Le Gourgandin - Fran.. - Index of
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Chapitre 10<br />
Dimanche 26 janvier<br />
J'ai raconté à Isabelle mon rêve de l'autre nuit. Nous étions à une fête, le gourgandin, elle, moi, d'autres<br />
collègues, tous assis en rond sur des chaises autour d'une pièce indéfinie, cuisine ou salon... Elle était à<br />
ma gauche, et tenait à sa gauche à elle le gourgandin, qu'elle devait caresser car, en riant aux éclats, elle<br />
nous montrait ses mains couvertes de sperme. Elle s'en frictionnait les avant-bras, le cou... L'opération<br />
recommençait à plusieurs reprises, et chaque fois la substance qui moussait dans ses paumes était plus<br />
abondante, plus collante, plus blanche. Elle a fini par s'en barbouiller la figure, pour jouer. J'étais triste à<br />
mourir. Soudain une nausée m'a soulevée, propulsée jusqu'aux toilettes. Je pleurais d'un dégoût ambigu,<br />
qui révulsait mon âme et contractait mon estomac. <strong>Le</strong>s autres riaient, j'avais honte. Mon maquillage a<br />
coulé, m'a noirci le visage, m'a redessiné de petits yeux, minces, étirés à l'extrême. Quelqu'un a dit : « On<br />
dirait Annette Léon. » Annette Léon est une stagiaire très jeune et très naïve que nous avions il y deux ans.<br />
<strong>Le</strong> symbole même de la petite fille sage, rangée, vite effarouchée... Avec mon visage noir, j'avais les yeux<br />
d'une oie blanche...<br />
Isabelle, au récit de ce cauchemar, avait son petit sourire crispé, et des soupirs qui signifiaient peut-être :<br />
« Comme c'est bête de se torturer comme ça..., comme c'est bête d'être jalouse, et malheureuse à cause de<br />
moi...»<br />
Il y a deux nuits, j'ai rêvé autre chose : je passais des espèces de vacances bizarres dans un camp où<br />
étaient réunis ma famille, mes collègues, des voisins, des connaissances. En fin de journée, tout le monde<br />
se sépare. La nuit n'est pas encore tombée, il fait doux. Je m'isole dans un W.C. Au moment de sortir, je<br />
sais qu'il n'y a plus personne dans les environs... La porte résiste, refuse de s'ouvrir. Je sens que<br />
quelqu'un pèse dessus, à l'extérieur. Peu à peu la pression se relâche, la porte s'entrebâille. Sans l'avoir<br />
vu, je comprends que c'est lui, le facétieux qui m'enfermait. Soudain il est là devant moi, dans son pullover<br />
rouge. Il m'éblouit. Sa présence m'enchante, me transporte, me comble d'un bonheur total. Je l'attire<br />
contre moi, il se laisse faire. Je dis : « C'est toi ? Quelle bonne idée d'être venu ! » Il sourit, il est gentil,<br />
chaud, accessible. Il replie ses bras sur moi, tout mon corps n'est qu'une jouissance calme, je ressens la<br />
nette conscience que cet homme est sur la terre pour que je l'aime et pour m'aimer. Je me caresse à lui<br />
avec le désir de me fondre complètement dans sa douceur, j'ai tiré le verrou sur notre intimité, refermé<br />
sur nous la porte. <strong>Le</strong> réduit est minuscule, et j'y suis bien avec lui. Mais nous ne pouvons pas rester ainsi.<br />
Mon mari m'attend quelque part dehors. Peut-être déjà couché. Alors on se sépare. On jure de se revoir.<br />
De tout mon rêve, je ne le revois plus, mais je le cherche et la promesse de le retrouver m'habite et me<br />
comble comme un enfant que je porterais, et la nuit ne tombe pas...<br />
Ce rêve-là, je ne le révélerai peut-être pas à Isabelle. Des pudeurs diverses me retiennent, sans que je<br />
sache vraiment les démêler, et puis, parfois, craquent soudain, et me voilà déballant des secrets que je