Le Gourgandin - Fran.. - Index of
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Chapitre 36<br />
Mardi 24 mars<br />
Et pourtant, quand elle est là, tout près, tout près, livrée à la tiédeur du moment, souriante et complice,<br />
indulgente et câline, comme j'aimerais lui dire tout... Je couche ma tête sur son épaule, je frôle, du bout du<br />
doigt, ses mains où voisinent les bagues précieuses et les petites blessures sans gloire-elle s'est coupée<br />
en manipulant la poubelle -, ses mains douces et pourtant un peu rêches, moins soignées qu'elle, plus<br />
ouvrières, qui parfois s'abandonnent aux miennes et parfois s'accrochent à mon bras, se blottissent,<br />
s'immobilisent, tout de suite affolées de leur audace. Je touche son cou, sa nuque courte où s'ancrent ses<br />
premiers petits cheveux si roux, je caresse, sous son pull, sa peau nue infiniment soyeuse, je m'extasie à<br />
la sentir si frêle et fondante à la fois, charnue dans sa minceur, brimée par le soutien-gorge serré, qui fait<br />
enfler à peine dans son dos, une voluptueuse et minuscule vague de chair tendre, je trouve sa taille,<br />
étranglée par la jupe, le dessous de son bras, la naissance de son sein, menu sous la lingerie satinée,<br />
j'investis d'une phalange tranquille son aisselle lisse, je rêve à d'autres creux, d'autres méandres, je<br />
demande : « Tu aimerais que je te caresse ? » Elle s'embarrasse dans sa sincérité, ses frousses, ses<br />
incertitudes. Elle répond : « Je ne sais pas, je te le dirai...» Je reste contre elle, à m'imprégner de sa<br />
douceur, de sa légèreté, je ne retire pas ma main, je poursuis mes vagabondages sur son corps qui ne se<br />
refuse pas sans s'<strong>of</strong>frir d'avantage. Je demande encore : « Tu aimes ce que je te fais ? » Elle dit : « Oui »,<br />
en souriant toujours avec son petit hochement de tête un peu penaud, si gracieux. Jamais elle ne soupire,<br />
jamais elle ne gémit, jamais elle ne se cambre. Ses gestes sont retenus et presque tremblants, ses mots<br />
deviennent des murmures, ses silences des aveux, des attentes, des émois... C'est là que j'aimerais ma<br />
bouche dans son cou, mes mains à sa taille souple, souffler ma confession brûlante : « Oh ! Isa ! Je l'ai<br />
fait encore jeudi ! Je l'ai appelé, délibérément J'en avais une grosse envie. On ne s'est même pas couché,<br />
juste assis, c'était torride et précis, comme rarement. Je ne voulais que son corps accessible, chaud et<br />
solide, et sa queue dans mon ventre, vite, vite. C'est tout..» Une pudeur me retient, un scrupule, la peur de<br />
la blesser, la peur qu'elle ne croie à une vilaine exhibition... La peur qu'elle m'aime moins, surtout.<br />
Car elle m'aime et me le dit souvent et sa tendresse m'importe plus, à présent, que tout le reste. Je savoure<br />
nos secrets, ces petits moments délectables de nos confidences, moi parfois triviale la faisant éclater d'un<br />
rire admiratif à peine scandalisé, elle toujours si réservée, qui ne dit qu'à demi-mot ce que je crie à tuetête...<br />
Je passe avec elle beaucoup, beaucoup plus de temps qu'avec le gourgandin qui fut, il n'y a pas si<br />
longtemps, notre pierre d'achoppement et notre trait d'union, et qui n'est plus, je crois, qu'un prétexte à<br />
parler ensemble, à nous indigner ensemble, à nous attendrir ensemble, nous apercevoir que nous nous<br />
ressemblons, et que nous ne nous ressemblons pas.<br />
Vendredi soir, j'étais au théâtre avec Isa. Son haleine contre ma joue, dans le noir, son parfum frais, un