La Recherche - Veolia Environnement
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MODÉLISATION CLIMAT<br />
Météo incertaine<br />
pour 2050<br />
Sylvie<br />
Joussaume,<br />
Sandrine<br />
Bony, Pascale<br />
Braconnot,<br />
Jean-Louis<br />
Dufresne<br />
et Pierre<br />
Friedlingstein<br />
sont chercheurs à<br />
l’Institut Pierre-Simon-<br />
<strong>La</strong>place (IPSL), à Paris.<br />
Serge Planton<br />
est chercheur au Centre<br />
national de recherches<br />
météorologiques<br />
de Météo-France,<br />
à Toulouse.<br />
<strong>La</strong>urent Terray<br />
est chercheur au Centre<br />
européen de recherche<br />
et de formation avancée<br />
en calcul scientifique<br />
(Cerfacs), à Toulouse.<br />
Pour prévoir l’évolution du climat, il faut d’abord comprendre le rôle<br />
des nuages, le cycle du carbone, la fonte des glaces… En attendant, il y a<br />
de fortes chances que les émissions de gaz à effet de serre réchauffent<br />
la planète.<br />
Depuis le début de l’ère industrielle, la<br />
demande croissante en énergie et l’explosion<br />
de la démographie ont conduit à<br />
une augmentation de la concentration de<br />
plusieurs gaz dans l’atmosphère : dioxyde<br />
de carbone (CO 2 ), méthane, oxyde nitreux, chlorofluorocarbures<br />
(CFC). Tous ces gaz renforcent l’effet<br />
de serre naturel : ils absorbent une partie du rayonnement<br />
infrarouge émis par la Terre et réémettent<br />
un rayonnement vers sa surface, ce qui contribue à<br />
la réchauffer. Parallèlement, on assiste à une hausse<br />
de la température moyenne à la surface du globe, de<br />
0,75° C depuis cent ans.<br />
Ce réchauffement est deux fois plus important en<br />
Arctique, où les glaces fondent de façon spectaculaire.<br />
Si l’on se base sur le minimum saisonnier de la banquise,<br />
au mois de septembre, les données satellites<br />
disponibles depuis 1978 indiquent que son extension<br />
diminue de 7 % par décennie. Ces dernières<br />
décennies ont aussi été marquées par une augmentation<br />
des fortes pluies et des vagues de chaleur sur<br />
la majeure partie des continents. Mais à quel point<br />
ces changements climatiques sont-ils dus aux activités<br />
humaines ? Pour répondre à cette question, il<br />
faut faire appel aux modèles de climat.<br />
Développés depuis les années 1960, ces modèles sont<br />
des maquettes numériques représentant la circulation<br />
de l’atmosphère et des océans. L’ensemble est<br />
découpé en un grand nombre de boîtes, les « mailles »<br />
du modèle, d’environ 200 à 300 kilomètres de côté<br />
pour l’atmosphère et de 100 à 200 kilomètres pour<br />
les océans (fig 1). Pour chacune de ces boîtes élémentaires,<br />
on calcule les variables de base du système<br />
– température, pression, vent, humidité – à partir<br />
des lois de conservation de la physique, comme la<br />
conservation de la masse, de la quantité de mouvement,<br />
de l’énergie. L’étape suivante consiste à modéliser<br />
les phénomènes survenant à une échelle inférieure<br />
à celle des mailles, comme la turbulence ou<br />
la formation des nuages. Comme il est impossible de<br />
FIG. 1<br />
Puzzle en 3D<br />
Humidité, température et vitesse des vents<br />
sont calculées dans les mailles (volumes élémentaires)<br />
de l’atmosphère ; salinité, température et vitesse<br />
des courants dans celles de l’océan.<br />
SOURCE : L. FAIRHEAD, CNRS, IPSL/LMD<br />
représenter toute la complexité de ces phénomènes,<br />
des paramètres simples comme la taille moyenne<br />
des gouttelettes des nuages sont introduits. Cette<br />
étape importante, appelée « paramétrisation », est à<br />
l’origine des principales différences entre modèles.<br />
En effet, la valeur des différents paramètres n’est<br />
pas déterminée de façon univoque, mais calculée à<br />
partir des principes de base de la physique, de façon<br />
à représenter au mieux la réalité.<br />
Forcer les modèles<br />
Dans un second temps, les modèles sont évalués sur<br />
un grand nombre de cas tests, en comparant leurs<br />
résultats avec les observations réelles. Sans être parfaits,<br />
les modèles, dont on dispose aujourd’hui, représentent<br />
malgré tout assez bien les grandes caractéristiques<br />
du climat et leur variabilité. On observe<br />
cependant quelques biais, comme la difficulté à<br />
représenter le phénomène El Niño, un courant<br />
chaud qui apparaît régulièrement dans le Pacifique<br />
suite aux interactions entre l’atmosphère et l’océan<br />
et qui perturbe le climat des régions tropicales. Reste<br />
qu’évaluer ces modèles sur le climat actuel ne suffit<br />
pas à prouver leur capacité à simuler un climat différent.<br />
Aussi sont-ils également testés sur des climats<br />
passés, comme lors de la dernière glaciation, il y a<br />
vingt mille ans, ou pendant le moyen Holocène, il<br />
y a six mille ans, quand le Sahara était plus humide.<br />
L’évaluation des différents modèles climatiques au<br />
niveau international montre alors qu’il n’existe pas<br />
de « meilleur » modèle, idéal, et qu’il est nécessaire<br />
d’en considérer plusieurs, leur moyenne étant<br />
souvent plus réaliste.<br />
Une fois ces modèles établis, on a pu les utiliser pour<br />
déterminer la part respective des causes naturelles et<br />
de l’action humaine dans le réchauffement observé<br />
au cours du xxe siècle. L’opération consiste à simuler<br />
le climat du siècle passé, soit en tenant compte<br />
uniquement des perturbations d’origine naturelle<br />
susceptibles d’agir sur le climat (comme l’activité<br />
solaire ou les émissions volcaniques), soit en ajoutant<br />
dans le modèle les facteurs d’origine humaine, en<br />
l’occurrence les rejets de gaz à effet de serre. Dans<br />
le jargon des modélisateurs, on dit qu’on « force »<br />
le modèle. En regardant ensuite quelle simulation<br />
se rapproche le plus de la réalité, on en déduit l’impact<br />
éventuel de l’action humaine sur le climat. <strong>La</strong><br />
comparaison détaillée entre les observations et les<br />
simulations montre ainsi que le réchauffement de la<br />
seconde moitié du xxe siècle est très probablement<br />
dû à l’augmentation des gaz à effet de serre.<br />
Qu’en sera-t-il de l’évolution future du climat ? Pour<br />
le savoir, différents scénarios socio-économiques<br />
ont été envisagés par le Groupe intergouvernemental<br />
d’experts sur l’évolution du climat (GIEC)<br />
(lire « Peut-on lire dans le futur ? », p. 26).<br />
MODÉLISATION CLIMAT<br />
16 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 17<br />
k<br />
LA FONTE DES<br />
CALOTTES GLACIÈRES<br />
ARCTIQUES COMMENCE<br />
À ÊTRE INTÉGRÉE<br />
DANS LES MODÈLES, MAIS<br />
LES RÉPERCUSSIONS<br />
SONT TRÈS MAL CERNÉES.<br />
© CNRS PHOTOTHÈQUE/MERCIER DENIS