cai Yuanpei après un voyage en France, il dit : « [...] la popularité
de M. Tsai n'est qu'un résultat du fait que ce Monsieur a été un réformateur de
la vie avant de devenir un réformateur de l'éducation. » Cf. Westharp (1926a),
p. 17.
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