- 64 -sa da. C'était des fruits cueillis dans son propre jardin, unbouquet de figues qui sont de toutes petites bananes àpeine longues de deux pouces, ou un zabricol (abricot destropiques), ce fruit singulier, que les anciens habitantsde Haïti tenaient pour sacré parce qu'il était la nourrituredes fantômes, une prune colossale, aussi grande quele plus grand des navets, à la chair vermeille et musquée,au noyau gros comme un œuf de canard, ou bien unegrande branche odorante de zorange mandarine, chargéede mandarines, ou un fouile-défendu, Je même, suivant latradition créole, que le serpent fit manger à Eve, sorted'immense orange plus grosse qu'une citrouille, mai"? dontla chair rose est savoureuse... Un jour, le jour de la fête deMayotte, Gabriel apporta un très joli cadeau : un panierqu'il avait tressé lui-même avec des lattes de bambou etdes tiges de lianes, rempli d'échantillons de presque tousles produits de la plantation. Il y avait un joli petit pain desucre, un paquet de bâtons caco, ou bâtons de chocolat, unpetit couï, ou demi-calebasse, rempli de sucre brun, unbidon de sirop raffiné, un pain-mi, ou gâteau de maïsbouilli, sucré et enveloppé dans une feuille de balisierattachée par un li-liqne razié, quelques tablettes de cacaogratiné, confites dans du sucre liquide, et un joli paquet decanne à sucre de Chambéry attaché par une feuille de
— 65 —canne. Un autre jour, tandis que <strong>Youma</strong> conduisaitl'enfant à la rivière pour prendre son bain matinal, elle ytrouva, fixé sur les bords du petit étang, un large banc rustique,construit avec des longues branches résistantes dupommier rose, et dont le siège et le dossier étaient de bambousfendus : c'était l'œuvre de Gabriel, il y avait travaillétoute la nuit, et l'avait porté à la rivière avant l'aurore,pour faire une surprise à <strong>Youma</strong>...Toutes silencieuses que fussent les visites de Gabriel,elles commençaient à exercer sur <strong>Youma</strong> une certaineinfluence. Elle y trouvait un plaisir inaccoutumé — ellese surprit à les attendre avec une ardeur inconsciente ;elle se sentait même vaguement malheureuse lorsqu'ilne venait pas. Et pourtant, lorsqu'elle ne l'avait pas vudepuis plus longtemps que de coutume, elle ne demandaitjamais ce qui avait retardé sa visite : elle ne se seraitjamais avoué qu'elle redoutait l'indifférence de Gabriel.Celui-ci d'autre part ne donnait jamais d'explication. Cesdeux natures étranges se comprenaient sans parler, d'unefaçon muette, primitive, et à demi barbare....Une après-midi, il apporta un bt.au sapole, — ce fruità la peau douce, rosée et sombre, qui rappelle à l'imaginationcréole la beauté des métis. Sa graine noire et platecontient entre les deux moitiés du noyau une pellicule,5
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XIVLa rue se remplit d'un lourd mur
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