26.06.2013 Views

Le Gourgandin - Fran.. - Index of

Le Gourgandin - Fran.. - Index of

Le Gourgandin - Fran.. - Index of

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Chapitre 46<br />

Vendredi 18 avril<br />

Je suis donc partie à la Boîte lundi avec ma lettre dans mon attaché-case, et, dans ma tête, en taillis<br />

touffus, tous les fantasmes de mon week-end, tous les souvenirs remâchés, emmêlés, usés d'avoir tant et<br />

tant peuplé mes heures... Je m'apprêtais à une semaine sans Isa, sans le gourgandin, c'est-à-dire de<br />

solitude complète.<br />

Or bien avant d'arriver à la porte vitrée du grand hall, j'ai vu, non, entrevu, deviné, perçu, un éclair rouge<br />

dans les tréfonds obscurs du bâtiment, et immédiatement, immédiatement, j'ai su que c'était lui. Il a ouvert<br />

la porte, est descendu vers moi. Son pull rouge emplissait tout le panorama, rayonnait comme un couchant<br />

dans la savane, enfiévrait l'instant d'une lueur surnaturelle. A mes exclamations de surprise, il a répondu<br />

qu'il n'était là que jusqu'à dix heures et demie. « Tu tombes bien ! me suis-je écriée (je devais avoir l'air<br />

d'une sale opportuniste, très maîtresse de la situation, alors que je me sentais l'âme éblouie et les jambes<br />

flageolantes de Bernadette Soubirous en pleine vision céleste), j'ai des photocopies à faire ! »<br />

Il m'a rejointe dans le bureau où je l'avais précédé. J'ai expliqué : « C'est une lettre pour vous deux. La<br />

même. Je voulais te l'envoyer à Saint-Etienne. Tu l'emporteras ! » Il a eu une expression alléchée, ravie,<br />

pour commenter : « Treize pages ! » Son excitation me plaisait, sa curiosité, sa gentillesse aussi. Il m'a<br />

demandé : « Comment ça va, la tête ? » Je me suis méprise, j'ai répondu : « Toujours mal - Non, non, ta<br />

tête, l'intérieur ! »<br />

La question me stupéfiait de la part de cet ennemi du « divan », de ce délateur des « masturbations<br />

d'encéphales », de ce pudique des choses de l'âme. Me stupéfiait et m'attendrissait. J'ai dit : « C'est écrit<br />

là-dedans », en montrant la lettre. Il m'a prise contre lui, et, mon Dieu, mon Dieu, je n'étais plus étonnée<br />

du tout, c'était si fort ma place, et depuis si longtemps, et je le sentais bien, pour si longtemps encore... Il<br />

m'a apporté les photocopies (celles pour Isa) et l'original dans mon bureau. Je ne l'ai plus revu. J'ai posté<br />

mes treize pages pour Isa le soir même. J'ai guetté à partir de là un petit signe de l'un ou de l'autre. Rien<br />

mardi. Rien mercredi.<br />

Hier matin, jeudi, nouveau coup au cœur à 8 h 30 sur le parking de la Boîte. Je croyais, je croyais<br />

vraiment ne pas connaître la voiture du gourgandin !... Et pourtant là, garée près de la mienne, tout à côté,<br />

je la reconnaissais, c'était elle, à n'en pas douter, la couleur, le modèle, le numéro (je savais même le<br />

numéro !), qu'est-ce que c'était encore que cette histoire de fous ?<br />

Cette fois, j'ai le temps d'arriver jusqu'au hall. Au fond d'un couloir latéral, sur ma gauche, du coin de<br />

l'œil, je perçois le flash rouge du bonheur fou. A la même seconde, je note tout : ce n'est pas le même pull<br />

que l'autre jour et dessous, il a un polo jaune, ses yeux étincellent en vert doré, il sourit, il est content de

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!