L'EXPANSION TERRITORIALE DE LA RUSSIEEN EUROPE AU XVIIIE SIËCLE___ Frontières de la Russieà l'avènement de Pierre le GrandAcquisitions russes lors du traitéde Nystad! (1721)Acquisitions russes lors du premierpartage de la Pologne (1772)Acquisitions russes lors du deuxièmepartage de la Pologne (1793)Acquisitions russes lors du troisièmepartage de la Pologne (1795)Territoires du Khanat de Criméeannexés en 1783-1792Finlande annexée en 18<strong>09</strong>~ac OnegaCatherine II Ill Grande (1729-1796). Princesseallemande mariée au futur Pierre Ill qu'assassinerontses favoris, les frères Orlov, en 1762. Ellese voulut foncièrement russe et contribua fortementà l'expansion de l'Empire.Lac Ladoga- 1733-1734 : la Russie s'immisce militairementdans les affaires intérieures de laPologne et favorise l'accession au trône du roiAuguste III.- 1736-1739 : la Russie fait la guerre à laTurquie et, à la suite de ses succès, obtient parle traité de Belgrade quelques concessions territoriales.- 1741 : à la suite d'une guerre contre laSuède, la Russie obtient la partie sud-est de laFinlande.- 1756 : la Russie prend part à la guerre deSept Ans. Ses troupes battent l'armée du roide Prusse, Frédéric le Grand, et s'emparent deBerlin (1760). Cependant, pour des raisonsintérieures, la Russie se retire de la guerre en1761.- 1768-1774 et 1787-1791 : deux guerrespleinement victorieuses menées par la Russiecontre la Turquie sous le règne de CatherineII. La Russie obtient la Crimée et tout le littoralnord de la mer Noire ainsi qu'un droit deregard sur les Balkans. Elle se fait ainsi reconnaîtrecomme protectrice des Slaves du sud.- 1772-1773, 1793, 1795 : les trois partagesde la Pologne. Conjointement avec laPrusse et 1 'Autriche, la Russie raie la Polognede la carte politique de 1 'Europe.Les guerres contre la France napoléonienneconstituent un épisode totalement à part del'histoire russe. D'une part, elles étaientdavantage imposées que voulues et ne correspondaienten tout cas à aucun dessein géopoli-MER NOIREtique. D'autre part, tout en faisant accéder laRussie au rang de première puissance militaireet, accessoirement, de gendarme de 1 'Europe,elles firent prendre conscience à l'opinioneuropéenne de l'existence d'une menacepotentielle venue de 1 'Est et de la nécessité dela contrecarrer. De ce point de vue, l'entréevictorieuse des cosaques dans Paris, en 1814,n'eut pas que des résultats heureux .Cependant, au cours de la première décenniedu XIX' siècle, la Russie ne fut pas exclusivementpréoccupée par ses relations avec laFrance. Elle trouva également le moyen demarquer des points par ailleurs.En 1801, la Géorgie, menacée par la Perse,demande à être intégrée à 1 'Empire russe. Ils'ensuit une guerre russo-perse de neuf ans(1804-1813) qui se solde par une victoire tota-
PIRE MESSIANIQUEle de la Russie et par l'annexion de toutes lesprovinces de la Géorgie, ainsi que du Daghestanet de 1 'Azerbaïdjan. La guerre de 1806-1812 contre la Turquie permet à la Russied'acquérir la Bessarabie (actuelle Moldavie) eta pour effet la proclamation, dans les Balkans,d'une principauté autonome serbe qui doit toutaux Russes. Enfin, la guerre de 1808-18<strong>09</strong>contre la Suède aboutit à l'annexion par laRussie de l'ensemble de la Finlande et del'archipel Aland dans la Baltique.Le principeméta statiqueÀ 1 'issue des guerres napoléoniennes, lapolitique d'expansion russe entre dans unephase qualitativement nouvelle. Tout en gardantses priorités antérieures, visant notammentà la destruction de 1 'Empire ottoman,elle se mondialise et tend à emprunter desdirections « tous azimuts ». Dans le mêmetemps, elle se heurte de plus en plus à l'opposition,non plus de ses voisins immédiats, maisdes grandes puissances mondiales, inquiètesde sa montée en puissance. C'est alors, auXIX' siècle, que se manifeste pleinement leprincipe « métastatique » des avancées russes,principe qui ne se démentira pas jusqu'à ladislocation de l'Union soviétique. Le principe,exposé en termes peu médicaux, est le suivant :toute tumeur maligne qui ne donne pas demétastases est condamnée à dépérir. Lorsquela progression des métastases qu'elle lâchedans une direction se trouve artificiellementcontrariée, elle doit, pour se maintenir, lancerdes métastases dans une autre direction. Ceschéma, même s'il paraît simplifié, s'appliqueaussi bien à 1 'expansionnisme russe duXIX' siècle qu'à l'expansionnisme soviétiquedu XX' siècle.En 1827, à la suite du soulèvement desGrecs contre la Sublime Porte, l'Angleterre, laFrance et la Russie agissent de concert : leursvaisseaux de guerre envoient par le fond1 'escadre turque à la bataille de Na varin. En1828, la Russie, seule, déclare la guerre à laTurquie et obtient d'importants succès militaires.Par le traité d'Andrinople de 1829, elleacquiert la rive orientale de la mer Noire ainsiqu'un droit de passage pour ses navires dansles détroits. Le sultan reconnaît à la Grèce (quisera indépendante un an plus tard), à la Serbie,à la Moldavie et à la Valachie une très largeautonomie, la Russie obtenant le statut de protectriceofficielle des chrétiens des Balkans,avec droit d'ingérence. Tout en poursuivant la« pacification », fort longue et cruelle, despeuplades du Caucase, elle gagne, presque aumême moment, une nouvelle guerre contre laPerse.À la fin des années 1830, le cours pris parles événements suscite une certaine inquiétudeen Europe, surtout en Angleterre. On « internationalise» donc le problème et, par laconvention de Londres de 1840, la Turquie setrouve placée sous la protection de cinqgrandes puissances : la Russie, 1 'Angleterre, laFrance, 1 'Autriche et la Prusse. Cette situationne convient guère à l'empereur Nicolas l"(1825-1855) qui cherche à imposer, sur différentspoints, sa volonté politique à la Turquie.Celle-ci, confortée par l'exaspération desEuropéens vis-à-vis des Russes, leur déclare laguerre en 1853 et ne tarde pas à subir desrevers militaires. La France, 1 'Angleterre et laSardaigne décident alors d'agir militairement :à la suite de la campagne de Crimée et de laprise de Sébastopol, la Russie est forcée delâcher prise et d'épargner provisoirement1 'Empire ottoman.Freinée d'un côté, l'expansion russereprend dans une autre direction. Cette fois,elle prend pour cible 1 'Asie Centrale et1 'Extrême-Orient. À la faveur de la guerre quela France et 1 'Angleterre déclarent en 1857 à laChine, la Russie s'empare de larges territoiresLE CHRISTIANISME ET LA FORMATION D'UNE IDÉOLOGIE POLITIQUEDANS LA RUSSIE MÉDIÉVALEIl est aujourd'hui admis que la " conversionde la Russie "• c'est-à-dire le baptême du princede Kiev Vladimir, suivi de celui d'une partie desKieviens, fut un acte politique. Cette affirmationne tient pas seulement aux circonstancesconcrètes de ces événements, l'alliance militaireentre Vladimir et l'empereur Basile Il, affronté àune grave sédition, mais à l'évolution desstructures sociales et politiques de l'Étatslavo-varègue. Cette évolution n'était paspropre à la Russie, on la retrouve, avec le mêmeaboutissement- la conversion du prince et desclasses dirigeantes au christianisme- chez laplupart des peuples que les missionnaires desépoques précédentes, ceux de l'empirecarolingien notamment, n'avaient pas atteints :Bulgares du Danube, Polonais, Hongrois,différents pays scandinaves. C'est pourquoi, leproblème du " millénaire de la conversion de laRussie , ne devrait pas être étudié en lui-même,mais dans le contexte général de l'histoire de laconversion des peuples du nord et de l'est del'Europe du IX' au Xl' siècle .Dans la plupart de ces cas, il s'agissait pourles classes dirigeantes d'élaborer une idéologiesusceptible de cimenter autour du pouvoir" royal , nouvellement créé les plus largescouches de la population. En Russie, unepremière tentative fut faite par Vladimir dèsqu'il se fût emparé de Kiev, en 980 si l'on encroit la Chronique des temps passés : c'estlacréation d'un culte païen public autour d'unpanthéon, ou peut-être du seul dieu Peroun sil'on se réfère à la description d'une initiativesimilaire à Novgorod, sous l'impulsion del'oncle de Vladimir, Dobrynia. Mais les Étatschrétiens fournissaient aux pays barbares, unmodèle idéologique beaucoup plus élaboré.Dans le cas de la Russie, ce modèle fut apportépar l'empire byzantin où le christianisme detype constantinien avait trouvé sa terred'élection.Il est, en effet, superflu d'insister sur le fait quele christianisme russe à ses débuts se trouvasous la dépendance étroite de Constantinople.( ... ]La conversion de la Russie, un actepolitique du prince, a contribué à sacraliser,sous une forme très différente du modèlebyzantin, le pouvoir princier polycéphale. Elle asurtout, grâce à l'introduction de la cultureécrite slave, abouti à une prise de conscience" nationale , où l'appartenance ethnique etreligieuse se sont trouvées confondues. Grâceà des structures centralisées et à uneindéniable souplesse dans la pratique, l'Églisea su donner, pour plusieurs siècles, aux Slavesorientaux une certaine unité spirituelle etculturelle, que seule la fondation, à la fin duMoyen Âge, de deux États de types différents,la Moscovie et la Lituanie, a détruite.VLADIMIR VODOFFDirecteur d'études à l'École Pratiquedes Hautes Études.Contribution au Colloque international organisé enjanvier 1988 par l'Université de Paris X-Nanterre enl'honneur du millénaire du baptême de la Russie.Ymca-Press, Paris, 1989.