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dans un accident de voiture en revenant de la pizzeria Sammy; j'avais dix-neuf ans et je m'en moque
complètement.
- Bon sang, Donna! s'exclama Vic.
- J'avais peur, c'est tout. La panique est venue lorsque j'ai commencé à regarder les bibelots ou à penser
suivre des cours de poterie, de yoga ou autre. quand on fuit l'avenir, on ne peut plus se réfugier que dans
le passé. Alors... alors je me suis mise à flirter avec cet homme.
Elle baissa les yeux puis enfouit soudain son visage dans ses mains. Les mots jaillirent, étouffés, mais
encore compréhensibles.
- C'était amusant. J'avais l'impression de me retrouver à la fac. C'était comme un rêve. Un rêve stupide.
Steve n'avait pas l'air d'exister vraiment. Il faisait disparaître le bruit du vent. Le flirt m'amusait, les
rapports... je n'aimais pas. J'avais des orgasmes, mais je n'aimais pas. Je ne pourrais pas expliquer
pourquoi sinon que je n'ai jamais cessé de t'aimer et que je comprenais que j'étais en train de fuir... (Elle
leva vers Vic un visage baigné de larmes.) Lui aussi fuit sans arrêt. Il en fait un métier. C'est un poète...
enfin c'est ainsi qu'il se définit. Je n'ai pas compris grand-chose aux vers qu'il m'a montrés. C'est un
saltimbanque qui rêve qu'il va encore à la fac et qu'il manifeste contre la guerre du Vietnam. Voilà sans
doute pourquoi ç'a été lui. Je crois que tu sais tout maintenant. Une petite histoire minable, mais c'est la
mienne.
- J'aurais envie de lui mettre mon poing dans la figure, dit Vic. «a me ferait s˚rement du bien de le voir
saigner du nez.
Elle eut un pauvre sourire.
- Il est parti. Après dîner, tu n'étais pas encore rentré, Tad et moi sommes allés chercher du fromage
blanc. Il y a une pancarte A LOUER à la fenêtre de sa boutique. Je t'ai dit qu'il ne restait jamais
longtemps au même endroit.
- Son message n'avait rien de poétique, fit remarquer Vic.
Il jeta un bref coup d'oeil vers sa femme puis baissa de nouveau la tête. Elle voulut lui caresser la joue
mais il s'esquiva. Cela la blessa plus que tout le reste, plus qu'elle aurait pu le croire. La honte et la peur
ressurgi-rent, par vagues énormes, compactes. Mais elle ne pleurait plus. Donna songea qu'elle ne
verserait plus de larmes avant très longtemps. La blessure était trop profonde, le traumatisme trop violent.
- Vic, reprit-elle. Je suis désolée. Je t'ai fait du mal et j'en suis désolée.
- quand as-tu rompu?
Elle lui raconta le jour o˘ elle avait trouvé Steve dans la salle de séjour en rentrant, sans mentionner la
crainte qu'elle avait eue d'être violée par son amant.
- La lettre était donc sa façon de se venger.
Elle écarta la mèche de cheveux qui lui barrait le front et acquiesça d'un signe de tête. Son visage était
blafard et de larges cernes violacés soulignaient ses yeux.