1 - Relier

Art 04 /Les conflitsd’usages autourdes équipementsd’accueil des gensdu voyage :l’exemple desgrands passagesdans l’HéraultGaëlla LoiseauL’Hérault est une terre de passage pour lesgens du voyage qui, comme d’autres populationsaux activités itinérantes, saisissentchaque année l’opportunité économique offertepar l’affluence des touristes sur le littoralméditerranéen. Par ailleurs, la renommée desinfrastructures hospitalières et médicales del’agglomération montpelliéraine en fait unezone très convoitée par ces voyageurs qui nerechignent pas à parcourir des centaines dekilomètres pour faire hospitaliser l’un desleurs 1 . Ces familles trouvent à leur arrivéedans l’Hérault une dizaine d’équipementsdestinés à les accueillir (6 aires d’accueil et 4aires de grands passages). Ce qui représentemoins d’un tiers de l’ensemble des besoinsexprimés dans le nouveau schéma départementald’accueil des gens du voyage 2 . Celuici,adopté en décembre 2011, fait apparaîtreun gain de plus de 500 places de caravanes ennombre de places requises sur l’ensemble dudépartement, par rapport à l’ancien schémade 2003. Cette hausse impute au nombreprescrit d’aires de grands passages (passé de9 à 12), alors que le contingent requis d’airesd’accueil a quant à lui diminué (passé de 32à 23). La baisse de l’écart entre le nombred’aires d’accueil et le nombre d’aires de grandspassages prescrits dans ce nouveau schémadépartemental traduit une tension qui existebel et bien dans le monde du voyage et quise joue entre deux types de nomadisme, deuxtypes d’utilisation des équipements publics ;les deux n’étant ni antinomiques ni incompatiblesmais procédant de stratégies bien différentesdans la façon de s’afficher et de traiteravec les pouvoirs publics 3 .1- Cf. Lamia Missaoui, Gitans et santé de Barcelone à Turin.Llibres del trabucaire, Canet, 1999.144Particularités des grands passagesÀmon arrivée sur le poste de médiatrice départementaledes gens du voyage en mai 2004(suite à un besoin recensé par la DDASS 4 ), j’aiimmédiatement été accaparée par la «problématique»des grands passages. Elus et représentantsde l’Etat avaient besoin d’un acteur de terrain quipuisse les aider à anticiper, comprendre et entreren relation avec les représentants de ces groupesvoyageant en grand nombre (50 à 200 caravanesen moyenne) et de façon périodique (séjourscourts s’échelonnant entre mai et septembre).Il s’agit d’une forme d’itinérance relativementrécente initiée par le mouvement évangéliquetsigane et calquée sur son organisation (des responsablesidentifiés, des «tournées» de plusieursétapes réparties sur toute la France, des séjourscourts et anticipés par voie de courriers, une visibilitéassumée : les chapiteaux). Aujourd’hui, lesgrands passages couvrent – durant la saison estivale– une proportion non négligeable des besoinsde séjours des gens du voyage, orchestrés par leurvie économique (commerçants ambulants et artisansessentiellement) et familiale (problèmesde santé notamment). D’une certaine manière,les grands passages constituent une forme d’auto-gestiondu nomadisme tsigane ; qui pour lesgens du voyage s’opère par adhésion à un groupede responsables associatifs issus de leur communauté(AGP 5 , LVDV 6 , FLV 7 ...).Les gens du voyage qui suivent un (ou plusieurs)groupe(s) de grands passages sont délestésdes tensions quotidiennes liées au fait des’installer sans autorisation sur un territoire.En effet, celles-ci sont complètement prises encharge par le groupe de responsables (le plussouvent des pasteurs). Ceux-ci organisent leurvigilance sur le groupe en traitant les questionsde logistique ou de comportements de façonquotidienne (problèmes abordés lors des réunionsde prières qui se déroulent le soir sousles chapiteaux des groupes évangéliques) etconcrète (les groupes non religieux qui n’ontpas ces temps de rassemblement quotidienscommuniquent en installant des panneaux interdisantpar exemple de rouler trop vite ou desouiller les abords du terrain).2- Ce chiffre représentait un quart des équipements requisdans l’ancien schéma départemental de 2003.3- Cf. Gaëlla Loiseau, « Les grands passages, une forme d’itinérancealternative à la spatialisation des gens du voyage »,Le sociographe, 2009/1, n°28, pp. 13-26.4- Direction départementale des affaires sanitaires et socialesaujourd’hui suppléée par la DDCS (direction départementalede la cohésion sociale), représentant le volet socialdes services de l’Etat.5- Association Action Grands Passages6- Association La Vie Du Voyage7- Association France Liberté Voyage