Les tribulations d'un sinophile dans la Chine républicaine Le ... - AFEC
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Gabriele Goldfuss<br />
Conclusion<br />
Westharp ne parvint pas à <strong>la</strong> « parfaite communication » (datong) qui<br />
était pourtant l'un des principaux buts de <strong>la</strong> philosophie qui sous-tendait<br />
son action, et sa pensée n'eut guère d'écho. Ses tentatives proprement<br />
pédagogiques, plus concrètes mais de moindre portée à ses yeux, entravées<br />
par l'idéologie trop prégnante qui les animait, échouèrent avec cette<br />
même idéologie. En s'en tenant à sa vocation de pédagogue, Westharp<br />
aurait peut-être réussi à promouvoir les utopies concrètes de <strong>la</strong> pédagogie<br />
réformée de Montessori, Lietz ou Flitner. Cette pédagogie connaît de nos<br />
jours une « renaissance » <strong>dans</strong> les milieux éducatifs occidentaux, mais<br />
elle constitue <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> contemporaine une alternative toujours<br />
négligée. Westharp, « simple » pédagogue de l'école réformée, aurait<br />
ainsi pu être un interlocuteur plus constructif pour les éducateurs chinois,<br />
à l'instar <strong>d'un</strong> Dewey qui lui aussi prônait en partie des idées inspirées<br />
de <strong>la</strong> « progressive éducation », tel un développement de l'enfant sans<br />
téléologie externe. Coupé de l'Occident auquel il s'adressait pourtant<br />
comme un missionnaire de <strong>la</strong> cause chinoise, coupé des débats qui s'y<br />
tenaient sur <strong>la</strong> pédagogie, Westharp s'enlisa trop <strong>dans</strong> ses visions interculturelles<br />
et socio-psychologiques pour pouvoir faire longtemps des<br />
concessions aux besoins éducatifs concrets de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> de son époque. Au<br />
delà de ses réelles capacités, il se considérait comme un pur génie. C'est<br />
précisément son intransigeance qui l'empêcha de renouveler ailleurs ce<br />
qu'il avait entrepris à Taiyuan, et non tant <strong>la</strong> situation politique qui<br />
s'opposait, certes, <strong>d'un</strong>e manière générale à toute expérience prolongée<br />
en matière éducative mais n'entravait pas des projets moins ambitieux. À<br />
l'heure où les théories du « Nouvel-Âge » 70 remettent à <strong>la</strong> mode l'idée<br />
<strong>d'un</strong>e grande synthèse entre l'Orient et l'Occident, l'échec re<strong>la</strong>tif de<br />
Westharp pourrait servir à mettre en garde certains de nos contemporains<br />
contre le danger qu'il y a d'emprunter de trop sommaires raccourcis sur<br />
<strong>la</strong> route du voyage intellectuel entre les philosophies qu'ils ont l'un et<br />
l'autre fécondées.<br />
70 Cf. Vemette (1990).<br />
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