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Le Gourgandin - Fran.. - Index of

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pour se faire pardonner. C'est là qu'il a commencé à la trouver attirante. Elle venait de lui donner<br />

l'occasion de se comporter en grand seigneur. Il s'est vu, dans le beau regard clair de Myriam,<br />

qu'embuaient le chagrin passé et la reconnaissance nouvelle, il s'y est plu, et l'a alors considérée avec<br />

intérêt. Très certainement, il lui a conseillé l'épilation électrique du duvet qui le contrariait, comme à<br />

moi, deux ans plus tôt, l'ablation d'une verrue qui « nuisait à mon esthétique ». Très certainement, cette<br />

conne, comme moi, a souscrit à ses désirs... Bref, un peu plus tard, elle avait la lèvre supérieure lisse et<br />

nette comme une fesse de bébé, et prompte à se retrousser dans la mutine grimace à visée séductrice<br />

précédemment évoquée. Moi, je la préférais ombrée de son délicat duvet, et moins mièvre.<br />

A la fin de cette fameuse soirée qu'il avait passée à bander pour elle, c'est avec moi qu'il est parti. Il m'a<br />

dit « Viens » et je suis venue. Il était encore tôt. Mais ton mari, Christine, qui ne t'emmène plus jamais à<br />

nos réunions, répugne à rentrer tard. Ça, tu ne peux pas le lui reprocher. Cependant, avant de rejoindre<br />

ses pénates conjugales, et de se recouler dans le moule du gentil mari qui ne s'est pas attardé pour ne pas<br />

laisser sa petite femme trop longtemps, il s'accorde toujours le régal d'une escapade pittoresque. Ce soirlà,<br />

nous sommes allés sur un parking, il m'a demandé de descendre de voiture, et m'a prise ainsi,<br />

méchamment, debout, derrière moi, que sa poigne autoritaire courbait sur le capot. Je sentais qu'il se<br />

consolait comme il pouvait de n'avoir pas fini avec Myriam. Il fouettait son excitation du risque que nous<br />

prenions, dans ce parking très passant, de l'aspect cinématographique de la situation auquel il est toujours<br />

très sensible, de ma docilité... Il fallait faire vite. Il a fait vite. Je n'ai eu ni plaisir ni émotion, seulement<br />

la satisfaction idiote de me dire que j'aimais mieux être là, avec lui, mal baisée, expédiée, méprisée,<br />

plutôt que de l'avoir vu filer avec Myriam. Mais je sentais bien que leur union n'était que partie remise, et<br />

une mélancolie sans nom m'accablait, le chagrin bête et paradoxal de qui vient d'obtenir un sursis, et<br />

s'attriste déjà d'en devoir envisager la fin. J'ai rabattu ma jupe, elle était mouillée. Il m'a ramenée chez<br />

notre hôtesse, une collègue gentille qui, pour un soir, nous avait ouvert sa maison. Il a redémarré tout de<br />

suite. J'étais échevelée, froissée, un peu hagarde. On m'a demandé d'où je venais en plaisantant, Myriam<br />

me regardait. Et, bizarrement, j'ai eu de la peine pour elle.<br />

C'est dans le courant du mois d'août, qu'il m'a confessé (par lettre) leurs rencontres. Il en a parlé très<br />

brièvement, comme si cela n'avait aucune importance, et en tout cas, a bien précisé que l'entrevue ne<br />

s'était pas renouvelée. A l'époque, je ne connaissais pas encore son immense aptitude pour la<br />

dissimulation, ou plutôt le mensonge : tout l'art consiste à confesser un minimum, ce qui donne au fautif un<br />

air d'ingénuité et de regret authentique indiscutable... On est enclin, alors, à pardonner la vétille avouée,<br />

et l'on ne soupçonne pas le reste, qui est énorme. Mais ça aussi, cette technique du menteur pr<strong>of</strong>essionnel,<br />

il paraît que c'est moi qui la lui ai apprise...<br />

Et puis vint le jour où l'on me rapporta que Myriam s'était inscrite au stage. Ce stage annuel d'une<br />

semaine à Paris existe depuis bientôt dix ans. J'y ai participé une fois, au début, d'assez loin, et d'une<br />

façon préoccupée et absente qui ne m'a laissé que peu de souvenir. Une autre fois, deux ans après... Ton<br />

mari y était, Christine, mais je l'aimais pas encore. Pas plus en revenant qu'en y partant, même si, une nuit,<br />

il était venu me rejoindre dans ma chambre d'hôtel...<br />

Et puis notre histoire est vraiment née, a grandi. A vibré d'un grand souffle que, peut-être, je n'ai pas su<br />

ou voulu reconnaître. A pâli un peu, usée d'interdits, de précautions, de doutes, scandée chaque année par<br />

ce stage où, pour quelques jours, ou plutôt quelques nuits, j'avais l'impression, pas toujours gaie

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