La Recherche - Veolia Environnement
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© CEDRE J./HOA-QUI/EYEDEA<br />
MODÉLISATION DÉMOGRAPHIE<br />
* Le Produit<br />
intérieur brut<br />
(PIB) est la<br />
valeur totale de<br />
la production<br />
interne nette de<br />
biens et services<br />
marchands dans<br />
un pays, pendant<br />
une année.<br />
* <strong>La</strong> transition<br />
démographique<br />
est le passage<br />
d’une situation<br />
où la mortalité<br />
et la fécondité<br />
sont fortes, à une<br />
situation où elles<br />
sont faibles.<br />
* <strong>La</strong> fécondité<br />
est le nombre<br />
moyen d’enfants<br />
nés par femme.<br />
* <strong>La</strong> natalité est<br />
le nombre de<br />
naissances dans<br />
la population<br />
au cours d’une<br />
période donnée.<br />
k<br />
la surface allouée à la production de nourriture<br />
animale pourrait empiéter, plus encore, sur celle<br />
destinée aux humains. Ce qui renforcerait la malnutrition<br />
et la sous-nutrition des pauvres même dans<br />
les pays produisant suffisamment de vivres, comme<br />
l’Inde ou le Brésil. À moins que l’on ne parvienne<br />
à développer de nouvelles sources non alimentaires<br />
pour les biocarburants (lire « Place aux nouvelles<br />
générations », p. 52).<br />
Explosion ou implosion démographique ?<br />
Autre problème lié à l’agriculture : la hausse des rendements<br />
qui peut compromettre la santé des populations.<br />
Cette agriculture intensive requiert une utilisation<br />
massive d’intrants (eau, engrais, pesticides…),<br />
qui entraîne souvent des dommages environnementaux<br />
importants. Répandus largement dans la<br />
nature, les nitrates, par exemple, polluent les nappes<br />
phréatiques et favorisent le développement d’algues<br />
nuisibles aux écosystèmes des cours d’eau et à l’eau<br />
potable. Sans compter que l’agriculture utilise, à<br />
elle seule, les deux tiers de l’eau consommée sur la<br />
planète, ne laissant qu’un tiers aux utilisations domestiques<br />
et industrielles. Au rythme actuel d’exploitation,<br />
les aquifères n’ont pas le temps de se renouveler.<br />
Le pompage massif a déjà entraîné des catastrophes,<br />
dont les plus célèbres sont l’épuisement de la mer<br />
8 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415<br />
d’Aral (Asie centrale), mais<br />
aussi du lac Tchad (Afrique<br />
centrale). Les progrès du génie<br />
génétique (OGM), de l’agronomie<br />
(goutte-à-goutte) et de<br />
UNE PART DE PLUS<br />
EN PLUS IMPORTANTE<br />
DE LA RÉCOLTE<br />
MONDIALE DE CÉRÉALES<br />
EST DESTINÉE<br />
À L’ALIMENTATION<br />
DES ANIMAUX.<br />
la chimie (nouveaux engrais moins toxiques) pourront,<br />
peut-être, contribuer à limiter ces nuisances.<br />
Néanmoins, pour le moment, aucun indice direct ne<br />
suggère que la population ait atteint la limite durable :<br />
il n’y a ni baisse de la ration alimentaire par tête, ni<br />
augmentation de la mortalité, ni développement des<br />
migrations (lire « L’humanité est-elle au bord du<br />
précipice ? », p. 9). De même, il n’y a aucune preuve<br />
indirecte. <strong>La</strong> plus pertinente serait, a priori, un freinage<br />
économique. Or, l’économie mondiale connaît sa plus<br />
longue phase de forte croissance depuis la crise pétrolière<br />
de 1973. Certains estiment que cette croissance<br />
est transitoire, qu’elle ne traduit que le passage des<br />
grands pays du Sud à l’économie moderne et qu’elle<br />
ne se poursuivra pas. Erreur : ce serait supposer que la<br />
croissance ralentit quand le niveau de vie s’élève, ce<br />
que les chiffres infirment. En effet, pour les 30 pays les<br />
plus riches, le taux de croissance du Produit intérieur<br />
brut (PIB* ) entre 1980 et 2005 ne dépend pas de leur<br />
PIB en 1980. De plus, il n’a jamais été possible d’établir<br />
une relation entre le taux de croissance économique<br />
et le taux de croissance de la population.<br />
Alors, la crise aura-t-elle lieu ou non ? Le célèbre<br />
rapport The Limits to Growth, publié en 1972 par<br />
le Club de Rome, qui regroupait des économistes,<br />
des grands industriels et des scientifiques du monde<br />
entier, prévoyait une crise terrible due à l’épuisement<br />
des ressources énergétiques minérales et alimentaires.<br />
Quand on reprend l’évolution annoncéee par<br />
le rapport, on est frappé par l’exactitude de la prévision<br />
jusqu’à aujourd’hui. <strong>La</strong> catastrophe ne se dessine<br />
qu’après 2010. Jusqu’à cette date, les développements<br />
de l’agriculture, de l’industrie et l’augmentation de<br />
la population se poursuivent presque sans entraves.<br />
Dans la présentation en français de l’ouvrage, Robert<br />
L’humanité<br />
est-elle au bord<br />
du précipice ?<br />
Une f açon de tenter de<br />
répondre consiste à comparer<br />
notre situation avec celle des<br />
populations animales en voie<br />
d’extinction.<br />
E<br />
n général, lorsqu’une population animale<br />
atteint sa limite durable, plusieurs symptômes<br />
sont observés : la ration alimentaire par tête<br />
diminue, la mortalité augmente, les migrations<br />
se développent. Rien de tel pour la population<br />
humaine mondiale. État des lieux.<br />
L’alimentation. Depuis la fin de la Seconde<br />
Guerre mondiale, la production de vivres a<br />
augmenté nettement plus rapidement (2,8 % par an)<br />
que la population (au maximum 2 % entre 1965<br />
et 1970, 1,1 % actuellement, selon les données<br />
de la Food and Agriculture Organization). <strong>La</strong><br />
production et la consommation par tête ont donc<br />
augmenté, tandis que la proportion de personnes<br />
en état de malnutrition a diminué. <strong>La</strong> ration<br />
moyenne de protéines a aussi augmenté à un<br />
rythme rapide. Par ailleurs, les fluctuations du<br />
MODÉLISATION DÉMOGRAPHIE<br />
<strong>La</strong>ttès insistait d’ailleurs sur la soudaineté de la crise.<br />
Il comparait la population mondiale à un nénuphar<br />
dont la taille double chaque jour dans un étang,<br />
jusqu’à être brutalement bloqué lorsque la surface<br />
est entièrement occupée. Selon les prévisions<br />
du Club, la production industrielle et le quota alimentaire<br />
devraient chuter les premiers, entre 2010<br />
et 2020. En 2030, la pollution devrait atteindre un<br />
tel niveau que la mortalité augmenterait brutalement,<br />
avant que la natalité ne fasse de même pour<br />
atteindre un nouvel équilibre. En quelque sorte, une<br />
transition démographique* à l’envers avec, pour<br />
conséquence, une baisse de la population.<br />
k<br />
prix des céréales n’obéissent qu’aux décisions<br />
politiques de gel ou de mise en culture de terres,<br />
en fonction de l’état de tension sur le marché et<br />
du niveau des stocks. Elles ne constituent donc<br />
pas un indicateur fiable de rareté.<br />
<strong>La</strong> mortalité. Le taux de mortalité de la<br />
population mondiale a régulièrement diminué<br />
depuis les années 1950. De 15 % en 1960, il est<br />
descendu à 8,8 % pour la période 2000-2005.<br />
Symétriquement, au niveau mondial, l’espérance<br />
de vie est passée de 52 ans, en 1960, à 66 ans,<br />
aujourd’hui. Dans les pays où l’espérance de vie<br />
est la plus longue, comme le Japon et la France,<br />
près de trois mois de vie sont gagnés chaque<br />
année, et quatre mois de vie en bonne santé.<br />
Les progrès initiaux étaient dus à la baisse de la<br />
mortalité infantile, permise par la généralisation<br />
de l’hygiène et l’usage d’antibiotiques. Les<br />
progrès actuels viennent d’abord de la baisse de<br />
la mortalité après 40 ans.<br />
Les migrations. <strong>La</strong> crainte d’une invasion<br />
des pays développés à partir des pays à forte<br />
croissance démographique a nourri l’imaginaire<br />
des Occidentaux depuis des décennies, sans<br />
trouver de confirmation. Pour l’essentiel, les<br />
migrations obéissent à des causes économiques et<br />
non écologiques. Les réfugiés environnementaux<br />
ne constituent qu’une faible minorité. Ce sont<br />
d’ailleurs les territoires les plus peuplés qui attirent<br />
les migrants : grandes agglomérations, zones<br />
côtières de Chine, des États-Unis, d’Europe, du<br />
golfe de Guinée.<br />
Comme on le voit, aucun des comportements démographiques<br />
fondamentaux ne laisse apparaître l’imminence<br />
d’une crise, bien au contraire. Si ces indicateurs<br />
sont rassurants, il n’en reste pas moins que<br />
cette crise peut se produire à tout moment. ●<br />
(1) A. Sauvy, Malthus<br />
et les deux Marx :<br />
le problème de la<br />
faim et de la guerre<br />
dans le monde,<br />
Denoël, 1971.<br />
LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 9