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La Recherche - Veolia Environnement

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MODÉLISATION CROISSANCE URBAINE<br />

Les villes gloutonnes<br />

Hervé<br />

Domenach<br />

est démographe<br />

à l’Institut de<br />

recherche pour le<br />

développement (IRD).<br />

domenachhh<br />

@wanadoo.fr<br />

* Une mégapole<br />

est une ville où<br />

la concentration<br />

de la population<br />

atteint 8 millions<br />

d’habitants et plus<br />

avec une continuité<br />

de l’habitat.<br />

* Le taux<br />

d’urbanisation<br />

mesure le nombre<br />

de citadins pour<br />

cent habitants.<br />

En 2050, les trois quarts des habitants de la Terre vivront probablement<br />

dans des villes. Quelles seront les conséquences de cette concentration<br />

sur notre environnement ?<br />

2007 marque un moment démographique<br />

essentiel : pour la première<br />

fois, selon les Nations unies (1), sur les<br />

6,6 milliards de Terriens, il y a autant<br />

L’année<br />

d’urbains que de ruraux, alors que les<br />

urbains ne représentaient que 2 % en 1800, 10 % en<br />

1900. Ils seront probablement 75 % en 2050. Chaque<br />

semaine, on compte environ 1 million de citadins<br />

supplémentaires, en raison à la fois de l’accroissement<br />

démographique urbain endogène et de l’attraction<br />

de ruraux à la recherche d’un travail, d’un<br />

logement, de soins et d’éducation. Cela se traduit<br />

souvent par un développement urbain anarchique<br />

et des conditions humaines, sanitaires et écologiques<br />

précaires. Comment héberger en 2050 de 3 à 5 milliards<br />

de citadins supplémentaires ? Pourrons-nous<br />

assurer l’équilibre de l’écosystème planétaire sans<br />

limiter notre croissance économique ni modifier nos<br />

modes de production et de consommation ?<br />

En 1950, seules 83 villes comptaient plus de 1 million<br />

d’habitants, elles sont 435 aujourd’hui. Actuellement,<br />

9 % de la population urbaine mondiale sont réunis<br />

dans 20 mégapoles* : Tokyo (la plus importante,<br />

avec 33 millions d’habitants), New York, Mexico,<br />

Séoul, São Paulo, Los Angeles, Djakarta, Osaka-<br />

Kyoto-Kobé, Delhi, Bombay, Le Caire, Shangai,<br />

Calcutta, Buenos Aires, Manille, Moscou, Téhéran,<br />

Dacca, Istanbul, Rio de Janeiro. Mais dans le futur,<br />

ce sont surtout les villes d’environ 500 000 habitants,<br />

situées dans les pays en développement, qui augmenteront<br />

considérablement, tandis que la population<br />

des mégapoles ne connaîtra, probablement, qu’une<br />

croissance lente, estimée à 3 % par an.<br />

Vers 2030, selon les projections des taux d’urbanisation*<br />

, on ne compterait plus que 39 % de ruraux dans<br />

le monde. Dans le même temps, la croissance de la<br />

population urbaine du monde développé ne passerait<br />

12 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415<br />

que de 870 millions d’habitants à 1,02 milliard, tandis<br />

que la population des « taudis » du monde, estimée à<br />

1 milliard actuellement, est impossible à projeter.<br />

Cette formidable accélération de la concentration des<br />

hommes se fait souvent dans des conditions à risques,<br />

tant sur le plan humain (malnutrition, hygiène défectueuse,<br />

promiscuité, fléaux sociaux…) que sur le plan<br />

écologique (ressources en eau et espaces agricoles<br />

accaparés, pollutions des nappes phréatiques et de<br />

l’air, diminution du captage des eaux de ruissellement<br />

et augmentation des menaces d’inondations…). De<br />

plus, cette urbanisation galopante dans les pays du<br />

Sud ne relève pas d’un dynamisme économique ou<br />

de transformations des capacités productives comme<br />

ce fut le cas dans les pays du Nord, mais plutôt de<br />

la pauvreté, du sous-équipement des campagnes<br />

et des crises agricoles qu’elles soient économiques,<br />

écologiques ou foncières.<br />

Tout dépend des choix politiques<br />

En effet, les villes-champignons des pays en développement<br />

ne peuvent que difficilement répondre aux<br />

besoins de leurs populations en croissance (2). Sans<br />

plan d’urbanisme ni réseaux, ces villes connaissent<br />

souvent une croissance anarchique, que la création<br />

éventuelle de cités-satellites périphériques ne suffit<br />

pas à rééquilibrer. Les quartiers surpeuplés et<br />

sous-équipés (en voirie, réseaux, adduction d’eau<br />

potable, électricité, assainissement, infrastuctures<br />

sociales de santé ou d’éducation) se multiplient,<br />

pouvant atteindre jusqu’à 100 000 personnes par<br />

kilomètre carré.<br />

Pourtant, l’urbanisation présente, au moins en théorie,<br />

de nombreux avantages : elle facilite l’administration<br />

logistique et réduit les coûts de gestion des transports,<br />

des services sanitaires, de la sécurité, de l’éducation, etc.<br />

Elle assure ainsi une meilleure gestion des effectifs de<br />

© MARTIN SASSE/LAIF-REA<br />

LA CONCENTRATION<br />

URBAINE N’EST PAS<br />

LA CAUSE DE<br />

TOUS LES MAUX.<br />

ELLE POURRAIT MÊME<br />

ÊTRE UN REMÈDE.<br />

population à investissement<br />

égal. Concentrant la moitié<br />

de la population du globe sur<br />

moins de 3 % de la surface<br />

émergée, elle permet aussi une meilleure préservation<br />

des ressources naturelles.<br />

L’urbanisation abriterait donc en son sein les remèdes<br />

aux déséquilibres qu’elle peut engendrer. De fait, la<br />

concentration urbaine n’entraîne pas automatiquement<br />

la pollution, la dégradation des ressources,<br />

la surproduction de déchets. Ce sont les modes de<br />

production et de consommation non durables ou<br />

une mauvaise gestion urbaine qui sont à l’origine<br />

des mutations environnementales. Ce sont les choix<br />

politico-économiques, notamment ceux liés à l’agroproductivisme,<br />

qui créent des situations de rupture<br />

des écosystèmes, des processus de désertification,<br />

de déforestation ou d’érosion. Ainsi, pour satisfaire<br />

l’accroissement de la demande de viande de la ville<br />

MODÉLISATION CROISSANCE URBAINE<br />

de Mexico, les forêts tropicales de l’État de Tabasco,<br />

pourtant distantes de 400 kilomètres, ont été rasées<br />

afin de créer des zones d’élevage bovin. Résultat :<br />

de grandes exploitations agro-commerciales se sont<br />

implantées, au détriment des petits producteurs<br />

condamnés à migrer en ville.<br />

Il est probable que l’on n’en soit qu’aux prémices<br />

d’un processus intense de mobilité spatiale, résultant<br />

de la croissance urbaine et des mutations<br />

environnementales. Dans un contexte planétaire où<br />

la richesse des uns tout comme l’extrême pauvreté<br />

des autres constituent de graves menaces pour l’environnement,<br />

les politiques à mener pour assurer le<br />

renouvellement des écosystèmes n’apparaissent toujours<br />

pas clairement. Pas plus que celles pour surmonter<br />

les antagonismes entre le monde rural et le<br />

monde urbain, entre la satisfaction des besoins primaires<br />

et la surconsommation, entre les acteurs des<br />

pollutions et ceux qui les subissent. ● H. D.<br />

(1) ONU, Division<br />

de la population,<br />

World Urbanization<br />

Prospects : The<br />

2006 Revision,<br />

New York, 2007.<br />

(2) D. Pinson<br />

« <strong>Environnement</strong><br />

et urbanisation »,<br />

dans <strong>Environnement</strong><br />

et populations : la<br />

durabilité<br />

en question,<br />

H. Domenach<br />

et M. Picouet (dir.),<br />

L’Harmattan, 2004.<br />

LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 13

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