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Les soins palliatifs en service de réanimation médicale - Infirmiers.com

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Prise <strong>de</strong> décision : responsabilité et collégialité.<br />

Grassin M, Pochard F.<br />

Nous déf<strong>en</strong>dons ici l'idée que les conditions <strong>de</strong> prises <strong>de</strong> décision ne sont pas secondaires ou<br />

accessoires dans la possibilité d'une justification éthique d'une pratique aporétique au regard <strong>de</strong> la<br />

morale et <strong>de</strong> la loi. Le caractère éthique d'une décision ti<strong>en</strong>t toute à la fois dans la conformité et /ou la<br />

prise <strong>en</strong> <strong>com</strong>pte <strong>de</strong>s normes, règles et valeurs admises, et dans son adéquation (adaptabilité) à la<br />

situation réelle toujours singulière. Déci<strong>de</strong>r est accepter d'assumer la responsabilité d'être acteur <strong>de</strong> la<br />

vie <strong>de</strong> l'autre et <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre au sérieux cette convocation morale. Pour ce faire, elle exige <strong>de</strong> chacun<br />

d'accepter d'être l'acteur d'une argum<strong>en</strong>tation critique afin <strong>de</strong> permettre un " discernem<strong>en</strong>t prud<strong>en</strong>t,<br />

raisonné et raisonnable " conduisant à la prise <strong>de</strong> décision. ( Grassin M., L'arrêt <strong>de</strong> vie <strong>en</strong> <strong>réanimation</strong><br />

néonatale : un discernem<strong>en</strong>t prud<strong>en</strong>t, raisonné et raisonnable.dans Ethique <strong>médicale</strong> Périnatalité et<br />

pédiatrie. <strong>Les</strong> cahiers <strong>de</strong> l'APHP, éd.DOIN p.22-23) Nous ne <strong>de</strong>vons pas réduire la décision <strong>médicale</strong><br />

à l'instant <strong>de</strong> la décision proprem<strong>en</strong>t dite, (le mom<strong>en</strong>t où l'on arrête la décision) mais <strong>com</strong>me<br />

l'<strong>en</strong>semble du processus, du mouvem<strong>en</strong>t réflexif qui conduit à déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong> œuvre telle ou<br />

telle action. La décision <strong>médicale</strong> s'<strong>en</strong>racine dans une histoire <strong>com</strong>plexe, histoire médico-technique,<br />

histoire humaine, histoire <strong>de</strong> <strong>soins</strong>, histoire psychosociale du pati<strong>en</strong>t dont les équipes se sont vues<br />

confiées la responsabilité. Cette <strong>com</strong>plexité oblige à ne pas juger les décisions prises au regard d'une<br />

argum<strong>en</strong>tation morale au s<strong>en</strong>s strict du terme (<strong>en</strong> terme <strong>de</strong> valeurs ou <strong>de</strong> principes), mais au regard<br />

d'une responsabilité qui assume les difficultés et ambiguïtés inhér<strong>en</strong>tes aux situations r<strong>en</strong>contrées.<br />

Ce processus décisionnel doit être <strong>com</strong>pris <strong>com</strong>me une discussion au s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Habermas et non pas<br />

<strong>com</strong>me un simple débat d'opinion ou <strong>de</strong> conviction. ( Habermas J. De l'éthique <strong>de</strong> la discussion. Ed.du<br />

Cerf. Paris 1992.) Une discussion est un processus qui repose sur le principe d'une confrontation<br />

d'argum<strong>en</strong>ts et <strong>de</strong> contre argum<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>tre plusieurs acteurs qui accept<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se plier à l'argum<strong>en</strong>t le<br />

plus fort ou supposé tel. Chacun doit pouvoir, parce qu'il est acteur <strong>de</strong> la situation, faire valoir <strong>de</strong>s<br />

argum<strong>en</strong>ts susceptibles d'éclairer la situation <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong> son rôle et <strong>de</strong> ses <strong>com</strong>pét<strong>en</strong>ces propres.<br />

La discussion est un travail <strong>de</strong> la raison qui met <strong>en</strong> œuvre <strong>de</strong>s rationnalités différ<strong>en</strong>tes mais<br />

<strong>com</strong>plém<strong>en</strong>taires (une rationalité <strong>médicale</strong>, sociale, affective, symbolique). La discussion permet<br />

l'élaboration d'un espace public critique (l'équipe soignante, la <strong>com</strong>munauté <strong>médicale</strong>, le corps<br />

social) qui permet, si ce n'est <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r, du moins <strong>de</strong> justifier les raisons <strong>de</strong>s actes posés. La<br />

discussion, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due <strong>com</strong>me précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, est un garant, non absolu, d'éviter les t<strong>en</strong>tations fortes<br />

<strong>en</strong> matière <strong>de</strong> morale ou d'éthique. Soit le moralisme stricte qui s'adapte mal à la <strong>com</strong>plexité <strong>de</strong>s<br />

situations r<strong>en</strong>contrées, soit une éthique <strong>de</strong> conviction qui présuppose la pertin<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> principe <strong>de</strong> ses<br />

convictions et t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> les imposer sans l'épreuve critique <strong>de</strong> la raison partagée, soit un<br />

pragmatisme dont l'objet serait <strong>de</strong> résoudre les situations parfois au prix d'un oubli d'une confrontation<br />

aux normes et valeurs <strong>com</strong>muném<strong>en</strong>t admises par tous.<br />

Si l'argum<strong>en</strong>tation critique dans une discussion ne permet pas <strong>de</strong> manière absolue d'échapper<br />

totalem<strong>en</strong>t à ces t<strong>en</strong>tations réductrices, elle <strong>en</strong> diminue néanmoins le risque par la mise à jour <strong>de</strong>s<br />

raisons éprouvées par le jeu <strong>de</strong>s contre argum<strong>en</strong>tations. Elle opère un décryptage <strong>de</strong>s raisons et <strong>de</strong>s<br />

logiques <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres. Si le principe <strong>de</strong> discussion est respecté, il permet <strong>en</strong> toute rigueur<br />

l'obt<strong>en</strong>tion d'un accord <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s acteurs impliqués dans la discussion, souv<strong>en</strong>t appelé<br />

cons<strong>en</strong>sus. Le cons<strong>en</strong>sus n'est pas <strong>en</strong> soi l'objectif <strong>de</strong> la discussion, mais il <strong>en</strong> est le résultat<br />

probable. Dès lors, cet accord critique permet <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r les raisons pour laquelle une décision sera<br />

prise.<br />

Le cons<strong>en</strong>sus n'est pas un principe éthique suffisant. Un cons<strong>en</strong>sus peut être l'expression d'une<br />

idéologie <strong>de</strong> groupe, le produit <strong>de</strong> la domination hiérarchique ou charismatique d'un ou plusieurs<br />

membres du groupe. Ce qui confère la légitimité et la valeur au cons<strong>en</strong>sus, c'est l'épreuve critique <strong>de</strong><br />

la raison par laquelle il a été obt<strong>en</strong>u. Nous <strong>de</strong>vons déf<strong>en</strong>dre l'idée qu'un seul peut avoir raison contre<br />

tous. L'<strong>en</strong>jeu <strong>de</strong> la discussion n'est pas le cons<strong>en</strong>sus, mais l'accord <strong>de</strong> tous par l'épreuve critique<br />

d'une confrontation d'argum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>tes natures qu'il s'agit d'articuler pour se déterminer.<br />

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