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Le Gourgandin - Fran.. - Index of

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et de redites, pour m'apercevoir que, malgré sa générosité à se prêter à bien des mains, bien des regards,<br />

bien des cœurs, cette île demeurait mienne, et <strong>of</strong>frait, en même temps que ses poisons, l'antidote... Mon<br />

amour, le lait de ta queue est le seul remède à la blessure de jalousie, et le miel de tes mots, et le soleil<br />

vert doré de ton regard, et l'enchanteresse nouvelle douceur de tes gestes.<br />

Je suis revenue plus ardente et plus apprivoisée qu'à l'ordinaire, m'amarrer à la seule bite qui m'ait su<br />

retenir si passionnément. Je suis moi-même une navigatrice suffisamment curieuse de ports neufs pour<br />

comprendre que mon île puisse se plaire à la conquête d'autres plaisancières. J'ai mis du temps à<br />

l'admettre, et Isa n'est pas étrangère à ma découverte. J'ai relu récemment un petit mot de toi, merveilleux,<br />

qui disait simplement : « <strong>Le</strong>s gourgandinages ne sont pas bien graves...»<br />

Tu avais cent mille fois raison. Parce que vois-tu, mon cher amour, je me rends à cette abominable<br />

évidence : tu pourrais coucher avec cent mille femmes, je ne cesserais pas de f aimer, ni ne perdrais<br />

davantage ma passion pour toi si cent mille hommes s'allongeaient, séduits, à mes pieds.<br />

Un jour, tu as eu un autre mot, bien terrible celui-là. Tu as dit : « Etre marié, c'est manger du pot-au-feu<br />

tous les jours. Tu deviendras m jour mon pot-au-feu bis et je serai le tien. » Et tu avais cent mille fois<br />

tort. Car nos liens nous protègent des facilités et des pièges de la routine. Nos trahisons et nos jalousies<br />

aussi. Un pot-au-feu qui souffre, grogne, rouspète, se débat et relève le défi, qui marche au combat et veut<br />

plaire encore ? Plutôt un taureau dans l'arène, une bête noble et sauvage, et fière, qui vit dans la gloire ou<br />

meurt de même ! Ce n'est pas l'ail de la cuisine qui le pique, c'est la banderille de la passion.<br />

Je m'insurgeais, au début de ce journal, contre tes «turpitudes ». Je ne suis pas loin, à présent que j'ai fait<br />

le tour de l'île, ô inconstance de marin vite perdu, vite retrouvé, de les louer...<br />

Tu n'es pas mon pot-au-feu.<br />

Tu es mon amant magnifique, mon Tristan, celui que l'on ne peut ni ne sait quitter, celui qui vous attache,<br />

vous retient, vous obsède, celui avec lequel faute de n'avoir pu vivre, on peut parfois mourir.<br />

Moi je suis, très métaphoriquement, souvent morte d'amour pour toi. Et souvent, j'ai, béatement,<br />

ressuscité, aimant plus fort que jamais, brûlant de même. Je te promets des moissons encore inespérées.<br />

Et je te donnerai cette lettre pour qu'un jour, à la prochaine crise peut-être, tu me la rendes en disant :<br />

« Regarde, relis-toi, et n'oublie pas tes serments. »<br />

Mon gourgandin chéri, ce n'était pas une boutade quand j'ai dit l'autre jour au café : « J'ai eu la<br />

merveilleuse chance de te rencontrer trop tard...»<br />

Je ne te demande pas de transmettre mes condoléances à ta femme, qui, en t’épousant, a perdu beaucoup,<br />

jusqu'au droit de savoir et de trembler, jusqu'à celui aussi de s'inquiéter.<br />

Garde pour toi, au plus secret de toi, au plus chaud, mon amour toujours extasié, jamais rassasié.

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