— 94 ~vite, si ardemment qu'elle n'eut pas la force de l'interrompre.Il lui dit ses espoirs, ses projets. Il avait un peu d'argentet savait ce qu'il voulait faire. Ils achèteraient unpeu de terre à la campagne, (la campagne était si belle, à laDominique, tout y était très bon marché, et il n'y avaitpas le serpents). Il construirait lui-même leur maisonnette,et planterait un petit verger... Là barque du maîtreétait toute prête pour leur fuite ; le vent et la mer leurétaient favorables, la lune ne se lèverait qu'après minuit; il n'y avait donc rien à craindre... Et dès l'auroreprochaine ils seraient libres.Il lui parla de son amour pour elle, —• de la vie qu'ilsmèneraient ensemble,de la liberté telle qu'il se l'imaginait,de leurs enfants qui naîtraient libres, — avec une naïvepuissance de persuasion, et avec une plénitude qui montraitcombien longtemps et ardemment il avait nourri cerêve. Et pour donner plus de couleur à sa pensée, il seservait de ces étranges mots créoles qui, pareils aux lézardsdes tropiques, changent de couleur suivant les positionsqu'ils occupent. Ce ne fut que lorsqu'il eut d't toutce qu'il y avait dans son cœur, que <strong>Youma</strong> put lui répondre,les larmes coulant sur ses joues.— Oh ! Gabriel 1 Je ne puis pa.- partir 1 Ne me parlezplus 1 C'est impossible !
_ 95 —Elle s'arrêta, interdite par le soudain changement quise dessina sur le visage de Gabriel. Il laissa retomber samain, elle vit dans ses yeux une lueur inconnue. Mais il nela regarda pas , il se tourna et, croisant les bras, contemplafixement la mer.— Doudoux, reprit-elle, vous ne m'avez pas laissé parler.J'ai suivi vos conseils ; j'y ai réfléchi, — j'ai tout pesé.Et plus j'y pensais, plus je sentais que cela ne pouvaitpas être. Et vous ne vouliez pas me laisser m'expliquer,répéta-t-elle d'une voix suppliante, et en lui touchant légèrementle bras, pour attirer son regard.Il ne répondit pas : il se tenait rigide et sombre commeJe rocher noir qui se trouvait derrière lui. Et il regardaittoujours vers l'horizon,, vers l'endroit où il avait penséréaliser tous ses espoirs, vers la libre Dominique, auxvallées sans serpents, maintenant invisible, voilée par lesvapc-urs du crépuscule.— Gabriel, insista-t-elle d'une voix caressante. Écoutez-moi,doudoux.— Ah ! vous ne voulez pas partir ! dit-.l enfin. Vous nevoulez pas partir !Et il y avait presque de la menace dans sa Voix lorsqu'iltourna la colère de son regard vers elle.— Je ne puis, doudoux, reprit-elle, avec une douce
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