Revenus et occupationsMadame Legrand déclare bénéficier d’unesituation relativement aisée que ne partagepas la majorité de ses voisins (hommes seuls,ouvriers/employés, qui souvent cumulent, selonelle, des difficultés d’ordres divers : isolement,chômage, alcoolisme, drogues) et dont parmieux, une bonne proportion vit dans de simplescaravanes disposées «en rang d’oignon» qu’elleplaint pour le manque d’intimité.S.B2/ Histoire d’une résidenteC’est à une dame que nous rendons visitedans son mobile-home afin de nous entretenirsur son parcours de vie et d’habitation, et quel’on appellera Madame Legrand. Âgée d’une cinquantained’années, elle nous reçoit chaleureusement.Son verbe facile et tous azimuts annonceun entretien pour le moins vivant. Les quelquesremarques de Clément sur tel ou tel point législatifaiguisent ma connaissance un peu lacunaire dusujet, en complément des réponses à mes questionsplus généralistes «à la» RELIER.Ce qui l’a amenée à vivre en campingpour une durée indéterminéeAyant vécu en appartement la majorité de savie, Madame Legrand a choisi voilà quelquesannées de s’installer en camping municipal pourplusieurs raisons : licenciée de l’entreprise où elletravaillait depuis 8 ans, et voyant son fils abandonnantl’armée et hospitalisé pour des raisonsde santé, elle décide que le paiement d’un loyerchaque mois pourrait compromettre son bienêtre.Après avoir «tout mis dans un garde-meuble»elle commence à planter la tente pour une saisonestivale au camping. Puis l’achat d’une caravaneentame un processus d’installation plus long, suivi,l’hiver d’après, d’un mobile-home d’occasion. Ellereconstruit alors progressivement son chez-soi enbricolant de manière permanente pour transformerce qui fut au départ un simple «toit sur la tête»en véritable habitation au confort personnalisé. Aumobile-home travaillé de l’intérieur pour y ajusterdes toilettes et une douche et y apporter un aspect«chalet», s’ajoute un auvent aménagé, une structureen bois abritant une caravane servant de rangement,et une terrasse aménagée. Mais l’étenduede ses installations rencontre aujourd’hui des limitesvis-à-vis du règlement intérieur...L’allocation proche d’un Smic qu’elle se voitverser jusqu’à la retraite lui permet une relativesécurité financière. Elle vise par ailleurs à complémenterces revenus par une activité de conseil à laréinsertion de chômeurs.L’habitat léger, un choix ?Si donc des événements extérieurs à sa volonté(ou incidents de parcours) l’y ont bien précipitée,l’adoption d’un style de vie demandant unpeu d’ingéniosité pour construire son quotidienlui sied finalement bien, ou du moins le défendelledans son discours. Mais le peu de mentionqu’elle fait de son fils pointe la charge qu’ellese doit bon an mal an d’assumer en regard desconditions insatisfaisantes dans lesquelles celuicisemble avoir évolué durant sa convalescence àl’hôpital. On peut donc dire que cette installationen camping se trouve bien à mi-chemin entre lechoix et le non-choix, malgré sa tendance à en appuyerdans son discours les avantages (indépendance,auto-construction, auto-entreprise).Appartenance collective,relations aux autresLa question d’une appartenance ou d’actionscollectives ne semble pas figurer parmi sespréoccupations. Madame Legrand se considèrecomme une pionnière, ne souhaitant pas dépendretrop du voisinage dont elle déplore lecôté «cancan», mais tout en montrant un certainsouci vis-àvis de ses voisins les plus en difficulté: «de temps-en-temps il faut aller vers eux, pourpas qu’ils se replient totalement...». Les relationsavec les campeurs de saison semblent être marquéespar une certaine convivialité qui profiteégalement à ces permanents les plus en difficulté(«Quelque part autour d’un petit repas frugal, ilsvont déconnecter de leurs problèmes...»). Elle seforge une identité autour de cette vocation à aiderles autres, en concordance avec ce projet d’activité.43
Rapport à la législationMadame Legrand fait partie de ceux qui ontété sommés de démonter leurs constructions.Dans son cas, c’est le «hangar» construità côté du mobile-home qui, de trop grande taille,empiète sur les dimensions autorisées de la parcelle.Pourtant non-opposée au principe d’unrèglement intérieur, elle met en doute, pour sadéfense, la transparence des méthodes du gérantqui selon elle, évite la discussion avec les habitants,prenant ceux-ci de court de façon sélective.Mis à part ce caractère polémique, elle étendla remarque à l’ensemble des services publicslorsqu’il s’agit de droits dont les bénéficiaires neconnaissent pas les conditions d’accès, ou de restrictionspour lesquelles les usagers ne sont querarement tenus au courant jusqu’à être pris surle fait et devoir en payer les conséquences. Elleplaide donc pour plus de dialogue entre représentantsinstitutionnels et habitants/usagers, etpour l’ouverture d’espaces d’échanges d’informationset de pratiques entre usagers, ainsi, bien sûr,qu’une reconnaissance du statut des habitationslégères au même titre que les maisons en dur.Un entretien « exploratoire »Adéfaut de pouvoir en tirer de quelconquestraits généralisables à une catégorie bien identifiéeque seraient les habitants de campings à l’année(malgré la présence tout du moins avérée deménages très modestes dont ne fait pas partie MadameLegrand) exposons, pour qu’ils soient soumisà comparaisons, les traits principaux de cetteexpérience de l’habitat léger : rupture par rapportà un parcours de vie conventionnel (appartement,travail, enfant…) sur les rives d’un troisième âge,bricolage progressif d’un quotidien porté par unidéal de réappropriation de sa vie et ce, malgréles nouvelles restrictions auxquelles faire face (ici,conformation à un règlement intérieur, promiscuité,dépendance d’un proche).Nous avons donc résumé très brièvement cequi s’est avéré être un récit de vie. Le ton affirmatifqu’elle emploie est aussi une position de défensequi renvoie à un contexte plus large.3 / La gestion d’un établissementdans le contexte de la loi LéonardAcôté de ce témoignage, on a pu suivre la discussionentre Clément et le gérant à proposde cette situation rendue tendue par les injonctionsau démantèlement de certaines structures.L’occasion s’est donc présentée de réfléchirsur la situation spécifique de ce camping à l’égardd’une loi qui fait parler d’elle.La gérance de l’établissement fait l’objet d’unedélégation de service public confiée à une entrepriseprivée, également gestionnaire d’une bonnepartie des parkings de l’agglomération de cettegrande ville. La situation du camping est particulièredu fait de la proportion importante depersonnes y vivant à l’année. La presse s’y invitad’ailleurs plusieurs fois au moment d’un éphémèreengouement médiatique provoqué auxlendemains du vote de la loi Léonard (MadameLegrand y fut interrogée). Cette loi, promulguéeafin d’agir activement contre le développementde formes de logement insalubres et considérésinadaptés à un habitat «digne», parmi unensemble de mesures, entendait imposer unelimite temporelle de trois mois à toute installationen camping. Mais sa stricte application,si elle rencontre des oppositions plus ou moinsorganisées de la part de ceux qui en sont la cible,semble aussi poser problème pour les gestionnairesde campings. Si dans certains cas cette loise voit mise en application avec zèle (conversionde terrains à des fins exclusives de loisirs entraînantl’expulsion de l’intégralité de ses occupantspermanents), la direction du camping que nousvisitons s’engage à n’expulser personne, mais faiten contrepartie pression sur certains de ses occupantspour que soient démantelées les installationsles moins conformes à un souci générald’esthétique, de sécurité ou de salubrité. Ainsi,face aux conséquences d’une loi qu’elle juge tropradicale, elle consent à en minimiser les retombéespour cette part après tout non négligeable desa clientèle, sommant ceux dont les installationssont les plus éloignées de normes qu’elle jugetolérables, de les démanteler (dont le hangar deMadame Legrand).Nous sommes donc là face à des pratiquesde l’habitat léger qui, si elles sont impactéesd’en haut par les modifications d’un régimejuridique national (pressions pour le démantèlementde structures, voire l’expulsion pureet simple), n’en sont pas moins négociées dansle cadre réglementaire du camping. On nepeut néanmoins saisir l’ensemble des facteursqui déterminent cette relative tolérance dont44
- Page 4 and 5: Avant - proposGénéalogied’un re
- Page 6 and 7: De l’Habitat à l’Habitat Lége
- Page 8 and 9: Suivent les résumés et analyses d
- Page 10 and 11: Hors-champ 01 Pierre GilletLa Natur
- Page 12 and 13: Les résistances àl’idée d’ha
- Page 14 and 15: Art 01 /L’habitat mobile,éphém
- Page 16 and 17: Mais les conflits d’usage dans le
- Page 18 and 19: La progression de ces formes d’em
- Page 20 and 21: S.BL’étude de ces questions impo
- Page 22 and 23: C’est bien la force motrice du su
- Page 24 and 25: Ce travail d’auto-médiatisation
- Page 26 and 27: Esthétiquement, les aires d’accu
- Page 28 and 29: A partir de là, comment arriver à
- Page 30 and 31: 4 / La nécessité d’avoiraccès
- Page 32 and 33: À côté des personnes souffrant d
- Page 34 and 35: 3,6 millions de personnes sont mal
- Page 36 and 37: Art 01 /Les NewTraveller’s :Mobil
- Page 38 and 39: Si, dans un premier temps, le dépa
- Page 40 and 41: Aire d’accueil mise à dispositio
- Page 42 and 43: 2/ Analyse globaleDe ces problémat
- Page 46 and 47: Camping municipal de Toulouse. Jere
- Page 48 and 49: Quid de l’habitat léger ?Une dé
- Page 50 and 51: Art 05 /Une figure dutravail mobile
- Page 52 and 53: Teneur des propos recueillisOn a af
- Page 54 and 55: 2 / Un coût relativement modérée
- Page 56 and 57: Art 07 /L’HabitatLéger et Mobile
- Page 58 and 59: 3 / Sociologie et intégrationL’i
- Page 60 and 61: On s’en doute, la municipalité (
- Page 62 and 63: Mais comment assurent-ils leur quot
- Page 64 and 65: t’es pris à la gorge. […] On t
- Page 66 and 67: Commençons par rappeler que la Ter
- Page 68 and 69: Quant aux humains, et c’est ce qu
- Page 70 and 71: Malheureusement, les problématique
- Page 72 and 73: 3 / 1Habitat léger / mobile et soc
- Page 74 and 75: Parallèlement, dans les années 90
- Page 76 and 77: Annexes>> Quelques repères en mati
- Page 78 and 79: - Mars 2011 : le maire fait supprim
- Page 80 and 81: Cela dit, il ne faudrait pas pour a
- Page 82 and 83: Famille de Martha /Camp de la poudr
- Page 84 and 85: «Je n’ai pas l’eau courante. [
- Page 86 and 87: Instruction et relations socialesL
- Page 88 and 89: 39- Ce qui était le postulat d’A
- Page 91 and 92: 3 / 2Habitat léger / mobile et env
- Page 93 and 94: 92Gio
- Page 95 and 96:
Donc, la pensée unique actuelle es
- Page 97 and 98:
96Des exemples d’actions d’acco
- Page 99 and 100:
Hors-champ02LE DROITpublicPierre Gi
- Page 101 and 102:
Qu’est-ce que le droit public ?No
- Page 103 and 104:
Un droit en évolutionLa diffusion
- Page 105 and 106:
à ne pas tomber dans le «je fais
- Page 107 and 108:
4 / 1Le diagnostic : statuts des ha
- Page 109 and 110:
• Point de blocage : nommer et qu
- Page 111 and 112:
110
- Page 113 and 114:
1123. Les résidences d’accueil,d
- Page 115 and 116:
114Statut des habitants et naturede
- Page 117 and 118:
Conclusion :Droit à l’expérimen
- Page 119 and 120:
Art 02 /118Le droitau Logement pour
- Page 121 and 122:
Le droit positif 5 considère égal
- Page 123 and 124:
122Le carnet anthropométrique d’
- Page 125 and 126:
II. Le « Gens du Voyage » 12Le te
- Page 127 and 128:
IV. L’Habitat ChoisiPlusieurs ass
- Page 129 and 130:
II. L’ «habitant permanentde ter
- Page 131 and 132:
- Un terrain familial fait partie d
- Page 133 and 134:
4 / 2Les interactions entre les hab
- Page 135 and 136:
ContexteLes données INSEE indiquen
- Page 137 and 138:
Il arrive même parfois d’entendr
- Page 139 and 140:
138Des leviers ?Il faut souligner q
- Page 141 and 142:
140De l’exclusionToutes les forme
- Page 143 and 144:
M. Untel est adjoint au maire d’u
- Page 145 and 146:
Art 04 /Les conflitsd’usages auto
- Page 147 and 148:
Aire d’accueil de grands passages
- Page 149 and 150:
Les aires de grands passagesau pris
- Page 151 and 152:
150Aire d’accueil de grands passa
- Page 153 and 154:
Une premièreconclusion ?Nous avons
- Page 155 and 156:
Ils / ellesont contribuéà ce recu
- Page 157 and 158:
156Gens du Voyage et monde tsigane
- Page 159 and 160:
RemerciementsCet ouvrage est le fru
- Page 161:
p 64 empreintes, S. Braultp 66-67 l