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La Recherche - Veolia Environnement

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TECHNOLOGIE HYDROGÈNE<br />

Marie Schal<br />

est journaliste<br />

scientifique.<br />

Le plein de H 2 ?<br />

Carburant prometteur pour les transports, l’hydrogène pose toujours<br />

de multiples problèmes, presque à tous les niveaux.<br />

Rouler à 130 kilomètres à l’heure sur l’autoroute<br />

en ne rejetant que de la vapeur<br />

d’eau : c’est possible. Plus de 400 véhicules<br />

expérimentaux et une centaine d’autobus<br />

à pile à combustible, roulant tous à<br />

l’hydrogène, circulent aujourd’hui dans le monde.<br />

Pour les ravitailler, 140 stations-service sont déjà<br />

opérationnelles et 90 sont en construction depuis<br />

avril 2007, principalement en Amérique du Nord,<br />

en Europe et au Japon.<br />

Si les principaux constructeurs automobiles se sont lancés<br />

dans la course en développant leurs prototypes, c’est<br />

que les promesses de l’hydrogène sont immenses. C’est<br />

le carburant idéal pour se déplacer sans consommer<br />

d’énergie fossile ni rejeter de gaz à effet de serre.<br />

Couplé à une pile à combustible, il ne dégage aucun<br />

polluant. Et il a l’avantage de doter le véhicule<br />

de suffisamment d’autonomie, environ 400 kilo-<br />

mètres (km), quand les voitures électriques actuelles<br />

doivent recharger leurs batteries, environ tous les<br />

150 km. Seul problème : la filière est, pour l’instant, hors<br />

de prix. Production, distribution, stockage, véhicules :<br />

tous les maillons sont à améliorer. « L’automobile est<br />

l’application royale pour l’hydrogène, mais c’est aussi<br />

celle qui concentre le plus de difficultés, car le cahier<br />

des charges est très sévère », explique Jean-Marc Agator,<br />

du Commissariat à l’énergie atomique.<br />

Premier verrou : la production. Dans la nature, l’hydrogène<br />

ne se trouve pas sous forme gazeuse (H 2 ),<br />

mais combiné à d’autres éléments chimiques. <strong>La</strong><br />

moitié des 65 millions de tonnes d’hydrogène produites<br />

chaque année dans le monde, pour les besoins<br />

de l’industrie chimique et des raffineries, est obtenue<br />

par « vaporeformage » du gaz naturel : celui-ci est<br />

chauffé à plus de 700° C en présence de vapeur d’eau.<br />

Un procédé voisin consiste à gazéifier le charbon, le<br />

pétrole ou une source d’énergie renouvelable comme<br />

54 • LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415<br />

la biomasse (paille, bois...). Seul bémol, cela produit<br />

du dioxyde de carbone, qu’il est impératif de<br />

piéger pour ne pas contribuer à l’effet de serre : c’est<br />

l’objectif de projets de recherche ambitieux comme<br />

HypoGen et FutureGen (lire « Objectif : zéro émission<br />

» p. 60). Troisième solution : la décomposition<br />

de l’eau en hydrogène et en oxygène, soit par des<br />

procédés innovants à haute température, soit par<br />

électrolyse, à condition, là encore, que l’électricité<br />

utilisée provienne d’une source d’énergie non émettrice<br />

de gaz à effet de serre. En fait, pour couvrir les<br />

besoins des transports, l’idéal serait une production<br />

d’hydrogène décentralisée (par « reformage autotherme*<br />

»), au niveau des véhicules ou des stationsservice.<br />

Mais son coût actuel peut dépasser 35 euros<br />

par gigajoule* , soit plus du double de celui de l’essence<br />

hors taxe.<br />

Encore beaucoup d’obstacles<br />

Deuxième difficulté : le transport et le stockage. On<br />

peut l’acheminer par gazoduc, une infrastructure<br />

coûteuse. Il faut ensuite le conserver à bord du<br />

véhicule, soit sous haute pression (350 à 700 bars),<br />

soit sous forme liquide à – 253° C. Dans ces deux<br />

cas, l’objectif est d’embarquer 4 ou 5 kilogrammes<br />

d’hydrogène : de quoi rouler 400 ou 500 kilomètres.<br />

Mais les réservoirs sont très encombrants. Et l’énergie<br />

nécessaire à la compression ou au refroidissement<br />

du gaz représente respectivement 12 % et 30 % de<br />

celle contenue dans le carburant. Une des solutions<br />

envisagées serait de stocker l’hydrogène au sein de<br />

composés solides comme des hydrures métalliques,<br />

matériaux poreux où l’hydrogène peut être piégé et<br />

relâché selon la température.<br />

Troisième et principal obstacle : la pile à combustible.<br />

Elle est trop chère et manque de fiabilité et de<br />

durabilité. « <strong>La</strong> technologie est encore jeune, même<br />

CHEZ BMW,<br />

LE CHOIX EST CLAIR :<br />

MOTEURS À COMBUSTION<br />

ET RÉSERVOIRS<br />

À HYDROGÈNE LIQUIDE<br />

(À -253°C).<br />

si le principe date de 1839 ! »,<br />

souligne Jean-Marc Agator.<br />

Embarquée à bord du véhicule,<br />

elle produit l’électricité alimentant le moteur<br />

par un processus chimique inverse de l’électrolyse :<br />

l’hydrogène réagit avec l’oxygène de l’air. Seul rejet :<br />

de l’eau. L’opération est très efficace du point de vue<br />

énergétique. Mais le coût d’une pile à « membrane<br />

échangeuse de protons » (PEMFC), la plus utilisée<br />

pour les transports, dépassait encore 1 200 euros par<br />

kilowatt (€/kW) en 2007, contre 35 €/kW de puissance<br />

pour un moteur à essence. Une alternative,<br />

adoptée entre autres par le constructeur BMW, est<br />

de brûler directement l’hydrogène dans un moteur à<br />

combustion adapté. Une solution intermédiaire pour<br />

initier une « économie de l’hydrogène ». Mais « on<br />

cumule alors les inconvénients liés à la production et au<br />

stockage de l’hydrogène, pour l’utiliser dans un véhicule<br />

avec les performances d’un moteur thermique, juge<br />

Daniel Clément, de l’Agence de l’environnement et<br />

de la maîtrise de l’énergie. Ce n’est pas une bonne<br />

solution à long terme. Il faut repenser complètement<br />

l’automobile et privilégier l’efficacité énergétique ».<br />

Les efforts de recherche des États-Unis, avec un<br />

budget de 1,2 milliard de dollars annoncé en 2003<br />

sur cinq ans pour la filière, vont dans ce sens, tout<br />

comme ceux du Japon. En octobre 2007, c’est un<br />

© JAN VAN DE VEL/REPORTERS-REA<br />

TECHNOLOGIE HYDROGÈNE<br />

partenariat européen de recherche public-privé qui a<br />

été lancé pour six ans : cette « initiative technologique<br />

conjointe pour l’hydrogène et la pile à combustible »<br />

sera financée par la Commission européenne et par<br />

les 50 industriels membres, chacun à hauteur de<br />

470 millions d’euros. Pour soutenir la filière, « il est<br />

maintenant important d’identifier des niches, même si<br />

ce n’est pas l’enjeu principal à long terme », explique<br />

Daniel Clément. Tels les autobus à hydrogène, dont<br />

les contraintes d’encombrement sont moindres, ou<br />

les véhicules transportant les charges dans les aéroports.<br />

En attendant de plus gros marchés. « Compte<br />

tenu des connaissances, on peut espérer une rupture<br />

technologique majeure dans cinq à dix ans, estime<br />

Jean-Marc Agator. À partir du moment où les piles à<br />

combustible à hydrogène atteindront des performances<br />

égales ou supérieures à celles d’un moteur à essence,<br />

on peut penser qu’elles s’imposeront largement, sauf<br />

progrès déterminants sur les véhicules électriques à<br />

batterie. » Dans le scénario favorable avancé par<br />

l’Agence internationale de l’énergie (1), l’hydrogène<br />

pourrait ainsi faire son apparition sur le marché en<br />

2020 et alimenter 700 millions de véhicules en 2050,<br />

soit 30 % de la flotte mondiale. ● M. S.<br />

POUR EN SAVOIR PLUS<br />

<strong>La</strong> Révolution de l’hydrogène : vers une énergie propre<br />

et performante ?, S. Boucher, Éditions du Félin, 2006.<br />

<strong>La</strong> Pile à combustible, M. Boudellal, Dunod/<br />

L’Usine nouvelle, 2007.<br />

L’Hydrogène, les nouvelles technologies<br />

de l’énergie, Clefs CEA, hiver 2004-2005, www.cea.fr<br />

Les véhicules à hydrogène : www.h2mobility.org<br />

(en anglais).<br />

CET HYDRURE<br />

MÉTALLIQUE, ICI AU<br />

MICROSCOPE À BALAYAGE,<br />

EST UNE « ÉPONGE<br />

À HYDROGÈNE » : UNE<br />

SOLUTION POUR LES<br />

RÉSERVOIRS DES PILES<br />

À COMBUSTIBLE ?<br />

(1) Energy<br />

Technology<br />

Essentials,<br />

Hydrogen Production<br />

and Distribution, IEA<br />

Publications, 2007.<br />

* Dans le<br />

« reformage<br />

autotherme »,<br />

un carburant (gaz<br />

naturel, méthanol,<br />

hydrocarbure) est<br />

mélangé avec de<br />

l’air et de l’eau.<br />

* Un gigajoule<br />

équivaut à<br />

8,3 kilogrammes<br />

d’hydrogène.<br />

LA RECHERCHE • OBJECTIF TERRE 2050 • JANVIER 2008 • N° 415 • 55<br />

© PHOTOTHÈQUE CNRS/J.-M. JOUBERT

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