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Evangile de Jean - Kerit

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L’hymne d’introduction est un sommet d’où se contemple tout le paysage du quatrième évangile.<br />

Il est comme l’ouverture musicale d’un opéra, qui énumère, les uns après les autres, tous<br />

les principaux thèmes du récit que l’on va découvrir. L’ouverture <strong>de</strong> la « Flûte enchantée »<br />

donne déjà le ton du <strong>de</strong>rnier opéra <strong>de</strong> Mozart, avec ses moments <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur, d’initiation,<br />

<strong>de</strong> drôlerie… Tout est déjà en germe dès le seuil <strong>de</strong> ce chef d’œuvre musical. Ainsi, les 18<br />

versets du prologue poétique <strong>de</strong> <strong>Jean</strong> sont bien plus qu’une préface qu’on pourrait aisément<br />

sauter pour abor<strong>de</strong>r d’emblée le récit proprement dit. Ils sont comme une lumière qui va éclairer<br />

à tout moment la lecture du quatrième évangile.<br />

<strong>Jean</strong> cherche à piquer la curiosité <strong>de</strong> son lecteur. Il le met en appétit pour entendre la suite.<br />

Les publicitaires s’enten<strong>de</strong>nt bien pour capter l’attention par <strong>de</strong>s images ou <strong>de</strong>s paroles qui<br />

font « tilt ». Des procédés semblables existaient dans l’Antiquité. <strong>Jean</strong> utilise <strong>de</strong>s mots qui,<br />

immanquablement, vont susciter l’intérêt du lecteur, juif ou païen, <strong>de</strong> la fin du premier siècle.<br />

Ces mots sont « lumière, ténèbres, Père, Unique Engendré (Fils unique) » et surtout « Parole –<br />

Logos ». Ce vocabulaire renvoie aux enseignements ésotériques, réservés à <strong>de</strong> petits cercles<br />

d’initiés et propagés par <strong>de</strong>s mouvements qu’on appelait « gnose » ou « mystères ». Des mouvements<br />

<strong>de</strong> type gnostique (New Age) rencontrent à nouveau du succès à l’aube <strong>de</strong> notre<br />

XIXe siècle. Ici aussi, <strong>Jean</strong> peut apporter une réponse.<br />

« D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Qui sommes-nous ? » Sur ces interrogations <strong>de</strong> toujours,<br />

que partagent l’homme antique avec l’homme mo<strong>de</strong>rne, le Prologue <strong>de</strong> saint <strong>Jean</strong> projette<br />

sa propre vision du sens <strong>de</strong> l’aventure humaine. En particulier par le mot « Λογος »<br />

« Parole, Verbe », l’évangéliste suscite un écho tant chez les païens <strong>de</strong> culture grecque que<br />

chez ses lecteurs juifs. 5 Si les spéculations, tant juives que grecques, restaient très éloignées<br />

<strong>de</strong> ce qu’il voulait exprimer, <strong>Jean</strong> les considère sans doute comme autant <strong>de</strong> préparations à<br />

entendre l’évangile.<br />

J’adopte la division en six strophes que propose le père X-L. Dufour 6 pour ce poème, et je<br />

vais les commenter l’une après l’autre. Il y a une ligne <strong>de</strong>scendante (versets 1 à 11), une jointure<br />

formée <strong>de</strong>s versets 12 et 13 et une ligne ascendante (versets 14 à 18). Le prologue épouse<br />

le mouvement <strong>de</strong> l’admirable oracle d’Isaïe 55, 10-11 :<br />

« 10 De même que la pluie et la neige <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s cieux<br />

et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre,<br />

sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer,<br />

pour fournir la semence au semeur et le pain à manger,<br />

11 ainsi en est-il <strong>de</strong> la parole qui sort <strong>de</strong> ma bouche<br />

qui ne revient pas vers moi sans effet,<br />

sans avoir accompli ce que j’ai voulu<br />

et réalisé l’objet <strong>de</strong> sa mission. »<br />

5 Les philosophes stoïciens et le penseur d’origine juive Philon d’Alexandrie décrivaient un Λογος, une Parole<br />

tantôt comme une sorte d’âme du mon<strong>de</strong> en assure l’ordre et la cohérence, tantôt comme une « idée » ou une<br />

« image » <strong>de</strong> Dieu servant <strong>de</strong> modèle pour créer l’homme. Dans le mon<strong>de</strong> juif, les milieux rabbiniques considéraient<br />

la Torah (Loi <strong>de</strong> Dieu, essentiellement les 5 livres du Pentateuque) comme la Parole <strong>de</strong> Dieu (‘Memra’ en<br />

araméen ou ‘Davar’ en hébreu) et sa présence (‘Shekinah’ en hébreu). Certains écrits rabbiniques lui donnaient<br />

un rôle presque créateur en en faisant une figure quasi personnifiée.<br />

6 Voir la bibliographie.

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