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La Recherche - Veolia Environnement

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TECHNOLOGIE SÉQUESTRATION CO 2<br />

Objectif : zéro émission<br />

Dominique<br />

Chouchan<br />

est journaliste<br />

scientifique.<br />

Enfouir le dioxyde de carbone, émis par la combustion du charbon et<br />

des hydrocarbures, est l’une des solutions pour freiner l’augmentation<br />

de son taux dans l’atmosphère.<br />

Parmi les multiples scénarios envisagés<br />

en géoingénierie* (lire « Un climat sur<br />

mesure », p. 62), les plus avancés sont fondés<br />

sur le stockage géologique du dioxyde de<br />

carbone (CO ), et en premier lieu de celui<br />

2<br />

émis par les principales sources fixes : centrales thermiques<br />

et secteur industriel (raffineries, usines sidérurgiques…).<br />

Un enjeu majeur, lorsqu’on sait, par<br />

exemple, qu’à l’horizon 2030, la quantité de charbon<br />

brûlé devrait croître de près de 60 % à l’échelle mondiale<br />

selon l’Agence internationale de l’énergie. Pour<br />

sa part, l’Europe s’est fixé l’échéance de 2015 pour la<br />

mise en œuvre d’une douzaine de démonstrateurs de<br />

captage et de stockage géologique de CO . 2<br />

Les réservoirs possibles sont désormais bien identifiés,<br />

du moins sur le plan théorique : les gisements de<br />

pétrole ou de gaz épuisés ou en voie de l’être, les<br />

veines de charbon inexploitées et les aquifères salins<br />

profonds. Ces derniers représentent de loin le plus<br />

fort potentiel (jusqu’à dix fois supérieur à celui des<br />

gisements d’hydrocarbures) et, surtout, ils sont bien<br />

mieux répartis sur la planète. Pour tous, l’une des<br />

contraintes est de garantir le confinement du CO2 pendant au moins un à deux millénaires.<br />

Cela a conduit à écarter les stockages dans l’océan.<br />

Trop d’incertitudes pèsent sur leur pérennité et leur<br />

impact sur les écosystèmes marins. En outre, rappelle<br />

Isabelle Czernichowski-<strong>La</strong>uriol, chef de projet « stockage<br />

géologique de CO » au Bureau de recherches<br />

2<br />

géologiques et minières (BRGM), « des conventions<br />

internationales protègent le milieu océanique ». Reste<br />

toutefois à accomplir l’essentiel : sélectionner les sites<br />

les plus appropriés, les caractériser, les modéliser, définir<br />

les moyens et les dispositifs de surveillance (à court<br />

et à long terme) et établir les critères de sécurité.<br />

L’intérêt d’injecter le CO dans les veines de charbon<br />

2<br />

n’est pas encore avéré, mais cette piste garde son<br />

60 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415<br />

caractère attractif. Avantage : le très grand pouvoir<br />

d’adsorption du charbon, donc la possibilité d’y stocker<br />

de grandes quantités de CO 2 . Inconvénient : sa<br />

faible per méabilité, un facteur limitant pour l’injection.<br />

En revanche, cette voie permettrait de faire<br />

d’une pierre deux coups, comme l’explique Hubert<br />

Fabriol, géophysicien au BRGM : « On récupérerait<br />

le méthane piégé dans le charbon, alors délogé par le<br />

dioxyde de carbone. D’où, en prime, la production de<br />

gaz naturel », condition sine qua non, car le méthane<br />

est un puissant gaz à effet de serre.<br />

Plusieurs expériences industrielles<br />

Dans les gisements d’hydrocarbures, on injecte<br />

depuis longtemps du CO 2 pour aider à la récupération<br />

du pétrole ou du gaz en phase finale d’exploitation.<br />

L’idée serait de généraliser le procédé à grande<br />

échelle, cette fois pour stocker le CO 2 . Un site est<br />

étudié depuis 2000 sur le champ pétrolifère de<br />

Weyburn (Canada). Reste qu’à l’avenir il sera nécessaire<br />

de passer à la vitesse supérieure : d’environ<br />

1 million de tonnes de CO 2 injecté par an, il faudra<br />

atteindre plusieurs millions de tonnes par an. D’où<br />

l’importance décisive des aquifères profonds.<br />

Le stockage dans ces aquifères salins des bassins sédimentaires<br />

(1 000 à 2 000 mètres de profondeur) bénéficie<br />

aussi d’une expérience industrielle : une opération<br />

pilote est menée depuis 1996 dans un aquifère<br />

profond de Norvège, sur le site de Sleipner, sous la mer<br />

du Nord. Autres sites étudiés : les analogues naturels,<br />

ou réservoirs naturels de CO 2 (comme en France à<br />

Montmiral, dans la Drôme). Il s’agit notamment de<br />

s’assurer de l’imperméabilité de la roche de couverture,<br />

d’analyser l’impact sur le milieu environnant.<br />

Par exemple, comment celui-ci va-t-il réagir à une<br />

acidification du réservoir profond due à l’absorption<br />

massive de CO 2 ? « Observations et modèles tendent<br />

© STATOIL<br />

à montrer que cette acidification est assez vite neutralisée<br />

au travers de processus chimiques (dissolution<br />

des carbonates…) », indique Isabelle Czernichowski-<br />

<strong>La</strong>uriol, qui est également manager du réseau d’excellence<br />

européen CO 2 GeoNet. Autre question : le<br />

devenir des impuretés (N 2 , SO 2 , NO et autres substances)<br />

injectées avec le CO 2 , dont la nature dépend<br />

du procédé de captage.<br />

Le captage du CO 2 : un verrou majeur<br />

Car avant de le stocker, encore faut-il le capter et le<br />

transporter. Le captage est une opération très énergivore<br />

et onéreuse. « L’un des défis est de diviser son<br />

coût par deux », souligne Pierre Le Thiez, de l’Institut<br />

français du pétrole (IFP) et, désormais, directeur<br />

général adjoint de la toute nouvelle société Geogreen,<br />

qui associe l’IFP, Geostock (groupe international d’ingénierie)<br />

et le BRGM, pour offrir des services d’ingénierie<br />

pour le transport et le stockage de CO 2 . Il faudrait<br />

ainsi parvenir à une vingtaine d’euros par tonne<br />

de CO 2 d’ici à 2015. Pour les centrales existantes ou<br />

celles en construction selon le design actuel, l’idée est<br />

de capter le dioxyde de carbone entre la chaudière et<br />

la cheminée (captage post-combustion). « Le travail<br />

consiste à adapter des technologies déjà connues en les<br />

rendant plus performantes », ajoute Pierre Le Thiez.<br />

Récemment, Alstom Power Systems annonçait la<br />

mise au point avec Statoil d’une technique à base<br />

d’ammoniaque réfrigéré qui pourrait se révéler plus<br />

économe en énergie que d’autres. À suivre…<br />

Quant aux centrales de l’avenir, elles devront intégrer<br />

le captage et le stockage du CO 2 dès la conception.<br />

Deux voies sont étudiées. L’une, également<br />

adaptable aux centrales conventionnelles, consiste à<br />

TECHNOLOGIE SÉQUESTRATION CO 2<br />

remplacer l’air par de l’oxygène dans la combustion<br />

(oxycombustion), d’où une plus grande concentration<br />

en CO 2 dans le gaz de combustion. Un pilote<br />

va être mis en œuvre par Total sur le site de <strong>La</strong>cq<br />

dans les Pyrénées-Atlantique, dès 2008. Parmi les<br />

difficultés : le caractère très énergivore de la séparation<br />

de l’oxygène de l’air.<br />

L’autre voie porte sur la conception de centrales<br />

entièrement nouvelles, fondée sur un captage dit en<br />

« précombustion ». Les produits finaux seront de l’hydrogène<br />

et du CO 2 , directement stocké dans le soussol.<br />

Cette voie se concrétise, aujourd’hui, au travers<br />

de trois grands projets : FutureGen, lancé aux États-<br />

Unis en 2003, et HypoGen, lancé l’année suivante<br />

par les Européens, mais aussi GreenGen, développé<br />

par la Chine. Ces trois projets nécessitent des investissements<br />

considérables (respectivement 1 milliard<br />

de dollars et 1,3 milliard d’euros sur dix ans pour les<br />

projets américain et européen). Ils supposent surtout<br />

en aval un changement de système énergétique, et en<br />

particulier l’adoption massive de l’hydrogène comme<br />

carburant. ● D. C.<br />

POUR EN SAVOIR PLUS<br />

Réseau CO GeoNet : www.co2geonet.com (en anglais).<br />

2<br />

Geogreen : www.geogreen.fr/<br />

CSLF (Carbon sequestration leadership forum) :<br />

www.cslforum.org/ (en anglais).<br />

Projet européen Castor de captage et<br />

de stockage géologique du CO : www.co2castor.com/<br />

2<br />

(en anglais).<br />

Capter et stocker le CO dans le sous-sol,<br />

2<br />

Ademe ed., 2007.<br />

* <strong>La</strong> géoingénierie<br />

désigne<br />

les techniques<br />

susceptibles<br />

de contrôler<br />

les grands cycles<br />

naturels.<br />

Par extension,<br />

ce terme est aussi<br />

employé au sujet<br />

des techniques<br />

capables<br />

de contrecarrer<br />

les influences<br />

anthropiques<br />

sur le climat.<br />

À SLEIPNER (MER<br />

DU NORD) : STATOIL<br />

EXTRAIT DU GAZ NATUREL,<br />

EN SÉPARE LE CO2, ET RENVOIE CELUI-CI<br />

DANS UN AQUIFÈRE SALIN<br />

À 800 MÈTRES<br />

SOUS LA MER.<br />

LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 61

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