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connaissait la réalité de la situation et savait pertinem-
ment que le professeur était fini (" On peut déjà faire une croix dessus ", avait-il sombrement affirmé).
Mais il considérait qu'un dernier spot permettrait peut-être à la compagnie de s'en sortir. De la remettre
sur les rails, en quelque sorte.
- Foutaises, fit Roger avec un large sourire après avoir raccroché. Il aime simplement l'idée d'un dernier
lever de rideau. Il n'y a pas beaucoup d'acteurs dans la publicité qui ont une chance pareille. Il paierait
son billet d'avion jusqu'à Boston, si on le lui demandait.
Vic s'était donc couché content et s'était endormi presque instantanément. Et puis, le rêve. Il se voyait
debout devant le placard de Tad, en train de dire au petit garçon qu'il n'y avait rien à l'intérieur,
absolument rien. Je vais te le prouver une fois pour toutes, déclarait-il à l'enfant. Il ouvrait la porte du
placard et s'apercevait que tous les jouets et les vêtements de Tad avaient disparu. Une forêt les avait
remplacés - de vénérables sapins et autres conifères, d'antiques féuil-lus. Le sol de la penderie
disparaissait sous l'humus et les aiguilles odorantes. Vic voulait retrouver le plancher laqué de la
chambre et se mettait à gratter le terreau. Mais son pied ne rencontrait rien d'autre que la terre riche et
noire de la forêt.
Vic s'enfonçait dans le placard et la porte se refermait derrière lui. Ce n'était pas grave. Il régnait une
clarté suffisante pour y voir. Il découvrait une piste qu'il commençait à suivre. Il se rendait compte tout à
coup qu'il portait un sac sur le dos et un bidon sur l'épaule. Il percevait le bruit mystérieux du vent
soufflant dans les sapins et le chant assourdi des oiseaux.
Sept ans plus tôt, bien avant Ad Worx, ils avaient tous les quatre été passer des vacances sur un circuit de
randonnée dans les Appalaches, et le paysage de son rêve lui rappelait très nettement ceux qu'ils avaient
admirés alors. C'était la seule fois qu'ils avaient choisi la route montagneuse, préférant par la suite longer
la côte. Vic, Donna et Roger s'étaient montrés enchantés mais Althea Breakstone détestait les promenades
et, s'étant frottée à un fustet, en avait rapporté une bonne crise d'urticaire.
La première partie du rêve pouvait paraître assez agréable. L'idée que le placard de Tad ait pu receler
tout ceci semblait, d'une façon bien particulière, merveilleuse. Ensuite Vic avait pénétré dans une
clairière et avait vu... mais déjà l'image s'effilochait comme souvent lorsque l'on essaie de se remémorer
un rêve.
A l'autre bout de la clairière se dressait à pic un mur gris de peut-être trois cents mètres de haut. A
environ six mètres du sol apparaissait une caverne - non, ce ne semblait pas même assez profond pour
être une caverne. Il ne s'agissait que d'une niche, une sorte de dépression dans la roche, un renfoncement
dont le bas formait un palier. Donna et Tad se tenaient tapis à
l'intérieur. Ils essayaient d'échapper à une espèce de monstre qui tentait d'atteindre la cavité, de
l'atteindre et puis d'y entrer. De les attraper. De les dévorer.
On e˚t dit la scène du premier King Kong, o˘, après avoir projeté à terre tous ceux qui sont venus secourir
Fay Wray, le grand singe tente de s'emparer de l'unique survivant. Mais le rescapé s'est réfugié dans un
trou et King Kong n'arrive pas à l'en faire sortir.