Le Royaume d\'icare

grillagée. À l’intérieur, les murs, le sol et le plafond sont recouverts
d’une toile rigide bourrée de laine ou de coton brut.
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— Dame prend pion cavalier.
À travers la porte, il reconnaît la voix d’Eising. Mais le ton
morne de sa voix fait frissonner Joseph.
— Puis-je entrer
— Si vous le désirez, monsieur. Mais je dois refermer.
— Et alors J’y vais seul, ajoute-t-il à l’endroit de Nilsson.
— Criez s’il y a un problème, insiste le préposé.
— Que voulez-vous qu’il arrive demande Joseph, les bras
ouverts.
Wilhelm Eising, ex-champion du monde, est assis par
terre dos au mur, les yeux fermés, un échiquier de carton devant
lui. Joseph peine à discerner son ancien rival dans ce
vieillard décharné aux cheveux jaunis. Sur l’échiquier, Joseph
reconnaît une variante du contre-gambit Eising, réfutée
par Culbertson à Hasting en 1890. Le dernier coup joué
reprend un pion, mais constitue une erreur : il permet aux
blancs de mettre leurs tours en jeu en attaquant la dame adverse,
un thème connu.
— Tour dame à cavalier dame, annonce Eising, les yeux sur
l’échiquier.
Feuerbach s’agenouille. Soudain, Eising exécute le coup et
attend. Le visiteur sursaute.
— Vais-je devenir comme toi quand ce sera mon tour
La question le surprend lui-même. Eising ne semble pas
s’être aperçu de sa présence. Joseph scrute un moment
l’homme au regard perdu. Celui qui a découvert la loi d’harmonie
entre les pièces et la structure de pions ; celui qui a
réfuté nombre d’attaques aux assises mal assurées ; celui qui