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colette_ble_en_herbe..

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téléphone… et puis, qu’est-ce que ça me fait, qu’elle parte ! C’est<br />

ma maîtresse, ce n’est pas mon amour… je puis vivre sans elle. »<br />

Il s’assit, écossa le long des lances d’<strong>herbe</strong> les chapelets<br />

d’escargots grimpeurs dont les vaches sont friandes. Il s’exerça<br />

au rire et à la grossièreté.<br />

« Elle part, bon. Elle n’est peut-être pas seule, c’te femme…<br />

Elle ne s’est pas amusée à me raconter ses petites affaires, n’estce<br />

pas ! … Bon. Seule ou pas seule, elle part. J’y perds… quoi !<br />

Une nuit, la prochaine. Une nuit, avant mon départ. Une nuit,<br />

que je n’étais même pas sûr de désirer tout à l’heure. Je ne<br />

songeais qu’à Vinca… On se passera d’une nuit agréa<strong>ble</strong>,<br />

voilà… »<br />

Mais une sorte de souffle passa dans son esprit, balaya le<br />

vocabulaire d’<strong>en</strong>fant de troupe, la fausse assurance, le<br />

ricanem<strong>en</strong>t intérieur, ne laissa qu’une surface m<strong>en</strong>tale nue,<br />

refroidie, une consci<strong>en</strong>ce nette de ce que représ<strong>en</strong>tait le départ<br />

de Camille Dalleray.<br />

« Ah… elle est partie… elle est partie, hors d’atteinte, la<br />

femme qui m’a donné… qui m’a donné… comm<strong>en</strong>t appeler ce<br />

qu’elle m’a donné D’aucun nom. Elle m’a donné. Depuis le<br />

temps où j’ai cessé d’être le petit <strong>en</strong>fant que Noël <strong>en</strong>chante, elle<br />

seule m’a donné. Donné. Elle seule pouvait repr<strong>en</strong>dre, elle a<br />

repris… »<br />

La rougeur monta à sa figure brune, une eau piquante<br />

mouilla ses yeux. Il ouvrit son vêtem<strong>en</strong>t sur sa poitrine, fouilla<br />

des dix doigts sa chevelure, se r<strong>en</strong>dit pareil à un furieux qui sort<br />

d’un pugilat, haleta, et cria tout haut, d’une rauque voix<br />

<strong>en</strong>fantine : « C’est cette nuit-là que je voulais, justem<strong>en</strong>t ! »<br />

Il t<strong>en</strong>dit son visage, son torse appuyé sur ses poings, son<br />

regard, vers Ker-Anna invisi<strong>ble</strong> : déjà un amas de nimbus,<br />

– 92 –

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