Chapitre 26 Lundi 17 février J'ai laissé passer du temps exprès. Pour ne pas être tentée de me souvenir de tout, et de tout raconter, la moindre flammèche dans ses prunelles malicieuses, la moindre grimace, la moindre diablerie. Ce repas de jeudi a ressemblé étonnamment à celui du 17 octobre. Même feu dans la cheminée, même compagnon charmant, déchaîné de désir. Il était en face de moi, de l'autre côté de la table. Dix fois il s'est levé pour venir me caresser, me toucher, m'embrasser. Quand la vieille arrivait, chargée de plats, il feignait de bousculer les tisons, de ranimer l'ardeur du foyer. Demi-feinte. C'était un peu ça, entre nous. De ses mains aimantées, de ses regards, de ses sourires, de ses mots, il a attisé ma convoitise, il m'a incendiée d'amour. Son pied sous la table s'est livré à des frasques occultes qui nous ont fait rire ensemble. Je n'ai rien interdit, au contraire. A me trémousser savamment, j'ai détaché les pressions secrètes de mon body, l'ai autorisé, entre mes cuisses, à une inquisition loufoque et savoureuse. C'était cuisant et doux, je dansais sur son pied nu, qu'il avait dépouillé de sa chaussette dans un grand élan sacrificiel... Je lui ai juste demandé : « Avec Isa, ou Myriam, tu as déjà fait ça ? » Il a secoué négativement la tête, pour interroger à son tour : « Et toi, tu t'es déjà tenue comme ça avec un monsieur, au restaurant ? » J'ai dit non, gravement. <strong>Le</strong>s choses hurluberlues sont plus graves qu'il n'y paraît, dans le fond. J'espère qu'il m'a crue... J'étais ravie de retrouver mon partenaire d'il y a tant d'années, d'il y a seulement encore quatre mois. Mais je ne voulais pas peaufiner la similitude entre ces deux derniers repas que nous avions pris ensemble. Je me rappelais encore douloureusement la mauvaise chute du précédent quand nous avions roulé dans le lit sans drap d'une de mes chambres d'amis, et que j'avais dû m'arc-bouter pour l'en chasser... Je me rappelais aussi la énième dégringolade de mes espérances, quand, dès novembre, je me rendais compte qu'il couchait encore, et de plus en plus, avec Isa... Cette fois, j'ai prévenu, très sérieusement : « Tu sais qu'il n'y a plus rien de sexuel entre nous ? » Son pied me lutinait de plus belle. Il a acquiescé : « Oui, bien sûr !...» Quand il est venu près de moi, debout, et qu'il a ouvert sa braguette, je l'ai pris dans ma bouche. La vieille s'affairait dans sa cuisine, mais risquait de revenir à tout moment. N'importe qui, aussi, pouvait entrer dans la salle. Comment leur dire qu'il ne s'agissait là que d'une facétie burlesque sans caractère sexuel aucun ? Nous sommes partis égaillés. La voiture était garée sur la place du village. Des enfants nous ont fait coucou pardessus le mur de l'école. <strong>Le</strong> gourgandin m'a demandé de monter à l'arrière, avec lui, de m'asseoir sur lui. La blague était marrante, mais il ne bandait pas vraiment. « Comment veux-tu que je m'enfile ça ? », lui ai-je demandé pardessus mon épaule. Cinq minutes après, les choses devenaient possibles. C'était moi qui ne voulais plus... Devant cette école, c'était inconvenant. Et puis nous étions dans le village d'une de mes connaissances les plus austères. Son spectre renfrogné est apparu, et a dépecé mon rêve au couteau de boucher... Nous avons fini dans un sous-bois. J'étais bien, bien. Comme je l'ai rarement été. Il m'a caressée doucement. M'a laissée m'ouvrir sans me bousculer. Est venu
s'agenouiller entre mes jambes quand j'en avais vraiment envie. M'a baisé long et régulier, pendant que je me caressais de la main droite, que je crispais ma main gauche dans ses cheveux, que j'appuyais mes talons aiguilles sur le tableau de bord. J'ai joui vite. Lui après moi. On s'est remis debout, secoué, défroissé, épongé. J'ai dit : « Bien sûr, ce n'était pas sexuel. » Il a approuvé : « Bien sûr que non. » En me ramenant, il m'a demandé si je verrais un inconvénient à passer un après-midi avec lui, un de ces jours. J'ai dit : « Aucun inconvénient. » Quand je suis arrivée à la gym, Isa pleurait. Ce matin, j'ai appris au gourgandin que je serais libre dans la semaine, demain ou jeudi. Il m'a écoutée avec ses mains à ma taille, son souffle sur mon visage, l'odeur de son pull-over par bouffées chaudes à mes narines. Quelque part, plus loin, Isa détournait la tête pour ne pas me voir. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il arrive à présent, je ne veux plus souffrir par lui.
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Alors j'ai surenchéri, sans grande
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