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MANUEL GÉNÉRAL - INRP

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Les aventures d'Ulysse.<br />

CHEZ LE CYCLOPE.<br />

Voici une des plus vieilles histoires du monde; elle a<br />

probablement quelque cinq mille ans. Les Grecs, qui l'ont<br />

inventée, croyaient que la terre était peuplée d'êtres merveilleux<br />

comme 011 en voit dans les contes de fées et cela<br />

rendait leurs histoires bien amusantes et bien jolies.<br />

Ulysse était un de leurs héros préférés; roi d'Ithaque, une<br />

petite île de la Grèce, il était parti en Asie faire la guerre,<br />

laissant en son palais sa femme et son enfant. Quand il<br />

voulut revenir chez lui, après la victoire, il fut ballotté par<br />

la tempête sur son bateau à voiles et il lui arriva une<br />

infinité d'aventures extraordinaires. Un jour, le vaisseau,<br />

à court de vivres, aborde une terre inconnue près du<br />

rivage de laquelle o n aperçoit une^grrotte.<br />

J'ordonnai à. mes compagnons de demeurer près du<br />

vaisseau sur le rivage. Quant à moi, j'allai vers la<br />

grotte avec douze hommes d'élite; j'emportais une<br />

outre de vin excellent. Nous entrâmes dans la grotte.<br />

Partout des claies chargées de fromages, des parcs<br />

pour les agneaux et pour les chevreaux; les bêtes<br />

t taient séparées selon leur âge. Des vases de toutes<br />

formes, remplis de lait, s'offraient à nous. Mes compagnons<br />

me pressaient de prendre ce qui pouvait s'emporter<br />

et de nous éloigner en hâte. Je ne les écoutai<br />

pas, et ce fut mon tort; mais je voulais voir le maître<br />

de la grotte, dans l'espoir d'obtenir de lui les présents<br />

de l'hospitalité. Hélas! sa vue ne devait pas être<br />

agréable à. mes compagnons.<br />

Tandis que nous mangions de ses fromages, il<br />

revint avec son troupeau. Il portait une lourde charge<br />

de bois sec, pour préparer son repas ; dès qu'il fut<br />

entré, il la jeta sur le sol h grand bruit. La terreur<br />

nous fit reculer jusqu'au fond de l'antre. Alors il<br />

poussa dedans les femelles qu'il voulait traire et laissa<br />

les mâles en dehors. Puis, pour fermer l'entrée, il<br />

y posa une pierre énorme, telle que vingt-deux attelages<br />

vigoureux auraient peine à la déplacer. Quand<br />

il eut trait ses brebis, il fit cailler une partie du lait<br />

et laissa l'autre partie reposer dans les vases, pour<br />

le boire à son repas. Enfin, il alluma le feu et, à ce<br />

moment seulement, nous aperçut : « Qui êtes-vous,<br />

étrangers? D'où venez-vous par mer? naviguez-vous<br />

pour commercer, ou bien çà et là, faisant métier de<br />

pirates? »<br />

En l'entendant, le courage nous manqua, tant la<br />

voix et l'aspect du monstre étaient terribles. Enfin, je<br />

lui répondis : a Nous sommes des Achéens; partis de<br />

Troie, le vent nous a ballottés et dispersés sur la mer.<br />

Nous nous jetons à les genoux, espérant de toi l'hospitalité....<br />

»<br />

Il me laissait parler et gardait un silence farouche ;<br />

puis, d'un élan, il jeta ses mains sur mes compagnons,<br />

en saisit deux et les mangea comme un lion nourri<br />

dans la montagne. Nous, cependant, nous pleurions,<br />

nous élevions nos mains vers Zeus à la vue de ces<br />

horreurs et nous demeurions éperdus.<br />

Quand le Cyclope eut achevé son horrible repas,<br />

il se coucha tout de son long dans la grotte, et moi j'eus<br />

la pensée de me jeter sur lui, l'épée à la main, et de<br />

lui percer la poitrine. Une réflexion m'arrêta. Nous<br />

serions tous morts en cet endroit, faute de pouvoir<br />

repousser la pierre énorme qui obstruait 1 entrée.<br />

Force me fut donc d'attendre. Le lendemain matin,<br />

il se réveilla. Quand il eut allumé son feu et trait ses<br />

brebis, il saisit encore deux autres de mes compagnons<br />

et les dévora de même. Puis il fit sortir ses<br />

bêtes, en soulevant la pierre, la replaça ensuite, et<br />

s'en alla vers la montagne en sifflant.<br />

Resté avec mes compagnons, je méditais ma vengeance.<br />

Il y avait là une grosse solive d'olivier vert,<br />

aussi épaisse et aussi longue qu'un mât de vaisseau,<br />

le Cyclope l'avait coupée et fait sécher pour s'en servir<br />

comme d'un bâton. J'en détachai un morceau d'une<br />

brasse, je le fis polir par mos compagnons, puis je<br />

l'aiguisai et j'en durcis la pointe au feu; je le cachai<br />

alors sous le fumier qui couvrait le sol de la grotte.<br />

Nous tirâmes au sort les noms de ceux qui devaient<br />

m'aider : le sort désigna les quatre que j'aurais choi­<br />

LECTURE DU SAMEDI<br />

sis. Le soir, le Cyclope revint; et, a u lieu do laisser<br />

une partie de sos bêtes dehors, il les fit toutes entrer<br />

dans la grotte. Puis il remit en place lo rochor et se<br />

livra à sos soins habituels. Enfin, il saisit oncore deux<br />

do mes compagnons ot les dévora.<br />

Alors je m'approchai do lui, en tenant à la main<br />

une coupe de vin, et je lui dis : « Tiens, Cyclope,<br />

bois ce vin; il faut q ue tu saches quel breuvage<br />

exquis contenait notre vaisseau. » Lui, prit la coupe<br />

et la vida. 11 se délecta en buvant ce vin délicieux et<br />

il m'en demanda une seconde fois : « Verso oncoro<br />

sans te f^ire prier, et dis-moi tout de suito t on nom,<br />

afin que j e te donno un présent d'hospitalité q ui le<br />

fasse plaisir. Pour les Cyclopes aussi, la terre féconde<br />

produit de lourdes grappes qui donnent le vin, et la<br />

pluie d e Zeus les fait gonfler. Mais ce breuvage-ci,<br />

c'ost de l'ambroisie ot d u nectar. » Là-dessus, j e lui<br />

versai de nouveau du vin. Trois fois, jo lui en donnai;<br />

trois fois il le but jusqu'à la dernière goutte, sans se<br />

défier. Alors, quand la puissance du vin eut enveloppé<br />

son esprit, je lui adressai doucoment la parole :<br />

« Cyclope, l u me demandes le nom sous lequel j o<br />

suis connu : jo vais te le dire; toi, do ton côté, aonnemoi<br />

le présent d'hospitalité que tu m'as promis. M on<br />

nom est Personne. Mon père et ma m ère m'appellent<br />

Personne, et tous nos amis également. » Voilà ce que<br />

je lui dis, et lui, sans pitié, m e répondit : o E h bien,<br />

je mangerai Personne e n dernier lieu, quand j'aurai<br />

dévoré tous les autres. Ce sera là mon présent d'hospitalité.<br />

»<br />

11 dit et, se renversant en arrière, tomba sur le dos,<br />

puis il replia son cou énorme et resta étendu, car le<br />

sommeil qui dompte tout l'avait terrassé. Alors je<br />

poussai l'épieu sous la cendre épaisse, jusqu'à ce qu'il<br />

s'échauffât, et en même temps par mes paroles j'exhortais<br />

mes compagnons, pour qu'aucun d'eux, saisi de peur, ne se dérobât. Quand l'epieu d'olivier fut sur le<br />

point de prendre feu, bien que vert, et qu'il commença<br />

à rougir fortement, je le tirai du feu et l'approchai<br />

du Cyclope; mes compagnons m'entouraient;<br />

les dieux nous avaient inspiré un grand courage. Eux,<br />

soulevant le pieu d'olivier, aiguisé, le posèrent sur son œil; et moi, d'en haut, je le faisais tourner en appuyant, comme un charpentier perce avec une tarière une pièce de bois destinée à un vaisseau...<br />

Le Cyclope poussait des plaintes terribles, et l'antre<br />

mugiss'ait en ses profondeurs ; saisis de frayeur, nous<br />

nous étions rejetes en arrière. Il arracha de son œil<br />

le pieu souillé de sang, et, hors de lui, il le fit voler<br />

au loin. En même temps, il appelait à grands cris les<br />

Cyclopes qui habitaient autour de lui dans les grottes<br />

do la montagne battue des vents.<br />

Les _ Cyclopes accouraient à ses cris et l'interrogeaient<br />

: « Qu'as-tu, Polyphème? Quelqu'un veut-il te<br />

tuer par ruse ou par force? » Du fond de son antre,<br />

il leur répond : « Personne ». Et eux : « Si personne<br />

ne te lait violence, c'est donc que tu es malade; prie<br />

ton père, lo roi Poséidon, de te guérir ». Là-dessus,<br />

ils se retirent, tandis que je riais en moi-même du<br />

succès de ma ruse.<br />

Polyphème, malgré ses souffrances, méditait de se<br />

venger. 11 enlève la pierre de l'entrée, et, se plaçant<br />

au milieu de la porte, étend les bras pour saisir quiconque<br />

tenterait de passer au milieu du troupeau. Jo<br />

cherchais avec angoisse un moyen de lui échapper :<br />

voici celui auquel je m'arrêtai. II y avait dans le troupeau<br />

des béliers vigoureux, couverts d'une épaisse<br />

toison. Je les attachai trois par trois avec des liens<br />

d'osier; celui du milieu portait sous son ventre un de<br />

mes compagnons; les deux autres couvraient ses<br />

flancs. Moi-même, jo me glissai sous le plus robuste<br />

de tous et m'enroulai dans sa laine. Quand lo jour<br />

parut, le troupeau se mit en marche pour sortir; le<br />

Cyclope palpait les bêtes à mesure qu'elles passaient;<br />

mais il ne se doutait pas do la ruse...<br />

A quelque distance de là, je me dégageai et je déliai<br />

mes compagnons. Puis nous poussâmes lo troupeau<br />

jusqu'au navire, où nos compagnons nous accueillirent<br />

joyeusement. Lo trouyieau embarqué, nous nous éloi—<br />

gnâmcsrapidernent du rivage. (L'Odyssée'.)<br />

1. Traduction de M. Croiset citée par M. Bouchor dans son<br />

ll6portoire dos lectures populairos.<br />

LECTURE EXPLIQUÉE : GUÉCHOT. Deuxième livre.Vocabulaire et Composition, moyen 3.40<br />

* Majoration temporaire de 25 °/0 —- —— .

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