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09_+Russie,+mille+ans+d'enigme

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MEDITATION SUR UNE ENIGMEDOSTOÏEVSKI ET LETEMPÉRAMENTRUSSEDostoïevski reflète toutes lescontradictions de l'esprit russe, toutes sesantinomies qui ont provoqué à leur tour tantde jugements contradictoires sur la Russieet sur son peuple. L'architecture spirituellede ce peuple, on peut la suivre et l'étudier enlui. Les Russes se classent eux-mêmes en" apocalyptiques » et en " nihilistes "•entendant par là qu'ils ne supportent pas unclimat psychique moyen, et que leurtempérament les mène irrésistiblement versles extrêmes. Apocalyptisme, nihilisme, lamême tendance excessive, le même besoinde pousser les choses jusqu'à leur terme,les entraînent vers ces deux pôles.NICOLAS BERDIAEVL'Esprit de Dostoïevski ,Stock, Paris 1945, 1975.«C'est en Russieseulement, au coursde mes deux grandsvoyages dans cepays, que j'ai sentice qu'est une patrie ;j'étais là-bas enquelque sorte chezmoi, peut-être parceque le temps, letemporel, y est sipeu visible, parceque l'avenir y esttoujours déjàprésent, et quechaque heures'écoule plus près del'éternité. >Rainer Maria RilkeLettre à Ellen Key,1899.quête de mythes consolateurs. L'influencedurable et diverse de la religion lui doit beaucoup.La quête d'identité et d'unité culturellesde ce peuple déchiré a sans nul doute trouvédans les mythes religieux la réponse la pluspropre à permettre d'engager l'œuvre deconstruction nationale commencée à Kiev, etcelle de reconstruction qui se poursuivit auXVI' siècle. Dans l'extrême misère morale dela Russie, la religion a eu de surcroît pourfonction d'en rendre possible l'acceptationsociale. La sainteté du tsar escamote la sauvageriede son règne. Son despotisme extrêmeexige une légitimation elle aussi extrême, cellede la soumission au dessein divin. Et si lessouffrances constantes du peuple sont dominées,c'est parce que la vision eschatologiquequi sous-tend toute la mythologie politiquedonne à cette souffrance l'allure d'une marchesur les traces du Christ de la Passion.C'est aussi cette conception religieuse -où s'entremêlent dans un étonnant syncrétismechrétienté orthodoxe, rigorisme des vieuxcroyants,croyances hétérodoxes d'innom-REMARQUES ÀREBROUSSE-POILCependant que les peuples occidentauxs'usaient dans leur lutte pour la liberté et,plus encore, dans la liberté acquise (rienn'épuise tant que la possession ou l'abus dela liberté), le peuple russe souffrait sans sedépenser, car on ne se dépense que dansl'histoire, et, comme il en fut évincé, force luifut de subir les Infaillibles systèmes dedespotisme qu'on lui infligea : existenceobscure, végétative, qui lui permit des'affermir, d'accroître son énergie,d'entasser des réserves et de tirer de saservitude le maximum de profit biologique.L'orthodoxie l'y a aidé, mals l'orthodoxiepopulaire, admirablement articulée pour lemaintenir en dehors des événements, aurebours de l'officielle qui, elle, orientait lepouvoir vers des visées impérialistes[ ... ].Pour que la Russie s'accommodât d'unrégime libéral, il faudrait qu'elle s'affaiblîtconsidérablement, que sa vigueurs'exténuât ; mieux : qu'elle perdît soncaractère spécifique et se dénationalisât enprofondeur. Comment y réussirait-elle, avecses ressources intérieures inentamées etses mille ans d'autocratie ? À supposerqu'elle y arrivât par un bond, elle sedisloquerait sur-le-champ. Plus d'une nation,pour se conserver et s'épanouir, a besoind'une certaine dose de terreur. La Franceelle-même n'a pu s'engager dans ladémocratie qu'au moment où ses ressortscommencèrent à se relâcher, où, ne visantplus à l'hégémonie, elle s'apprêtait à devenirrespectable et sage. Le Premier Empire futsa dernière folie. Après, ouverte à la liberté,elle devait en prendre péniblementl'habitude, à travers nombre de convulsions,contrairement à l'Angleterre qui, exempledéroutant, s'y était faite de longue main,sans heurts ni dangers, grâce auconformisme et à la stupidité éclairée de seshabitants (elle n'a pas, que je sache, produitun seul anarchiste).E.M. CIORAN" Quelques imprécisions sur la Russie ,La Nouvelle Revue Française, no 61,1" janvier 19581

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