Numéro complet (pdf) - acelf
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De l’histoire et de l’avenir de la formation des maîtres au Canada anglais :<br />
la tradition dans la pratique des formateurs des maîtres<br />
C’est une tâche inhérente aux autorités traditionnelles que d’être responsables<br />
des devoirs sociaux fondamentaux. Le clergé marie et enterre les gens, les avocats<br />
entament des poursuites judiciaires, les médecins soignent et les militaires protègent.<br />
Par rapport aux pouvoirs réels et symboliques attribués aux autorités traditionnelles,<br />
les professeurs détenaient très peu d’autorité morale ou pratique. Durant la<br />
période pré-industrielle, pour la plupart des Canadiens l’enseignement était un luxe.<br />
Il était important d’apprendre à lire pour les cérémonies religieuses. L’écriture et<br />
l’arithmétique étaient aussi utiles à l’occasion, mais les connaissances essentielles à<br />
la survie et à la prospérité de chacun étaient transmises par les parents, le clergé et<br />
les membres de la communauté. Les professeurs, qui étaient pour la plupart des<br />
jeunes sans expérience, des femmes, des handicapés ou des immigrants récemment<br />
arrivés, n’étaient pas aptes à aider les jeunes d’une communauté à apprendre ce qui<br />
était vraiment important pour vivre dans une société pré-industrielle. Le statut social<br />
des professeurs était relativement bas puisque leur enseignement n’était alors tout<br />
simplement pas considéré comme quelque chose d’important.<br />
Il manquait plus spécifiquement aux premiers enseignants canadiens un<br />
bagage de connaissances et d’habiletés qui soit cohérent et utile. D’un autre côté, les<br />
autorités traditionnelles avaient recours de manière systématique à des doctrines :<br />
un savoir standardisé, réservé à un petit nombre, quoique largement accepté, acquis<br />
au fil d’années d’enseignement formel et informel, devenant de véritables rites de<br />
passage. Le respect machinal et ritualisé de ces doctrines, disant aux gens comment<br />
ils doivent se comporter et à qui ils doivent se soumettre, crée des structures de pouvoir<br />
dans une communauté donnée. L’adhésion à ces doctrines permet de diviser les<br />
individus en deux catégories importantes. D’abord, on distingue l’ami de l’étranger<br />
par sa connaissance et son acceptation des dogmes. En se basant sur ce principe, les<br />
représentants des gouvernements locaux et le clergé ont pu départager les gens des<br />
bonnes mœurs des gens amoraux. Deuxièmement, les gens n’appartenant pas à une<br />
profession étaient tenus à l’écart du pouvoir. Durant cette période, au Canada, les<br />
enseignants n’avaient pas accès à ces savoirs et, par conséquent, la position sociale<br />
qu’ils occupaient ne leur permettait pas de remettre en cause publiquement les<br />
dogmes de l’Église ou les Édits locaux et coloniaux. Le pouvoir décisionnel des<br />
enseignants était très limité : ils ne pouvaient pas, par exemple, choisir eux-mêmes<br />
les livres qu’ils allaient utiliser.<br />
Parce que les autorités traditionnelles disposaient d’un bagage de connaissances<br />
spécifique et bien défini, elles seules étaient capables d’interpréter le passé<br />
afin de guider le comportement présent et futur des gens. Les autorités traditionnelles<br />
étaient non seulement capables de se prononcer sur ce qui pouvait être fait<br />
dans une culture, mais elles étaient aussi en mesure de dire ce qui devait être fait. En<br />
s’attachant à la tradition, les gens ont obtenu une sécurité ontologique parce qu’on<br />
leur disait à quoi s’attendre et comment se conduire. Ce pouvoir normatif explique<br />
pourquoi le clergé et d’autres autorités traditionnelles envahissantes contrôlaient l’enseignement.<br />
Ils détenaient le pouvoir et avaient la responsabilité des bonnes mœurs<br />
des anciens Canadiens. Comme nous le verrons dans les périodes subséquentes, la<br />
capacité d’intervention des autorités externes demeure un point important des<br />
volume XXIX, printemps 2001<br />
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www.<strong>acelf</strong>.ca