Le Royaume d\'icare

— Un sourire d’ange, des yeux de séducteur, une verge
d’étalon et la lucidité d’un comédien. Ce sera un homme de
théâtre, conclut-elle.
À Venise. Tant qu’à porter le masque, autant faire le carnaval.
Béatrice y possède un petit pavillon. D’ailleurs, le père de
Miguel était italien. Sur lui, on n’en su jamais plus.
Aristocrate à demi, donc – l’autre moitié étant un sacré
filou pour qui une mère est une lointaine protectrice – Belladona
aperçoit par terre une croix de chapelet à l’attache
brisée, tout juste devant la porte d’un compartiment, au moment
où même où les carabiniers s’amènent au wagon.
La dame, quand il ouvre et referme prestement la porte
derrière lui non verrouillée, merci madone c’est du cossu
français. Plus très jeune, mais le souffle ne lui manque pas.
Une robe qui souligne où ça compte. Inutile d’imaginer le
reste, faut visiter.
D’une voix grave, dans un français saupoudré d’un trémolo
à l’italienne, Belladona entre en scène, s’adressant (ce
qu’il ignore encore) à une oasis désertée :
— Madame, sans vous jé souis perdou !
»
Train de Bruxelles en route vers Paris,
treize heures dix, heure de Paris.
— Confortable. Nous sommes installés en classe confortable.
Les mots sont tellement plus riches que les nombres,
poursuit Joseph Feuerbach à l’intention de ses deux filles.
Première ou deuxième classe, ça ne dit rien à qui ne prend
pas le train.
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