Les tribulations d'un sinophile dans la Chine républicaine Le ... - AFEC
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Gabriele Goldfuss<br />
et non <strong>la</strong> vie. Pour lui, les études et <strong>la</strong> pratique étaient inséparables (Lunyu<br />
17/7). Pour réussir l'éducation, il était nécessaire, grâce à <strong>la</strong> « nouvelle<br />
pédagogie scientifique », de tirer profit des principes confucéens, qui à<br />
l'origine visaient à l'épanouissement de l'être humain.<br />
De plus, toujours selon Westharp, pour renforcer <strong>la</strong> culture chinoise<br />
<strong>dans</strong> son ensemble, il fal<strong>la</strong>it que les Chinois comprennent que leur faiblesse<br />
en tant que nation venait aussi de leur gaucherie corporelle 36 . <strong>Le</strong>ur<br />
activité spirituelle, malgré son intensité, ne communiquait pas avec l'extérieur.<br />
Conscients de ce manque et avides d'égaler « <strong>la</strong> force » de <strong>la</strong><br />
culture occidentale, les Chinois misaient sur l'imitation de ses composantes<br />
— <strong>la</strong> science, <strong>la</strong> démocratie, <strong>la</strong> philosophie ou le mode de vie — au<br />
lieu de chercher <strong>dans</strong> leur propre nature les vraies causes de leur faiblesse.<br />
Aux yeux de Westharp, cette tentative était vouée à l'échec, car il fal<strong>la</strong>it<br />
commencer toute réforme de l'homme par son éducation afin qu'il s'épanouisse<br />
et décide de façon autonome de son destin autant que de celui de<br />
<strong>la</strong> société à <strong>la</strong>quelle il appartient 37 :<br />
L'énergie sensorielle de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> qui n'a, au cours de toute l'histoire Chinoise,<br />
jamais été suffisamment pourvue de matériaux naturels, demande maintenant,<br />
avec une intensité stupéfiante, une possibilité de manifestation ; [...] une agriculture,<br />
une industrie, un commerce et une science naturelle créatrices. Ce<br />
36 Westharp impute également <strong>la</strong> faiblesse de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> à des facteurs climatiques<br />
et géographiques. Pour lui, <strong>la</strong> prédominance de l'élément terrestre sur l'élément<br />
aquatique rendrait les Chinois moins mobiles et moins commerçants que les<br />
riverains de <strong>la</strong> Méditerranée, constamment confrontés à l'appel du <strong>la</strong>rge. <strong><strong>Le</strong>s</strong><br />
grands fleuves, Changjiang et Huanghe, auraient nourri une société agricole, de<br />
tout temps immuable et habitée par des hommes lents. Cf. Liang Shuming<br />
(1927), p. 138-139. Cette vision du monde chinois comme pris <strong>dans</strong> une torpeur<br />
immémoriale dont il importe de le tirer vigoureusement a traversé tout le xx e<br />
siècle. Ainsi on retrouve un écho récent de ce délire « géoculturel » <strong>dans</strong> <strong>la</strong> série<br />
d'émissions Heshang (Élégie du Fleuve) qui agita le monde intellectuel chinois<br />
en 1988-1989. <strong><strong>Le</strong>s</strong> Chinois y sont présentés comme un peuple passivement<br />
englué <strong>dans</strong> les boues du fleuve Jaune et jamais capable de se tourner vers les<br />
eaux libres de <strong>la</strong> haute mer. Cf. en particulier l'émission « Mingyun » (Destin).<br />
37 Cf. Liang Shuming (1927), p. 138-142.<br />
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