Le Gourgandin - Fran.. - Index of

mes mains, de mes regards...
J'ai oublié de relater notre coup de fil de vendredi, à Isa et à moi... Pendant que nous lutinions Martial,
j'ai dit : « Il faudrait que le gourgandin soit au courant ! Ça le ferait enrager. » Alors Isa a dit « chiche »,
et on l'a appelé. Elle a clamé dans l'appareil : « On est avec Martial ! » J'ai ajouté : « Si tu savais ce
qu'on lui fait ! »
Après j'ai eu mal, et honte. Mal de constater qu'Isa excelle à présent dans l'art du gourgandinage autant
que nous. Honte parce que j'ai trouvé ce coup de fil idiot, tout bien considéré. Inutilement méchant.
Mais la présence du gourgandin dans mon bureau aujourd'hui, et ses mains possessives sous mon tricot
m'ont persuadée de ce que je savais déjà, ce que je sais depuis le début : le dépit stimule, chez lui, la
tendresse. Si dépit toutefois il y a. Je lui ai demandé : « Tu nous en as voulu, pour notre coup de fil de
vendredi ? » Il a eu l'air surpris, a dit gentiment : « Non, pourquoi ? » (En effet, pourquoi ?) A ajouté :
« Mais j'étais dans le bureau du patron, je ne pouvais rien répondre. On vous entendait glousser...» Il y
avait sur son visage un regret incertain...
Que regrette-t-il, au juste, mon gourgandin ? De n'avoir pas su trouver la repartie ? De n'avoir pas ignoré
notre gaieté ? (Il dit toujours : « J'aime mieux ne pas savoir. ») Ou bien de n'avoir pas souffert ?
Tandis qu'il me serre contre lui, je lui demande encore : « Isa t'a dit qu'on se revenait bientôt, tous les
trois ? Qu'elle m'avait finalement convaincue ?» Il feint l'innocence, affiche un sourire ravi. Ses yeux
étincellent : « Non, non, je ne savais rien... Très très intéressant... Quand ? Quand ? Jeudi ? Je suis libre
jeudi matin ! » J'élude, je repousse le problème : « Dans deux semaines, c'est elle qui organise tout. Pas
avant. » Il m'embrasse encore, avec ferveur. Moi j'essaie d'imaginer le trio, et de ne pas trembler.
Elle m'a promis qu'elle fermerait les volets, et serait très coopérative. Je pense encore à la nuit de
Bruxelles. En ce moment, elle est très belle, change de couleur tous les jours pour trancher avec sa veste
noire. Aujourd'hui, elle est rouille et noire. Je la vois à midi. On fait le marché du mardi.