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la portière à deux mains et tira de toutes ses forces. La porte se referma. La charnière déformée par Cujo
produisit à nouveau le même bruit de ferraille. Le fracas de la porte contre la tôle fit sursauter Tad dans
son sommeil; il marmonna quelque chose.
Donna se laissa aller contre le dossier de son siège, et, le corps secoué de tremblements incontrôlés,
pleura silencieusement. Les larmes br˚lantes jaillirent de ses paupières pour couler vers ses oreilles.
Jamais de sa vie elle n'avait éprouvé une telle peur, pas même quand elle était petite, la nuit, dans sa
chambre, et qu'elle croyait voir des araignées partout. Elle ne pouvait pas sortir maintenant. C'était
impensable. Elle se sentait trop exténuée. Ses nerfs craquaient. Mieux valait attendre, attendre une
occasion plus favorable...
Mais elle ne voulait pas que cette réflexion devienne une idée fixe.
Il n'y aurait pas d'occasion plus favorable. Tad était ailleurs, et le chien aussi. Il fallait qu'il en soit ainsi;
en toute logique, il devait en être ainsi. Le premier fracas, puis le second quand elle avait tiré la portière
et enfin le claquement de celle-ci en se refermant, tout ceci aurait d˚ faire accourir l'animal s'il s'était
trouvé
devant la voiture. Peut-être se cachait-il dans la grange, mais la jeune femme pensait qu'il aurait perçu le
bruit de là-bas. Elle en déduisait donc qu'il rôdait s˚rement quelque part. Une meilleure occasion ne se
représenterait pas, et si elle avait trop peur pour le faire pour elle-même, alors elle devait trouver le
courage de le faire pour Tad.
Noble pensée. Mais ce qui finit par la décider fut de s'imaginer, se glissant à l'intérieur de la maison
obscure des Camber, de se représenter la sensation rassurante du téléphone dans sa main. Elle se voyait
déjà
racontant, calmement et posément, toute la situation à
l'un des adjoints du shérif Bannerman, puis raccro-chant. Enfin, elle irait prendre un verre d'eau fraîche à
la cuisine.
La jeune femme rouvrit la portière, préparée cette fois-ci à entendre le vacarme, mais clignant pourtant
des yeux lorsqu'il se produisit. Elle injuriait le chien du fond du coeur, et espérait qu'il gisait déjà
quelque part, tué par une convulsion et mangé par les mouches.
Elle extirpa ses jambes de la voiture, tellement anky-losée qu'elle grimaça de douleur. Elle posa ses
tennis sur le gravier et, lentement, se leva sous le ciel d'encre.
Tout près, l'oiseau chanta : il émit trois notes et se tut.
Cujo entendit la portière se rouvrir, comme son instinct le lui avait assuré. La première fois qu'elle s'était
ouverte, il avait failli bondir de devant l'auto o˘ il reposait, dans une semi-hébétude. Il avait failli bouger
pour attraper LA FEMME, responsable de la souffrance horrible qui habitait sa tête et son corps. Il était
sur le point d'y aller quand son instinct lui avait commandé de rester couché sans bruit. LA FEMME
essayait simplement de le faire venir, lui souffla son instinct, et il avait raison.