Le Royaume d\'icare

— Oui, quelques années. Ne mentionnez pas de dates, ça
me décourage. J’ai fait une thèse sur la quantification des
duels. Le livre de Darwin m’a inspiré. Vous connaissez...
— De l’origine des espèces. Je l’ai lu. La nécessité naturelle
d’une sélection favorise la survie des individus dont les caractéristiques
morphologiques sont les mieux adaptées aux
conditions climatiques et géographiques ambiantes.
— Voilà qui est fort bien résumé, John.
— J’ai fait un rapport… Peu importe.
Entendant cogner, le champion se lève.
— Vous n’avez pas déjeuné, il me semble.
— J’ai oublié.
— Attendez. Traitement de champion.
Un clin d’œil. Son cigare éteint entre les doigts, Joseph
entre.
Train en provenance de Genève, près de Paris,
onze heures neuf
Au milieu d’un wagon-lit dont il est l’unique occupant,
Itchkoff est assis du bout des fesses sur la banquette, confiné
au centre d’un amas de papiers surgis d’une malle qui gêne le
passage et dont l’usage excessif trahit la qualité du cuir. Un
homme dont le mètre soixante-quinze accuse cent soixante
kilos lotis dans la charpente de ses ancêtres fermiers. Un
éternel début de barbe, les lunettes au bout d’un nez rond, le
visage joufflu Dans sa main aux doigts replets, Itchkoff tient
une lettre qu’il fixe telle une lampe d’Aladin trouvée au milieu
d’une myriade de babioles en la caverne d’un Ali Dewey.
C’est le message de Feuerbach, reçu en début février :
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