La Recherche - Veolia Environnement
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MODÉLISATION CLIMAT<br />
SOURCE : IPSL/LSCE<br />
k<br />
Cela a conduit le GIEC à donner, pour l’an-<br />
née 2100, une nouvelle estimation de hausse de la<br />
température globale de 1,8° C pour le scénario B1,<br />
avec une fourchette de hausse probable allant de<br />
1,1° C à 2,9° C, et de 3,4° C pour le scénario A2, avec<br />
une fourchette probable de de 2° C à 5,4° C.<br />
Un troisième élément clé commence tout juste à<br />
être intégré dans les modèles : la fonte des calottes de<br />
glace, ces énormes masses continentales d’eau douce<br />
gelées portées par le Groenland et l’Antarctique.<br />
Les observations récentes suggèrent<br />
que leur réduction s’est accélérée au<br />
cours de la dernière décennie. <strong>La</strong><br />
première conséquence est un apport<br />
massif d’eau douce dans les océans :<br />
elle aurait ainsi contribué, pour un<br />
peu moins de la moitié, à la hausse du<br />
niveau marin, qui a atteint 3,1 millimètres<br />
par an ces dix dernières années.<br />
Mais la fonte des calottes, qui va se poursuivre sous<br />
l’impact du réchauffement climatique, pourrait,<br />
en outre, avoir des répercussions importantes sur<br />
la circulation océanique. À l’IPSL, nous avons réalisé<br />
des simulations sur les cent prochaines années<br />
en prenant en compte de façon simplifiée, et probablement<br />
extrême, la fonte de la calotte groenlandaise.<br />
Le résultat est une réduction du grand<br />
courant de plongée des eaux au niveau de la mer<br />
du <strong>La</strong>brador et de la mer de Norvège. Ce courant<br />
FIG. 6<br />
Avec ou sans glace<br />
22 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415<br />
Le méthane est<br />
le grand oublié<br />
des modèles<br />
climatiques<br />
est dû non seulement au fait que les eaux de surface<br />
sont plus froides, mais aussi plus salées, en raison<br />
d’un apport de sel venu des tropiques et de la<br />
Méditerranée – on parle de « circulation thermohaline<br />
». <strong>La</strong> fonte des glaces, en apportant de l’eau<br />
douce, agit ici en diminuant la salinité, et donc la<br />
densité, de ces eaux de surface.<br />
Conséquence : un moindre apport de chaleur en<br />
Arctique par la circulation océanique, ce qui permet<br />
à la glace de mer de mieux résister au réchauffement<br />
climatique. Il s’ensuit une atténuation<br />
du réchauffement en Arctique et aux<br />
moyennes latitudes de l’hémisphère<br />
Nord, la différence pouvant atteindre<br />
localement jusqu’à 8 degrés dans les<br />
mers nordiques (fig. 6). L’élévation du<br />
niveau marin atteindrait néanmoins<br />
4 mètres au bout de cinq cents ans,<br />
dans le cas extrême simulé. De nombreux<br />
progrès restent cependant à faire pour représenter<br />
de façon réaliste ces calottes de glace et les<br />
flux d’eau associés.<br />
Les modèles actuels ignorent enfin les effets possibles<br />
du réchauffement sur un acteur important<br />
du système climatique : le méthane (CH 4 ). C’est<br />
le deuxième gaz à effet de serre émis par l’homme,<br />
après le gaz carbonique, puisque sa part relative dans<br />
l’augmentation de l’effet de serre d’origine anthro-<br />
Dans cent ans, le réchauffement en Arctique pourrait être atténué par la fonte des glaces du Groenland non prise en<br />
compte sur le globe de gauche et modélisée de façon simplifiée par l’Institut Pierre-Simon-<strong>La</strong>place, sur le globe de<br />
droite (chaque courbe de niveau correspond à un réchauffement de 1° C, du bleu au rouge).<br />
pique est de 18 %, contre 63 % pour le CO 2 , 13 % pour les CFC et 6 % pour l’oxyde nitreux. En cent<br />
cinquante ans, la concentration de méthane dans<br />
© NASA/EARTH OBSERVATORY<br />
l’atmosphère est passée d’environ 700 parties par<br />
milliard (ppb)* à 1 750 ppb. Les activités humaines<br />
sont encore une fois responsables de cette croissance<br />
exponentielle. Les principales sources de méthane<br />
sont la production d’énergie fossile, la combustion<br />
de biomasse, l’agriculture et l’élevage, par décomposition<br />
anaérobie de la matière organique, c’est-àdire<br />
en l’absence d’oxygène. Mais les zones inondées,<br />
telles que les marécages des régions boréales,<br />
sont également d’importantes sources naturelles de<br />
méthane, toujours par décomposition de la matière<br />
organique. Or, il existe un risque non nul que le<br />
changement climatique à venir ait des répercussions<br />
majeures sur ces sources naturelles. Il pourrait<br />
en effet modifier la distribution géographique des<br />
terres inondées. Plus inquiétant, les terres gelées (les<br />
pergélisols* ) d’Alaska et de Sibérie risquent fort de<br />
dégeler en partie en cas de réchauffement. Ces sols,<br />
très riches en matière organique, saturés en eau, sont<br />
potentiellement d’énormes sources de méthane. À<br />
nouveau, il s’agirait d’une rétroaction où le cycle du<br />
méthane accentuerait le changement climatique.<br />
Le risque semble pour le moment limité, mais il<br />
nécessite d’être étudié.<br />
Le climat résulte ainsi de nombreuses interactions au<br />
sein d’un système faisant intervenir non seulement<br />
l’atmosphère et les océans, mais aussi la biosphère, le<br />
monde des êtres vivants, et la cryosphère, le monde<br />
des glaces. Si les modèles parviennent à en représenter<br />
les grandes caractéristiques et la variabilité<br />
d’une façon de plus en plus fiable, des progrès importants<br />
restent à faire. Néanmoins, malgré les incertitudes<br />
qui subsistent et la nécessité de poursuivre<br />
les recherches sur la modélisation du climat, tous<br />
les modèles sont unanimes : les activités humaines,<br />
en augmentant la concentration des gaz à effet de<br />
serre, conduisent à un réchauffement du climat. Il<br />
se pourrait même qu’on en sous-estime l’ampleur.<br />
● S. J., S. B., P. B., J.-L. D., P. F., S. P. et L. T.<br />
POUR EN SAVOIR PLUS<br />
IPCC (GIEC) : www.ipcc.ch/ (en anglais).<br />
Projet Escrime (étude des scénarios climatiques<br />
réalisés par l’IPSL et Météo-France) : www.insu.cnrs.fr/<br />
a2065,livre-blanc-projet-escrime.html<br />
Brochure sur les recherches françaises<br />
sur le changement climatique : www.insu.cnrs.fr/<br />
f911pdf,recherches-francaises-changement-climatique-<br />
2007.pdf<br />
MODÉLISATION CLIMAT<br />
SEPTEMBRE 2007,<br />
TRISTE RECORD<br />
DE FONTE DE GLACE<br />
EN ARCTIQUE.<br />
PREUVE<br />
DU RÉCHAUFFEMENT<br />
CLIMATIQUE ?<br />
LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 23