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colette_ble_en_herbe..

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– Qu’est-ce que tu as <br />

– Je… je crois que j’ai mal…<br />

Un bras irrésisti<strong>ble</strong> empoigna le si<strong>en</strong>, l’obligea à tomber au<br />

plus sûr du nid escarpé, car il chancelait près du bord. Abattu, il<br />

ne lutta pas, et dit seulem<strong>en</strong>t :<br />

– Ce serait peut-être le plus simple, pourtant…<br />

– Ah ! là ! là ! …<br />

Elle ne cherchait pas de paroles après ce cri trivial. Elle<br />

couchait contre elle le corps du garçon affaibli, et serrait une<br />

tête brune sur ses seins qu’un peu de chair douce, toute neuve,<br />

arrondissait. Philippe s’abandonnait à une lâche et réc<strong>en</strong>te<br />

habitude de passivité, acquise dans des bras moelleux; mais s’il<br />

chercha, avec une amertume à peine supporta<strong>ble</strong>, le parfum<br />

résineux, la gorge accessi<strong>ble</strong>, du moins il gémissait sans effort le<br />

nom de « Vinca chérie… Vinca chérie… ».<br />

Elle accepta de le bercer, selon ce rythme qui balance, bras<br />

refermés et g<strong>en</strong>oux joints, toutes les créatures féminines de<br />

toute la terre. Elle le maudissait d’être si malheureux et si<br />

choyé. Elle lui souhaitait de perdre la raison et d’oublier, dans le<br />

délire, un nom de femme. Elle l’apostrophait <strong>en</strong> elle. « Va, va…<br />

Tu appr<strong>en</strong>dras à me connaître… Je t’<strong>en</strong> ferai voir… », mais <strong>en</strong><br />

même temps elle écartait, du front de Philippe, un cheveu noir,<br />

comme une fêlure fine barrant un marbre. Elle savoura le poids,<br />

le contact nouveau d’un corps de jeune homme qu’hier <strong>en</strong>core<br />

elle portait, <strong>en</strong> riant et <strong>en</strong> courant, à califourchon sur ses reins.<br />

Lorsque Philippe, <strong>en</strong>trouvrant les yeux, quêta son regard <strong>en</strong> la<br />

suppliant de lui r<strong>en</strong>dre ce qu’il avait perdu, elle frappa de sa<br />

main libre le sa<strong>ble</strong> à côté d’elle, et s’écria, au fond d’elle-même :<br />

« Ah ! pourquoi es-tu né ! »comme une héroïne d’un drame<br />

éternel.<br />

– 110 –

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