La Recherche - Veolia Environnement
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TECHNOLOGIE BIOGAZ<br />
Des déchets<br />
au gaz naturel<br />
© PHOTOTHÈQUE VEOLIA-CHRISTOPHE MAJANI D’INGUIMBERT<br />
Sahra Cepia<br />
est journaliste<br />
scientifique.<br />
En se dégradant, la partie fermentescible des déchets génère du<br />
biogaz. Une source de production naturelle de méthane de plus en plus<br />
convoitée.<br />
Alors que le gaz naturel d’origine fossile<br />
est une source d’énergie limitée, il y aura<br />
du biogaz tant que les hommes produiront<br />
des déchets. « Avant, les décharges<br />
avaient la mauvaise réputation de nuire à<br />
l’environnement », témoigne René Chainay, directeur<br />
général de la société Rep (<strong>Veolia</strong> Propreté). Ces sites<br />
ont peu à peu évolué vers des centres d’enfouissement<br />
technique (CET), en réponse aux contraintes<br />
de protection de l’environnement dans un contexte<br />
de développement technologique. Le biogaz qui<br />
s’en échappe, issu de la dégradation anaérobie* des<br />
déchets organiques, a d’abord été capté pour éviter les<br />
impacts environnementaux et, notamment, limiter<br />
les odeurs. « Au départ, il était brûlé en torchères.<br />
Mais, aujourd’hui, compte tenu de sa valeur ajoutée<br />
et des enjeux énergétiques, nous cherchons de plus<br />
SOUS CETTE PRAIRIE :<br />
UN SITE DE STOCKAGE DE<br />
DÉCHETS (ÉTATS-UNIS).<br />
UN TECHNICIEN MESURE<br />
LES CARACTÉRISTIQUES<br />
DU BIOGAZ RÉCUPÉRÉ<br />
POUR ÊTRE VALORISÉ.<br />
en plus à le valoriser », poursuit Christophe Aran,<br />
directeur du centre de recherche sur la propreté de<br />
<strong>Veolia</strong> <strong>Environnement</strong>.<br />
Le biogaz est un puissant gaz à effet de serre composé<br />
de 30 % à 40 % de dioxyde de carbone (CO 2 ) et surtout<br />
de 45 % à 60 % de méthane, vingt et une fois<br />
plus puissant que le CO 2 . Il contient également une<br />
partie résiduelle d’oxygène, d’azote et d’éléments traces<br />
polluants tels que de l’hydrogène sulfuré et des<br />
composés organiques volatils (COV). Tout comme<br />
le gaz naturel sortant de terre, le biogaz doit être<br />
capté puis traité pour en extraire le méthane, seul<br />
gaz valorisable. Sur le CET de Claye-Souilly, en<br />
Seine-et-Marne, où 1 million de tonnes de déchets<br />
sont traitées par an par la société Rep, plus de 95 %<br />
du biogaz sont captés aujourd’hui, contre 30 % en<br />
1992. « Auparavant, nous le récupérions par la pose<br />
de drains verticaux au fur et à mesure du stockage des<br />
déchets, explique René Chainay. Aujourd’hui, nous<br />
plaçons un système de drains horizontaux dès l’arrivée<br />
des déchets, ce qui nous permet de capter le biogaz<br />
dès le cinquième mois de fermentation, et ce pendant<br />
une trentaine d’années. »<br />
Le méthane, dit « biométhane » parce que d’origine<br />
non fossile, est extrait du biogaz soit par élimination des<br />
autres composants, soit par capture sélective<br />
des molécules de méthane. « L’extraction<br />
de la partie résiduelle composée d’oxygène et<br />
d’azote constitue encore un vrai challenge »,<br />
précise Christophe Aran. L’hydrogène<br />
sulfuré ayant un fort pouvoir corrosif et<br />
certains COV, comme les siloxanes* , un fort pouvoir<br />
agressif, il convient de les éliminer avant que le<br />
biogaz n’atteigne les unités de valorisation. « Sinon,<br />
poursuit-il, au cours de la combustion, les siloxanes<br />
se transforment en oxyde de silice, et cette fine poudre<br />
abrasive se dépose dans la chambre de combustion,<br />
encrassant progressivement les pièces jusqu’à leur casse,<br />
et acidifiant l’huile. » Les recherches se poursuivent<br />
sur l’élimination de ces composés polluants.<br />
Le biométhane, une énergie d’avenir<br />
Après cette phase de prétraitement, le biométhane est<br />
une ressource à part entière. Cette production est soit<br />
externalisée, comme à Lille, où le biométhane sert de<br />
carburant aux bus de transport en commun, soit mise<br />
à profit sur site. À Claye-Souilly, la Rep le valorise<br />
pour produire l’électricité nécessaire au fonctionnement<br />
de ses installations et elle injecte le reste dans le<br />
réseau EDF. En améliorant ses équipements (moteurs<br />
thermiques, chaudières et turbines à vapeur) et en faisant<br />
appel à un cycle combiné de cogénération (lire<br />
« Pouquoi pas nous ? », p. 64), l’entreprise est passée<br />
d’une production de 1,7 mégawatt (MW) d’énergie<br />
électrique, en 1992, à 16 MW, en 2005. « Ces années<br />
de recherche expérimentale nous permettent d’établir<br />
que 1 mètre cube de biogaz équivaut à une puissance<br />
de 5 kilowatts d’énergie thermique, témoigne René<br />
Chainay. Aujourd’hui, nous cherchons à maîtriser<br />
notre production de biogaz dans le temps, par la<br />
réinjection d’eau ou de lixiviat* au fur et à mesure<br />
de l’exploitation du site. »<br />
Europe : peut mieux faire<br />
<strong>La</strong> production de biogaz en Europe ne cesse de<br />
croître, mais reste encore loin des objectifs fixés<br />
par le livre blanc sur les énergies renouvelables* :<br />
15 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep)<br />
en 2010. <strong>La</strong> production atteignait seulement<br />
5,35 Mtep en 2006, selon le dernier rapport de<br />
l’Observatoire européen des énergies renouvelables,<br />
EurObserv’er, et 0,227 Mtep, en France selon<br />
la direction générale de l’Énergie et des Matières<br />
premières (DGEMP). Ce biogaz provient toujours<br />
en majeure partie des décharges, mais aussi de<br />
l’industrie agro-alimentaire, de l’agriculture et<br />
des stations d’épuration urbaines. Il est de plus<br />
en plus valorisé pour produire de l’électricité,<br />
grâce, en particulier, à la cogénération (production<br />
combinée de chaleur et d’électricité), avec<br />
une production européenne de 17,3 terawatt-<br />
heures en 2006 et de 503 gigawattheures, en<br />
France selon la DGEMP.<br />
En France, l’électricité produite à partir de biogaz<br />
fait l’objet d’un tarif de rachat par l’opérateur<br />
national, depuis juillet 2006. Le biométhane n’est,<br />
en revanche, pas autorisé à rejoindre le réseau gazier.<br />
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise<br />
de l’énergie, le biométhane produit en France (toutes<br />
sources confondues, lire « Europe : peut mieux<br />
faire », ci-dessous) pourrait pourtant couvrir 10 %<br />
de la consommation, sachant que le pays est importateur<br />
de gaz à plus de 90 %. Certains arguënt que<br />
la ménagère ne verrait pas d’un bon œil l’arrivée<br />
dans sa cuisine de gaz issu de déchets. Pourtant, en<br />
Allemagne (premier producteur européen de biogaz<br />
selon l’Observatoire européen des énergies renouvelables,<br />
EurObserv’er), le biométhane est depuis<br />
longtemps réinjecté dans le réseau de gaz. Les industries<br />
connectées peuvent ainsi revendiquer l’utilisation<br />
d’une énergie verte. « Lors de son utilisation<br />
industrielle, la transformation du biométhane produit<br />
un CO 2 “vert”, biogénique, non comptabilisé dans<br />
l’effet de serre étant donné qu’il n’est pas issu d’une<br />
énergie fossile, se réjouit Christophe Aran. À l’avenir, il<br />
nous reste à piéger le CO 2 issu du biogaz, par exemple<br />
dans les aquifères salins profonds, et, ainsi, atteindre<br />
le zéro impact environnemental ! » ● S. C.<br />
POUR EN SAVOIR PLUS<br />
<strong>Veolia</strong> <strong>Environnement</strong> sur les CET et le biogaz :<br />
www.ecomethaniseur.com<br />
Biogaz de l’agence américaine de la protection de<br />
l’environnement : www.epa.gov/lmop/ (en anglais).<br />
Siloxanes in <strong>La</strong>ndfill and Digester Gas Update, LMOP<br />
8th Annual Conference and Project Expo,<br />
E. Wheless, 2005.<br />
TECHNOLOGIE BIOGAZ<br />
Production de biogaz pour 1 million de tonnes de déchets<br />
58 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 59<br />
2 500<br />
2 000<br />
1 500<br />
1 000<br />
500<br />
Débit biogaz (mètres cubes par heure)<br />
0<br />
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30<br />
Année<br />
Le biogaz est produit pendant une trentaine d’années.<br />
* Anaérobie<br />
signifie<br />
en l’absence<br />
d’oxygène.<br />
* Les siloxanes<br />
sont des composés<br />
organiques<br />
volatils issus<br />
de l’oxydation<br />
des molécules<br />
de silice provenant<br />
des déchets<br />
de produits<br />
cosmétiques<br />
et d’hygiène<br />
(déodorants,<br />
shampooings,<br />
crèmes,<br />
lessives…).<br />
* Le lixiviat,<br />
ou « jus de<br />
décharge », est<br />
la fraction liquide<br />
produite par la<br />
fermentation<br />
des déchets.<br />
* Le livre blanc<br />
sur les énergies<br />
renouvelables<br />
appelle à<br />
un doublement<br />
de leur part<br />
à l’horizon 2010,<br />
de 6 % à 12 %.<br />
© SOURCE : VEOLIA REP