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Le Gourgandin - Fran.. - Index of

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- Je ne te reproche rien.<br />

J'ai essayé l'optimisme : Ne dramatise pas, va. Avec lui, rien n'est jamais définitif.<br />

-Alors là, tu vois, c'est juré, sur mes gosses, et tu sais, moi, je ne suis pas parjure ! Juré, juré ! Je ne lui<br />

adresserai plus la parole.<br />

Elle pleurait, blessée terriblement par tout ce que je tentais de dire, ou de taire. Des sentiments contraires<br />

me tiraillaient, l'envie de la prendre dans mes bras et de sangloter avec elle, de la bercer, « ma pauvre<br />

petite chérie, ma petite sœur, va, je te le laisse, et tu sais, c'est pas un cadeau ». Mais c'est elle qui a dit<br />

plusieurs fois, presque méchante : « Je te le laisse, garde-le ! Garde-le ! »<br />

J'avais aussi envie de ruer, de la secouer, de hurler : « Mais enfin, tu m'emmerdes avec tes états d'âme,<br />

j'ai eu les mêmes, les mêmes, et je n'ai pas fait tout ce cinéma ! » Mais elle capitulait déjà : « Je ne fais<br />

pas le poids, moi. En face de toi. » Je criais, je piaffais : « Ecoute, il a réagi pour une banale histoire de<br />

coups de fil, d'absence. Une ruse, une stratégie, je ne pensais pas qu'il marcherait encore ! » Elle<br />

reniflait : « Je ne sais pas me battre comme vous, moi, je ne suis pas de votre monde ! » Je<br />

l'encourageais, idiote que j'étais, je lui disais : « Essaie aussi, ça marchera ! » Elle se cabrait, ruisselante<br />

et digne :» Ça non ! Je le déteste ! C'est un menteur ! » Pardi ! Tu parles d'une découverte ! J'abondais<br />

dans son sens : « Bien sûr qu'il est menteur ! Ce fameux jeudi qu'il a passé avec toi, je le revois encore<br />

jurer, tu m'entends, jurer qu'il était avec un commercial. » Elle tremblait, animée d'une méchanceté<br />

soudaine : « Mais moi, moi, je le savais, qu'il avait des coups ici et là, que je n'étais pas unique... L'autre,<br />

là-elle indiquait vaguement le bureau de Myriam d'un menton vengeur -, qui l'attend le soir jusqu'à point<br />

d'heure quand il n'a pas sa voiture ! » Elle insistait, se roulait, pour m'atteindre, dans la boue de la<br />

délation, s'armait de tous les doutes qui m'avaient fait chanceler : « Et des minettes, un peu partout, il doit<br />

en avoir ! Des qu'on ne connaît même pas ! - Ça, non, répondais-je avec tristesse, ça ne lui ressemble pas.<br />

S'il y en avait, on le saurait. Sinon, quel goût ça aurait ? » Elle pleurait encore, redevenait misérable :<br />

« Quelle conne, quelle petite conne j'ai été ! Et il t'a dit, il t'a dit que j'insistais ! Mais c'est faux ! C'est<br />

faux ! Un moment par-ci, par-là, je ne voulais rien d'autre. J'ai bien compris, ces derniers temps, qu'il<br />

s'éloignait un peu, devenait plus distant...»<br />

Une joie sordide m'inonde, que je ne parviens pas à endiguer. Bien fait ! Bien fait ! Elle l'a sentie, elle<br />

aussi, la sale, dégueulasse douleur de n'être plus si désirée, l'humiliante souffrance de perdre d'abord<br />

l'éclat puis seulement l'intérêt. Elle pleure toujours : « Je lui ai dit : pourquoi rompre ? On ne rompt pas<br />

avec rien ! » J'hésite à comprendre si c'est le gourgandin ou elle-même qu'elle annihile ainsi. Elle non<br />

plus ne sait pas bien. Elle décrète : « Il n'existe plus pour moi. » Puis : « Je n'ai jamais existé pour lui. »<br />

Elle a les yeux enflés, la bouche gercée, les mains chaudes, elle piétine sur place comme un cheval<br />

nerveux... Plusieurs fois, on a frappé à sa porte. Il faut que je m'en aille... Je n'ai rien trouvé de net à dire,<br />

ni à faire, ni même à penser... J'oscille entre un triomphe amer et sceptique, et une culpabilité poisseuse...<br />

Merde, mais merde ! C'est le monde à l'envers, non, Christine ?

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