GUIDE MÉTHODOLOGIQUE - Agence Française de Développement

Les collectivités territoriales françaises
Fiche 3.1. L’organisation institutionnelle des collectivités territoriales françaises
LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE : EVOLUTION HISTORIQUE
La coopération décentralisée est née des jumelages. Son développement est favorisé, dans le monde par les progrès de la
décentralisation, en France par un cadre juridique devenu très favorable, après une longue méfiance de l’Etat.
A l’origine, le jumelage est une métaphore et non un concept politique. Le mot « jumelage » n’existe pas avant la première
guerre mondiale. Les premiers jumelages « interalliés » se nouent entre écoles, et ont une vocation linguistique. Les plus
nombreux associent des écoles françaises et des écoles anglophones, anglaises ou américaines. En se renforçant, ils mobilisent
les communes, et conduisent à la création de la « fédération du monde bilingue ».
Après la guerre, sous l’impulsion d’anciens résistants, de nouveaux jumelages, inspirés par la volonté de restaurer et d’entretenir
la paix lient des villes françaises et allemandes. Pendant la guerre froide, dans le contexte de l’appel de Stockholm 24 , le jumelage
acquiert un caractère politique, sur les thèmes de la paix, du refus de la guerre froide, de l’amitié entre les peuples. Les villes
gérées par des conseils communistes sont fortement encouragées à se jumeler avec des villes d’Europe de l’Est, encore sous
domination soviétique. Le chanoine Kir, maire de Dijon, avait ainsi établi un jumelage avec la ville de Leningrad, ce qui suscita
la désapprobation à la fois du pape et du Général de Gaulle.
La Fédération Mondiale des Villes Jumelées (FMVJ) fut créée en 1957, à Aix les Bains, sur les bases posées par la « fédération
du monde bilingue ». En France, le Gouvernement eut des hésitations sur la position à adopter. Ordres et contre-ordres furent
adressés aux préfets et aux ambassadeurs sur la conduite à tenir face aux initiatives des communes.
Parallèlement, dès avant la décolonisation, des jumelages furent établis avec des villes d’Afrique francophone. Le premier,
pendant les années 50, lia la ville de Millau et celle de Louga, au Sénégal. Beaucoup d’autres apparurent avec les indépendances,
souvent inspirés par le syndicalisme agricole chrétien, sur des thèmes tiers-mondistes et de solidarité internationale. Ce saut
qualitatif - du politique au caritatif, ou à l’humanitaire - est à l’origine de la coopération décentralisée actuelle.
Cette caractéristique s’est renforcée dans les années 70, lors des grandes sècheresses qui affectèrent le Sahel. Ces catastrophes,
les premières à être médiatisées, ont suscité des élans de solidarité. Les syndicats agricoles, en particulier, se sont beaucoup
mobilisés, et ont sollicité des aides financières auprès des communes. Pendant longtemps, la coopération décentralisée a ainsi
plutôt ciblé les zones rurales, avec l’idée d’aider à maintenir les paysans sur leurs terres, d’endiguer l’exode rural, etc. A la même
époque, la Coopération française était aussi très inspirée par ces thèmes ruralistes.
Quelques villes plus importantes conclurent des jumelages (Angers avec Bamako, Loudun avec Ouagadougou), mais ce furent
des exceptions, liées à des personnalités elles-mêmes exceptionnelles.
Un autre phénomène a favorisé le développement de la coopération décentralisée parmi les grandes villes françaises. La longue
domination de la droite au niveau national a poussé les personnalités de gauche, élus locaux, à développer leurs relations
internationales par d’autres voies. Ainsi, Gaston Defferre avec le partenariat Marseille - Alger), ou Pierre Mauroy avec celui
de la région Nord-Pas-de-Calais avec la région voisine de la Flandre belge). Lorsque la gauche arriva au pouvoir, en 1981, elle
modifia le régime des collectivités territoriales et leur autorisa les relations internationales.
Depuis, la coopération décentralisée, légitimée, s’est professionnalisée. L’intervention des services des collectivités plutôt
que celle des anciennes associations, l’action des intercommunalités et des départements ont favorisé une approche plus
programmatique. Des jumelages fondés sur des relations personnelles, on est passé à une démarche humanitaire et caritative,
caractérisée par des dons à la population ou à la collectivité. Puis sont apparus les projets, inspirés par des objectifs de développement
de la solidarité, et orientés vers le renforcement des services de proximité. Des programmes pluriannuels sont élaborés
en commun, privilégiant l’appui institutionnel et le développement économique, et recherchant des avantages réciproques
pour les collectivités partenaires. Le partenariat entre les villes de Grenoble et de Constantine, par exemple, a donné lieu à des
échanges de savoir-faire avec une volonté de réciprocité.
Les différentes formes de relations entre les villes et les villages cohabitent aujourd’hui : des jumelages traditionnels très vivants,
des coopérations décentralisées, au sens propre, de projet et de programme, des coopérations trilatérales (Nord-Nord-Sud ou
Nord-Sud-Sud). Cette diversité est une richesse, et elle résiste aux tentatives de régulation ou d’homogénéisation.
La coopération décentralisée française transcende les courants politiques, ce qui est sans doute lié au consensus assez large
prévalant, dans la société, sur la politique internationale, et cela ne se retrouve pas dans beaucoup de pays. Les crédits destinés à
cette coopération sont généralement votés à l’unanimité 25 et ne constituent pas une variable d’ajustement budgétaire. Lors des
changements de majorité au sein des conseils, les liens existants, les projets et programmes sont le plus souvent maintenus.
Le consensus politique se retrouve au sein de CUF. Son président fondateur 26 , M. Bernard Stasi, était lui-même élu local, centriste
social-démocrate, d’inspiration chrétienne, humaniste et tiers-mondiste. Son deuxième président, M. Charles Josselin,
également élu local, socialiste, a été Ministre délégué chargé de la coopération et de la francophonie. Il avait alors sensibilisé le
corps diplomatique à la coopération décentralisée, et ainsi favorisé l’évolution des mentalités et des pratiques.
Des élus de toutes tendances composent les instances dirigeantes de CUF, le conseil national (72 membres) et le bureau
exécutif (30 membres dont deux pour chacune des associations de collectivités : l’Association des Maires de France - AMF -,
l’Assemblée des départements de France - ADF - et l’Association des Régions de France - ARF).
24
lancé le 19 mars 1950 contre l’arme atomique par le Mouvement mondial des partisans de la paix, d’inspiration communiste,
avec le soutien de nombreux intellectuels et artistes
25
Même pour les coopérations importantes, ces crédits sont cependant marginaux dans le budget d’une collectivité locale.
26
Président de 1975 à 2004.
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