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voisinage avait d˚ entendre.
Mais il n'entrevit personne ni dans le jardin ni dans l'allée. L'après-midi paraissait toujours aussi calme.
De l'autre côté de la rue, un tourniquet arrosait une pelouse, comme si de rien n'était. Un gosse passa en
patins à roulettes. Juste en face de la porte, une haute haie séparait le terrain des Trenton de celui du
voisin.
Du haut du perron, sur la gauche, on apercevait la ville nichée au pied de la colline. Steve distinguait
même l'intersection de la route 117 et de la grand-rue, qui délimitait le jardin public. Il resta planté là, en
haut des marches, à essayer de retrouver son calme. Son souffle reprenait petit à petit un rythme plus
normal. Il se composa une agréable figure convenant à cet après-midi d'été. Tout ceci dura le temps que
le feu de signali-sation placé au coin de la rue passe du vert à l'orange puis au rouge avant de redevenir
vert.
Et si elle débarquait tout de suite?
Cette idée le pressa un peu. Il avait laissé sa carte de visite; il n'avait nul besoin d'une engueulade avec
elle pour couronner le tout. Elle ne pourrait pas faire grand-chose, de toute façon, à part appeler les flics,
et Steve ne pensait pas qu'elle opterait pour cette solution. Il aurait pu raconter trop de choses : la vie
sexuelle de la joyeuse ménagère américaine en milieu naturel. Ce qui venait de se passer tenait pourtant
de la folie. Mieux valait mettre pas mal de kilomètres entre lui et Castle Rock pour le moment. Peut-être
un jour téléphonerait-il à Donna. Pour lui demander ce qu'elle pensait de son ouvrage. Ce pourrait être
amusant.
Il descendit l'allée, tourna à gauche et regagna son fourgon. Personne ne l'avait arrêté ni même remarqué.
Un gamin monté sur patins à roulettes le dépassa en lui criant un grand " Salut " que Steve lui rendit
aussitôt.
Il monta dans le véhicule et démarra. Il remonta la 117 jusqu'à la 302 qu'il suivit pour rejoindre
l'autoroute fédérale 95, qui passait à Portland. Il régla son ticket au péage de l'autoroute fédérale puis fit
route vers le sud. Steve commençait à ressasser des pensées désagréables concernant ce qu'il venait
d'accomplir -
cette fureur aveugle et destructrice qui l'avait submergé quand il s'était rendu compte que personne ne se
trouvait dans la maison. Le prix payé ne dépassait-il pas l'offense) Elle ne voulait plus faire l'amour avec
lui, et alors ? Il avait tout bousillé dans cette sacrée baraque. Cela trahissait-il une partie de sa
personnalité
qu'il préférait ignorer?
Il se mit à réfléchir à ces questions par intermit-tence, comme font la plupart des gens, faisant passer des
suites d'événements objectifs par certains mécanismes qui, rassemblés, constituaient la machine complexe
de la perception humaine plus connue sous le nom de subjectivité. Comme un écolier se servant
soigneusement de son crayon, puis de sa gomme avant de retracer ses lettres au crayon, Steve effaça de sa
mémoire les événements qui venaient de se produire pour les redessiner de façon qu'ils s'accordent avec
sa perception des faits et lui permettent de s'en accommo-der.