Quant aux humains, et c’est ce qui fait d’euxdes Hommes, ils ne sont ni complètement «un»avec la nature, ni totalement «autres». 9 Bien évidemmentl’Homme est un animal parmi d’autres,mais il sait qu’il existe (comme d’autres animauxd’ailleurs), et jouit d’une capacité d’abstractionincomparable. Il peut ainsi anticiper l’avenir et enparticulier le fait qu’il va mourir. Ainsi l’Hommeest un animal spécifiquement historique et culturel,un être en devenir qui se modifie et modèle lemonde (dans une interaction constante) et surtoutlui donne du sens. «Ce n’est pas un jeu de mot qued’affirmer que la nature humaine consiste à établiractivement une distinction, ou une séparation, entrenous-mêmes et le reste de l’Univers» 10 , mais aussiavec sa propre société, sa culture, son éducation,sa perception etc. Cette «séparation», cette miseà distance, n’est pas nécessairement néfaste d’unpoint de vue écologique. En revanche, «ce qui peuts’avérer désastreux, c’est la tendance à la nier à traversune idéologie de l’harmonie idéale avec la nature quise révèle tout à fait inauthentique». 11L’Homme transforme nécessairement son milieu,son environnement, d’autant plus qu’il n’est pas assignéà une niche écologique spécifique, et ça comporteévidemment des risques, y compris celui de secasser la gueule. C’est toute l’aventure humaine !Il ne s’agit évidemment pas de nier les problèmesenvironnementaux, l’utilisation inconsidérée deproduits de synthèse 12 , les réductions de la biodiversité,les destructions de terres fertiles, les OGM,le nucléaire etc. Il s’agit de rappeler avec force qu’ilest impératif de refuser de sacraliser la Nature, de nepas faire d’anthropomorphisme, ne pas se bercerd’illusions et de croyances plus ou moins mystiques.«Le respect de la nature n’est pas affaire de culte ou devénération mais d’intelligence et de sensibilité, et […]tout de la nature doit d’abord être compris, car rien n’yest inutile, virus, termites, inondations et séismes inclus.[…] Cela ne signifie pas qu’on doive subir sans broncher[…]. Mais la défense, pour être légitime, doit êtreproportionnée à l’attaque […]». 13Il s’agit donc d’évaluer les conséquences denos actions et de nous sentir à la fois responsableset partenaires avec nos semblables, lemonde, l’environnement, de jouer avec lui, nonde s’y soumettre. Penser notre impact 14 commeveiller à ne pas altérer ou bouleverser l’ordrenaturel, ne pas faire bobo à la Nature, c’est gentil,ça offre l’étiquette de grand sage, mais c’estdu vent. 15 Pire, en naturalisant les problèmes,on escamote ainsi les questions politiques, lesquestions de logiques économiques et sociales,les enjeux stratégiques, on omet les causesstructurelles et systémiques etc. Et puis qu’estceque «naturel», «nuisible» ou «polluant» ?Pourquoi ? Pour qui ? Comment ? Dans quellemesure ? Pour quelles conséquences ? Jusqu’oùpouvons-nous prendre tel ou tel risque ? Quedoit-on conserver ? Qui en décide ? etc.9- On remarquera que l’Homme ne marche pas « naturellement» et ne parle pas non plus s’il n’a pas été en contactavec d’autres humains. Les relations nature/culture sont deplus en plus interactions, et les frontières sont de moins enmoins tranchées.10- Joel Kovel, Nature humaine, liberté et esprit.11- John Clark dans son article «Vers une théorie naturalistedialectique de la valeur » de l’ouvrage collectif Tout est relatif.Peut-être ? (Ed. ACL, 1997 et « Des livres et les idées ! » 10bis).12- «De compromis en compromis, sur les 100 000 molécules[à tester] prévues au début [du projet européen REACH de régulationdes substances chimiques toxiques], seules 30 000restent concernées par le texte voté vendredi [18.11.2005],desquelles sont retranchées celles qui ne servent qu’à en fabriquerd’autres, soit, finalement, 12 000 substances environ,pour lesquelles des tests approfondis seront effectués, et lesconditions de mise sur le marché effectivement renforcées.C’est mieux que le précédent système mis en place en 1994qui n’avait permis l’évaluation que de 80 substances sur les140 placées prioritaires par la Commission européenne parmilesquelles de nombreux composants de produis d’utilisationcourante : peintures, colles etc. ``On passe de rien à quelquechose’’ estime la coalition des défenseurs de l’environnement»,nous informait Jean-Philippe Desbordes dans le CharlieHebdo du 23.11.2005.13- Armand Farrachi, Les Ennemis de la Terre (Ed. Exils, 1999).14- L’énergie étant définie par « un changement d’état d’unsystème », on doit admettre que notre transformation del’environnement est directement liée à notre rapport entreconsommation d’énergie et nombre d’individus. Je vous renvoieà la conférence de Jean-Marc Jancovosci du 1er avril 2008devant les élèves de l’ESPCI Paris Tech intitulée « L’ingénieurface à la contrainte carbone : quels défis pour le XXIe siècle ».15- « De nombreuses discussions ont eu lieu sur les questionséthiques liées au fait de faire un trou dans le sol pour atteindrela nappe phréatique, en raison du respect voué à la terre vivante» témoignent Isabelle Fremeaux et John Jordan dans Lessentiers de l’Utopie (Ed. La Découverte, 2011), sur un site debenders (grandes huttes en branches recouvertes de bâche).Ces habitants se référent aux « tribus primitives », évidemment,pour qui, d’après eux, creuser un puits serait un acte«sacrilège », un « saignement de la Terre mère » (on en parleraaux mômes du Sahel). On notera que ce site est « hors réseau,sans égout ni connexion au gaz ou à l’électricité, [mais qu’]Internet haut débit et la Wifi (bien évidemment alimentés pardes éoliennes) ont été installés avant l’eau courante »…67
Ce sont là des questions suffisamment importantespour nous attacher à les éclairer ennous appuyant sur la réalité observée et nonsur des fantasmes et des clichés de contes defées. Nous devons veiller à la conservation dela diversité des espèces, à la fertilité des sols, àla qualité de l’eau et de l’air, bref penser et limiternotre impact non par «respect» d’une entitéfictionnelle dénommée Nature, mais parce quel’on considère la Terre comme un bien unique etque nous devons penser le partage de cet habitatglobal avec l’ensemble du vivant pour qu’il noussoit le plus agréable possible, le plus longtempspossible. Il n’est pas question d’idéologie de laNature, 16 c’est simplement une question de bonsens. Nous n’avons pas d’autre choix que de participerà un avenir commun et un codéveloppementavec le reste du vivant, sur notre uniquevaisseau, la Terre. Et si nous sommes sensibles àl’esthétique, à la beauté et à la poésie du monde,nous y sommes attachés comme nous tenons àla peinture, au cinéma, à la musique… L’universne versera pas une larme quand les dernierstigres ou les derniers grands singes périront,exactement comme le jour où la Joconde, le Taj’Mahal ou les chansons de Brassens disparaitront.Est-ce une raison pour ne pas les conserver? A l’évidence non.Les lois de la nature sont des illusions, il n’ya en réalité que des exceptions. Le rapport desêtres vivants entre eux et avec leur milieu, s’établitnon comme un équilibre parfait mais plutôtcomme une sorte de débat permanent où lalutte, l’entraide, la négociation, le hasard et lesnécessités s’entremêlent. Le monde biologiquene consiste ni en une paix éternelle ni en unelutte continue. 19 Ainsi, la nature nous offre unetelle variété d’attitudes et de solutions différentespour un même problème qu’il est possible d’enpuiser des exemples pour illustrer à peu prèsn’importe quelle théorie, si étrange soit-elle. Lesseules réelles «lois de la nature» sont les lois dela physique, point. «Gardons-nous de dire qu’ilexiste des lois dans la nature. Elle ne connaît quedes nécessités», rappelait déjà Friedrich Nietzschedans son Gai savoir. En effet, c’est une grave erreurde rechercher «dans «les lois de la nature»la justification de rapports, entre individus ou entregroupes […]. N’y cherchons pas non plus des leçonsde morale ou de comportement. [...] Non, ce n’estpas en copiant ce qu’elle fait que nous devons définirnotre conduite ; car elle ignore l’avenir, et ne peutdonc avoir de projet, alors que nous sommes obsédéspar demain. Même si elle nous incitait à la lutte, àla compétition, nous n’avons pas à l’écouter ; c’est ànous de choisir notre façon de vivre ensemble». 20Cela dit «heureusement qu’on a fait des dégâtsdans la nature», ironise Martin, un ethnologuequi travaille sur la vie rurale depuis plus de trenteans. 17 «Je suis un peu contre la nature, poursuit-il,[…] c’est un truc d’écolo la nature. […] Ce qui estimportant, ce n’est pas la nature, ce sont les gens quisont dedans. Un paysage, c’est d’abord la vie humaine.Il faut qu’il soit habité, sinon c’est une naturemorte […]». L’important est de comprendrequ’agir, modeler et transformer son habitat, sonmilieu, même si c’est parfois une erreur, une catastropheirréparable, n’est jamais un blasphème,la nature n’a rien de sacré en soi, les seules valeursexistantes étant celles que l’Homme se crée. 1816- Et soyons conscients qu’en France par exemple (saufrares exceptions), tous les cours d’eau ont été modifiés,toutes les forêts ont été plantées, l’immense majorité desanimaux sont le fruit de sélections et hybridations, et nousmangeons quotidiennement des fruits et légumes qui n’existaientpas dans nos contrées avant de les avoir importés desAmériques et autres colonies.6817- Cité dans Nous avons fait un beau voyage, journal d’une résidenceartistique dans le Massif Central de Jeanne Delafosseet Camille Plagnet (Ed. Jeanne Delafosse et Camille Plagnet,2011).18- Et gardons à l’esprit qu’«on participe à un territoire, on nelui appartient pas. On ne saurait lui appartenir puisque l’idéed’une possession des gens par un sol relève d’une vision archaïque,substantialiste et enfermante, incompatible avecles valeurs démocratiques», rappelle Majo Hansotte dans Lesintelligences citoyennes (Ed. De Boeck, 2011).19- A cela, l’anthropologue Edward T. Hall précise dans Ladimension cachée que « l’une des fonctions les plus importantesde la territorialité consiste à maintenir l’espacementspécifique qui empêche l’exploitation excessive du territoiredont dépend une espèce ». L’incroyable diversité du mondevivant peut ainsi être interprétée comme « une trouvaille »qui évite que les espèces ne se marchent trop sur les pieds;la sélection naturelle (en tant qu’ensemble de mécanismeset non la Nature) forcerait les caractères à se séparer afind’éviter les gaspillages énergétiques.
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