NICOLAS BERDIAEVsonnalisme, le collaborateur actif de la revueEsprit, 1 'animateur de la revue russe Pout} (LeChemin) et des Cahiers de la nouvelle époque.Est-ce parce que ses écrits qui conjuguentsociologie, histoire, esthétique, philosophie etthéologie, ont été non seulement une dénonciationdu communisme et de l'égalitarisme,mais aussi l'appel à Un nouveau MoyenÂge (4), à une spiritualité créatrice et à la fulgurantevision de 1 '« humano-divinité » ?Né à Kiev, Je 19 mars 1874, dans unefamille appartenant à la haute noblesse, d'unpère officier des cavaliers-gardes, libéral ettantôt épris de Voltaire, tantôt de Tolstoï, etd'une mère « plus française que russe » (5),fille de la comtesse Mathilde de ChoiseulGouffier, Nicolas Alexandrovitch, d'un « tempéramentirritable et emporté » selon sonpropre aveu, s'intéresse, enfant, à la figure deSouvorov. Admis au corps des cadets et promisà la carrière des armes, il se détourne vitede l'idéal militaire pour la peinture et la littérature.Il connaît une enfance « privée desimpressions joyeuses et captivantes que procurela religion russe orthodoxe ». Il manifestepeu de goût pour les offices de 1 '« orthodoxieimpériale et nationale ». Il préfère, ditl'un de ses biographes,« lesforêts et les parcsaux églises » (6). L'adhésion à 1 'Église orthodoxede ce penseur de 1 'orthodoxie se fait seulementà l'âge de 35 ans. Entre-temps, Berdiaeva connu les engagements révolutionnairesd'une partie de l'intelligentsia, lesarrestations, la prison et la résidence surveillée.Il a collaboré au bi-hebdomadaireclandestin Libération d'où sortira en 1905, leParti constitutionnel-démocrate (KD) de Millioukov.En chemin, il a rencontré Serge Boulgakov,lequel s'opposera, plus tard, aupatriarche de Moscou et deviendra le recteurde 1 'Institut Saint-Serge en France. Surtout.Berdiaev s'est libéré de Marx par Nietzsche.Il a aussi retrouvé Dostoïevski qui, plusque tout autre, marque sa conscienced'homme et de philosophe. À ce dernier, ilconsacre un livre : L'Esprit de Dostoïevski (7).Rédigé au cours de l'hiver 1920-1921 , cetouvrage porte un souffle prophétique. Berdiaevy écrit : « La destinée historique de laRussie a justifié la prophétie dostoïevskienne :la Révolution a eu lieu dans une large mesureselon Dostoïevski. Et quelque destructrice etmeurtrière qu'elle apparaisse, elle ne doit pasmoins être considérée comme russe, et commenationale. L'autodestruction et /' autocompositionsont en Russie des traits nationaux. >Mais il affirme également: > - et d'être élu membredu Conseil de la République, en tant que> .Mal à l'aise sous Kerenski, Berdiaev sesent soulagé lorsqu 'éclate la révolutiond'Octobre et pas du tout effrayé par l'arrivéedes Bolcheviques. Ceux-ci, loin de le combattre,1 ui accordent un traitement de faveur etle couvrent d'honneurs. Il obtient la permissionofficielle de garder son appartement et sabibliothèque. Il est élu à la vice-présidence del'Union des écrivains, admis à l'Académie desbeaux-arts.Dès 1918, année décisive, Berdiaev aentrepris une révision de ses idées de jeunesse,en rédigeant La Philosophie de l'inégalité (8).Dans ce réquisitoire véhément contre tous lesréductionnismes, il dénonce < la passion égalitaire» qui « provoque toujours un abaissementdu niveau de la personne >> et critique ladémocratie, « idéologie des quantités >> qui« ne peut manquer de conduire au règne despires et non des meilleurs >>. Il oppose
LAS BERDIAEVMoscou. Dans la nuit, il est arrêté à son domicile,conduit à la prison de la Tcheka et, aubout d'une semaine, sommé de quitter la Russiesoviétique et de n'y point reparaître souspeine d'être fusillé. « C'était une mesureétrange, écrira Berdiaev. J'étais chassé de mapatrie non pour une raison politique, maispour des raisons idéologiques. » (9)Septembre 1922. Avec d'autres expulsésrassemblés à Saint-Pétersbourg, Berdiaevembarque sur la Neva, gagne Berlin, via Stettin.Le séjour allemand va durer deux ans etpermet au proscrit de rencontrer Max Scheler,Oswald Spengler qui le surprend par son allurebourgeoise, et Keyserling. Ce dernier voit enBerdiaev