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tristement célèbres Red Razberry Zingers.
Cela faisait une demi-heure que la dernière bobine de six spots était terminée et le projectionniste avait
pris congé pour se rendre à son travail du soir qui consistait à passer des films au cinéma Orson Welles.
Un quart d'heure plus tard, Rob Martin, directeur d'Image-Eye, leur avait souhaité une bonne soirée d'un
ton sinistre, ajoutant que sa porte leur serait ouverte toute la journée du lendemain et du mercredi s'ils
avaient besoin de lui. Il tut ce que tous trois pensaient très fort : la porte ne sera ouverte que si vous avez
trouvé
quelque chose de valable à raconter.
Rob avait toutes les raisons de ne pas être joyeux.
C'était un ancien combattant du Viêt-nam qui avait perdu une jambe lors de l'offensive du Têt. Il avait
monté Image-Eye avec sa pension de mutilé de guerre et l'aide de ses beaux-parents, fin 1970, et n'avait
cessé
depuis de se débattre pour empêcher l'affaire de couler. Ses studios ne récoltaient que les miettes de la
table bien garnie des médias, à laquelle festoyaient les boîtes plus importantes de Boston. Vic et Roger
s'étaient laissé séduire par Rob car ils s'identifiaient un peu à
lui - se battre pour faire démarrer l'affaire, pour la conduire jusqu'à cette plate-forme légendaire d'o˘ il
faudrait prendre le bon tournant. Et puis, bien s˚r, Boston les arrangeait, pour être beaucoup plus près que
New York.
Depuis bientôt un an et demi, Image-Eye avait décollé. Rob avait su profiter des spots Sharp pour attirer
d'autres clients et l'affaire semblait enfin tenir le bon bout. Au mois de mai, juste avant le scandale, il
avait envoyé à Vic et Roger une carte représentant un bus bostonien qui s'éloignait. A l'arrière, quatre
ravissantes jeunes dames montraient leurs derrières, moulés dans des jeans griffés. Au dos de la carte,
rédigé à la façon d'un gros titre, on pouvait lire : IMAGE-EYE CHARGE
D'HABILLER LES BUS BOSTONIENS, UNE HISTOIRE DE GROS SOUS.
Drôle sur le moment. La plaisanterie n'était plus tellement au go˚t du jour. Depuis la catastrophe Zingers,
deux clients (dont les Jeans Cannes-Look) avaient déjà
résilié leurs engagements envers Image-Eye, et si Ad Worx perdait le contrat Sharp, Rob pourrait dire
adieu à pas mal d'autres annonceurs. Il se sentait donc partagé entre la colère et la peur... émotions que
Vic comprenait parfaitement.
Ils fumaient en silence, assis sur leurs sièges, quand Roger dit à voix basse:
- «a me donne envie de dégueuler, Vic. quand je vois ce mec qui me regarde avec ses airs de saintenitouche,
qui prend une grosse bouchée de ces céréales pleines de teinture et dit : " Il n'y a rien là qui soit
mauvais pour vous ", je sens mon estomac qui se retourne. C'est pas des histoires. Je suis content que le
projectionniste ait d˚ partir. S'il avait fallu regarder ces spots une fois de plus, j'aurais demandé un petit
sac, comme dans les avions.