S.BL’étude de ces questions impose de partirdes pratiques. Pour le moment, il est difficile deproduire des chiffres. Il nous faut donc sortir desstatistiques : l’habitat «non ordinaire» et mobilene peut être que sous-évalué, beaucoup (presquetous ?) de personnes déclareront une adresse(celle de leurs parents, d’amis, une boîte à lettres)pour éviter les tracasseries administratives, quisuivent le statut de SDF. L’augmentation desdemandes de domiciliation administratives seraientdonc un indicateur en dessous de la réalité.L’habitat mobile est une réalité diffuse, en grandepartie invisible. Par exemple, cet entretien avecun chauffeur-livreur. L’homme travaille pour untransporteur auquel un distributeur sous-traitedes livraisons de meubles, il livre pour plusieursfabricants. Il part de Bretagne, pour une tournéed’une semaine, dans tout le quart Nord de laFrance. Dans chaque ville de la tournée, il est aidépar un manutentionnaire fourni par Manpower,souvent le même. Le soir il dort dans le camion,le plus souvent dans la zone sécurisée autour del’entrepôt, très rarement dans les centres routiers.En fait, il dort dans le camion pour garder le chargement.Il préfère se garer dans des enclaves privées,pour la sécurité. Il n’apparaîtra pas dans lesstatistiques de l’habitat mobile, ni dans celle dutourisme via les hôtels ou les campings, et pourtantl’habitat mobile est son quotidien.«...en 2007, 48 % des françaispensaient qu’ils pourraient unjour devenir SDF, 60 % deux ansplus tard»Le Territoire et les «passagers».Le territoire est une convention : son découpagepeut donner lieu à des contestations.Sur le plan économique ; la notion de territoireimplique une externalité partagée : soit une régularitéde comportement entre ses membres :une coopération productive, des échanges privilégiésd’information, une confiance baissant les«coûts de transaction» (modèle système productiflocalisé). Elle suppose une représentation : laconscience d’un sort commun, le sentiment d’appartenance,non exclusif. Cette représentation estune carte liste de membres.Dans les conventions dominantes (aussi bienpolitique que dans les différentes théories dudéveloppement local d’ailleurs), on valorise l’ancrageterritorial, comme source de spécificité etde légitimité. Les acteurs mobiles, ou dont l’ancrageest léger, sont repoussés hors des territoirescomme des facteurs «génériques» voire «homogénéisant».La part croissante du travail mobiledans les processus productifs (production modulairesur plusieurs sites par exemple) incite àrevisiter cette vision de la construction des territoires.Comme d’ailleurs la mobilité des habitantsdu périurbain, en majorité des navetteurs, incite àadopter un point de vue métropolitain. Pour produirece qui fonde son attractivité, certains territoires(villes portuaires, sites touristiques, plateformede production de machines spéciales ou deproductions modulaires, zones maraîchères etc.)ont besoin de l’activité de travailleurs itinérants.Cette contribution à ce qui rend un territoirespécifique est peu pris en compte, voire invisible,dans les cadres statistiques et cognitifs ordinaires.Or, elle participe des mutations des villescontemporaines comme des espaces péri-urbainset des campagnes. L’habitat non ordinaire peutet doit être pensé dans ce contexte global. Ce quipose aussi la question des alliés que ces habitantsdoivent trouver pour se faire entendre, acquérirune légitimité et faire valoir leurs droits.Avec toutes les précautions habituelles, onpeut néanmoins rappeler ces sondages (BVA) :en 2007, 48 % des français pensaient qu’ilspourraient un jour devenir SDF, 60 % deux ansplus tard. Posons la question : dans quelle mesure,est-ce seulement une crainte de la grandepauvreté et non pas une trace des changementsdans le mode d’habitat, que les cadres de représentationdominants refoulent en les associantuniquement à l’exclusion ?S.B19
Art 02 /L’habitat mobile :histoire d’unapprivoisementGaëlla LoiseauParmi les multiples contraintes qui s’imposent àl’habitat mobile, la plus efficiente demeure sansdoute celle de sa symbolique avec laquelle ses partisansdoivent composer. Le défaut d’ancrage définitifau sol et plus largement au territoire qu’induit cethabitat en fait un objet suspect aux yeux des autochtones.Or c’est bien la possibilité de déplacer à volontécet habitat et ceux qu’il abrite qui constitue le pointde focale de ses usagers comme de ses détracteurs. Ilen découle une tension (au mieux une conciliation)entre l’idéal de nomadisme et l’intervention publiqueréprimant et orchestrant le déplacement et le«placement» des populations concernées.1 / Les «tares» de la mobilité.La mobilité de l’Homme, entendue commecapacité à entrer en mouvement et à agirindépendamment d’un dictat collectif, estune donnée anthropologique fondamentale.Néanmoins cette dimension a été occultée dans lessciences humaines au profit d’une analyse portéesur les formes de coercitions des mobilités, qu’ellessoient individuelles, collectives, géographiques ousociales. Nous souhaitons dans cet article éclairer leslogiques qui sous-tendent le contrôle de la mobilitéhumaine afin de mieux cerner les représentationsauxquelles renvoie l’habitat mobile.En occident, la Renaissance a élaboré leconcept de «civilisation» à partir du modèle del’intériorisation du contrôle de soi qu’incarne«l’homme de cour» par opposition à «l’hommemédiéval» beaucoup plus pulsionnel. NorbertElias explique cette évolution par la confiscationde la possibilité pour les individus de se fairejustice eux-mêmes corrélée à la monopolisationde l’exercice de la violence par l’organisationétatique 1 . Ce processus s’est accompagné d’unesuccession de transformations culturelles où lamaîtrise du corps, du geste et du verbe jusqu’aurefoulement des pulsions allait dorénavant dicterles relations sociales.Cette discipline des corps fut normalisée aupoint que dans le courant du 17 ème et du 18 èmesiècle, médecins et poètes associèrent le mot«transport» au registre du trouble émotionnel 2 :il était la métaphore d’une énergie intérieureinvisible et incontrôlable obligeant l’individu àse mouvoir et/ou s’émouvoir. Le «transport»symbolisait une concordance impromptue entrel’âme et le corps, entendue comme étant perturbatrice: si les individus pouvaient être victimesde transports de joie» 3 , l’expression plus généralede «transport au cerveau» traduisait l’influenceexercée par la circulation des humeurs ou organesà l’intérieur du corps. Ainsi l’hystérie étaitla maladie causée par le «transport intérieur» del’utérus dérangeant l’esprit. Tout comme l’ordresocial, l’ordre organique condamnait la circulationd’éléments isolés.Ces mécanismes sont encore bien en placedans la pensée du 19 ème et du début du 20 ème sièclelorsqu’il s’agit de qualifier l’errance des nommés«vagabonds» ou «gens sans aveu», décrits par lesmédecins comme des «hommes machines » ou«automates ambulatoires» 4 ne répondant qu’àl’ordre de leurs pulsions. La thèse de médecineintitulée «La dromomanie des dégénérés» 5 systématisal’approche pathologique de l’erranceconçue comme un symptôme de ce qu’on appelaiten psychiatrie l’«aliénisme» qui visait lacompréhension et le traitement moral de la dynamique«mortifère» de l’Homme.S.B204-1- Terme employé par le Dr. Charcot en 1888 lors d’uneNorbert Elias, La civilisation des mœurs, Calmann-Lévy, de ses « leçons du mardi » à l’hôpital de la Salpêtrière1973 (1ère édition allemande : 1939), Paris.pendant lesquelles il se plaisait à présenter et analyser le2- Véronique Nahoum-Grappe, « Le transport : une émotionfonctionnement des vagabonds à ses étudiants.surannée », Terrain, n°22, « Les émotions », 1994, pp 69-78. 5- F. Dubourdieu, « La dromomanie des dégénérés », Thèse de3- Ibid, p 75. Médecine, Bordeaux, 1894.
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