Les tribulations d'un sinophile dans la Chine républicaine Le ... - AFEC
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<strong>Le</strong> musicien et pédagogue Alfred Westharp<br />
Liang disait de Westharp qu'il était un homme en avance sur son<br />
temps, et, non sans référence à Nietzsche, il l'appe<strong>la</strong>it même un « surhomme<br />
» 66 . Idéaliste, fou généreux, pédagogue « utopiste » inflexible,<br />
Westharp suscitait des émotions fortes — fascination ou exaspération —<br />
chez les gens qu'il approchait. Liang était sans doute sous le charme de<br />
cet homme doué <strong>d'un</strong> grand charisme, et <strong>la</strong> proximité de certains de ses<br />
points de vue avec les siens l'attirait encore davantage 67 . De plus, Liang<br />
avait en <strong>Chine</strong> l'influence et l'écho que Westharp, lui, n'obtenait pas, il<br />
pouvait lui servir d'interlocuteur et de porte-parole. De fait, Liang fit<br />
l'effort de présenter les idées de son ami. Mais il finit par se tourner vers<br />
des activités <strong>d'un</strong>e portée politique et sociale plus grande et plus pragmatique,<br />
autour de <strong>la</strong> « restructuration du pays par <strong>la</strong> campagne » (xiangcun<br />
jianshe). <strong><strong>Le</strong>s</strong> deux hommes s'éloignèrent l'un de l'autre.<br />
Déjà à l'époque où ils vivaient sous le même toit, Liang avait reproché<br />
à Westharp d'être trop abstrait <strong>dans</strong> sa pensée, il voyait là une des<br />
causes de <strong>la</strong> position marginale de son ami, venant s'ajouter à un problème<br />
de <strong>la</strong>ngue jamais résolu. Il déplorait que Westharp, pour professer<br />
ses opinions, s'embarrassât de néologismes ma<strong>la</strong>droits et ne s'adressât<br />
jamais aux Chinois sans les <strong>la</strong>isser perplexes ou provoquer leur hi<strong>la</strong>rité 68 .<br />
De même, M. Ji regrette que Westharp, malgré l'aisance avec <strong>la</strong>quelle il<br />
s'exprimait <strong>dans</strong> le quotidien, ait eut un discours souvent obscur dès qu'il<br />
abordait <strong>la</strong> philosophie. Westharp, qui craignait fort le ridicule et qui avait<br />
précisément fui les pays où il ne trouvait pas le succès auquel il aspirait,<br />
ne vou<strong>la</strong>it certainement pas se <strong>la</strong>isser conseiller sur ce point par ses amis<br />
chinois. Liang déplorait encore que les idées de Westharp aient trop<br />
divergé de celles du monde intellectuel chinois contemporain et que ce<br />
dernier soit resté trop éloigné de lui 69 .<br />
66 Cf. Liang Shuming (1927), p. 123-124.<br />
67 Cf. l'éloge de Westharp par M. Ji, <strong>dans</strong> Ji Fanwu (1981), p. 136.<br />
68 Cf. Liang Shuming (1927), p. 121-122.<br />
69 Idem.<br />
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