Le Gourgandin - Fran.. - Index of

Et puis, blottie contre lui, je lui ai affirmé que je me foutais de sa queue, qu'elle comptait pour à peu près
10 % dans mon amour de lui... J'ignore si la déclaration l'a rasséréné ou démoli. Il est parti. Je me sentais
un peu frustrée après ses caresses prometteuses. J'ai fait pour moi seule une révision à la hausse : va pour
20 %.
Isabelle m'a ramenée à midi. Mes filles étaient là. Nous avons mangé ensemble, sans pouvoir bavarder
librement ; ça m'a reposée. Isabelle a mauvaise mine. Elle rit mal, un peu forcé. Elle souffre ce que j'ai
souffert il y a quelques mois, quelques semaines, encore. Elle pense au gourgandin, sans en parler, elle
imagine ce que je ne lui dis pas. Elle ne sait pas que ça s'appelle la jalousie...
Chapitre 18
Mardi 4 février
Isabelle m'a encore ramenée. Elle m'a demandé où j'en étais. De ce que j'écrivais et de tout le reste. Je
n'ai pas dit de mensonge en répondant : « Nulle part. » En expliquant que je piétinais, que j'avais des
doutes sur mes sentiments présents, et des flashes de mes tristesses passées. Souvent la larme à l'œil pour
des riens. Des réminiscences douloureuses de l'enfance, et des débuts avec Antoine.
Elle a suggéré qu'il devait y avoir du plaisir à « récupérer » le gourgandin. Passé la première exaltation,
je reste incertaine au bord d'une nouvelle routine. Je désespère d'insuffler à notre histoire un élan neuf.
Chaque fois qu'on reculera à présent, on reviendra, au mieux, se cogner à la même limite. Voilà,
Christine, même pas mariée avec lui, et malade de morosité quand même. C'est peut-être la pluie
d'aujourd'hui qui grisaille mes désirs et noie mes rêves.
J'ai dit à Isabelle : « Tu me passionnes plus que lui en ce moment. » Ça non plus, ce n'était pas un
mensonge. J'ai envie de me donner à quelqu'un pour la première fois, et de l'éblouir du cadeau, quarante
ans, mariée, trois enfants, un vieil amant infidèle. Et mon cœur chagrin d'adolescente. Et mon corps qui
des fois fait la gueule, même à Antoine...
Isabelle porte sa peine sur son visage. Elle semble dure. J'aurais voulu lui dire, ce matin : « Ecoute, non,
décidément, je ne le veux plus. Reprends-le. »
Attendons demain. Si demain est pareil, et après-demain... Si tous les jours, toutes les semaines sont
pareilles... Que faire alors ?