On s’en doute, la municipalité (et les gendarmes)a rapidement pointé sont nez. Non pour savoir ce quise passait sur le camp, s’inquiéter de leurs conditionsde vie et voir ce dont ils avaient besoin, mais plutôtpour leur mettre des bâtons dans les roues, presqueau sens propre. Ce qui s’est traduit dans un premiertemps par l’installation d’un «portail» qui limitaitla hauteur des véhicules. Ironie de l’histoire, un jourd’incendie dans un camion, les pompiers n’ont puintervenir à cause de cette barrière ! Elle a donc légitimementété retirée. Par la suite, ce fut un arrêté municipalqui interdisait l’accès aux poids lourds de plusde 3,5 t, et, du 15 juin au 15 septembre, tout véhiculeà moteur. «Ca, ça veut dire, s’agace Léo, que je ne peuxpas prendre ma bagnole pour aller faire les courses, moncopain qu’était là pour quelques jours il n’a pas le droitde repartir avec son camion…» Quoi qu’il en soit «ilsn’avaient pas le droit avec le GFA, et ils se sont retrouvéscoincés», nous explique Fab’. En effet, le GFA a undroit de passage qui ne saurait lui être retiré arbitrairement.Et avec le temps, le collectif a pris confianceet conscience de ses droits. Ils ont donc attaqué enjustice la municipalité, et la mairie a perdu. Rappel à laloi donc pour ceux qui sont censés l’incarner. Mais lesdeux municipalités concernées n’en restèrent pas là eteurent le toupet et l’outrecuidance de ressortir encorecette année le même arrêté. Le GFA en appelle doncde nouveau à la justice. C’est le monde à l’envers…Si l’occasion fait le larron, ce genre de site est aussiet surtout le fruit d’une paupérisation grandissante etd’un foncier tout aussi inaccessible qu’un logement. 2Et comme si l’exclusion ne suffisait pas, ces personnesqui pour certaines sortent de la rue, de la toxicomanieet/ou de l’extrême solitude, sont acculées à laclandestinité par des lois sécuritaires stigmatisantes :«Parce que l’histoire de La Mine […] est née avec laloi Mariani 3 , précise Sylvie. C’est comme la loi antimendicité… […] Quand Mariani il a fait cette loi,il nous a dit que les gens, au lieu de les poser là, fautles mettre dans les camps de Gitans». «Et on n’avaitpas le droit de se regrouper, deux zonards avec plusde trois chiens, poursuit Léo. Justement pour plusqu’on se regroupe en fait. C’était vraiment… Enfinc’était des arrêtés municipaux…».Quoi qu’il en soit, ils sont posés et comptentbien rester pour tenter de vivre leurs rêves sommetoute assez banals : un petit terrain à soi, une petitemaison, des potes, pourquoi pas une famille,une activité assurant un revenu suffisant pour sela jouer tranquille, bref rien d’excentrique. «Moi,répond Fab’, c’est tout vu, je vais m’installer [ici, avecles autres membres du GFA]. […] Moi, je me suisplu ici depuis 4 ans, et au bout de quatre ans maintenant,je cherche à acheter un terrain et…» Fab’ estreconnu comme un élément moteur, quelqu’un departiculièrement actif et engagé, «du coup maintenantje suis trop content parce que je vais finir parm’installer aussi ici, fabriquer une cabane, j’achète unepart du GFA. Et je n’serai plus en caravane et tout,je serai dans une petite cabane pierre-bois tu vois, jeserai sédentaire ça y est. Moi je n’ai jamais été contreça, au contraire, mais en pleine forêt, là où je suis bien,où je me sens bien». Léo l’écoute avec un peu d’envie,il sait que c’est encore devant lui : «Moi j’aspireà ça, après des années de sac-à-dos, le camion… Lecamion… ben il ne roule plus… T’en veux un autre ?Faut du pognon. Mais j’espère bien moi aussi avoirmon p’tit bout de cabane quelque part… […] Mais yme faut un p’tit bout de terrain pour ça, et le terrain…là je suis dans la merde ».2- Le problème actuel du logement n’est pas un dysfonctionnement,il est systémique et il s’est empiré vers la findes années 1970 avec le courant libéral. Bref, c’est dulourd et ce n’est pas juste un mauvais moment à passer.C’est d’ailleurs pour cette raison que l’HL ne fait peut-êtrequ’accompagner le mouvement, servir d’amortisseur et« limiter la casse », une bouée de sauvetage en quelque sorte.3- L’ampleur de certaines Raves et Free-party a fait peur.Et il semble que les pouvoirs publics en aient profité pourmettre en place des politiques sécuritaires visant à interdiretout ce qui leur serait assimilable (autres fêtes improvisées,concerts, voyages en convois de camions, installations temporairesetc.). Cette loi marque, pour certains, le début d’unediscrimination du mode d’habiter.59
60Un site pollué à réhabiliter«C’est une ancienne friche minière stérile.D’où les délires de pollution ettout… 4 », explique Léo. Sur cette problématique,une association de riverains a vu lejour, l’association La Mine y participe, mais«c’est eux qui gèrent», précise Sylvie. Si cetteassociation les a quelque peu poussés et encouragésà faire quelque chose, ils étaient, dèsle début, conscients de la gravité de la situation.Cela dit, l’idée des riverains (en réalité un seulriverain particulièrement virulent) était «de virertout le monde […]. Nous l’idée c’est qu’on réhabilitemais avec les gens qui sont dedans» et «àforce de me renseigner, dit Sylvie j’ai déjà des pistespour voir comment on va faire». Ils se sont sentisconcernés par ces problèmes environnementauxet projettent à présent, outre le fait de multiplierles toilettes sèches et les composts, unephyto-remédiation, autrement dit, non seulementun retraitement des eaux usées, mais aussila captation de particules nocives provenant dusite. Sylvie : «Il y a eu une petite meuf sur la Lozère,Capucine, qui a eu tous ses diplômes, et qui estvenue sur le site pour voir, si on mettait un projet dephyto épuration, où il fallait qu’on le fasse, où ça,comment ? Et tout ça. […] C’était bien, c’était vachementintéressant. Là on est en train de repartirdans un projet de phyto-remédiation. C’est la remiseen état, enfin la remise en état on n’y arriverajamais mais, empêcher la dispersion de la pollutionavec des plantes. […] Dans les lois c’est passé pourles installations collectives […]. Après peut-êtreque ça dépend des départements. […] Ca éviteraitque ceux qui vivent dessus… les poussières… les riverains,et puis les autres aussi avec les rivières…»4- Les habitants de La Mine font des analyses de sang pourdéceler d’éventuelles intoxications.5- Et réfléchissons à la remarque de Wolgang Streeck dans son article« La crise de 2008 a commencé il y a quarante ans » paru dansLe Monde Diplomatique de janvier 2012 : « Le gouvernement n’emprunteplus pour financer l’égalité d’accès à des logements décentsou à la formation des travailleurs : c’est désormais les individus euxmêmesqui sont invités (le plus souvent sans vraiment avoir le choix)à contracter des emprunts à leurs risques et périls pour payer leursétudes ou pour s’installer dans des quartiers moins pauvres ».6- Lors des Rencontres sur l’HL à St Affrique en mars 2011 organiséespar les associations RELIER et IDEES, Fab’ témoignait qu’ «auparavant,nous étions sûr d’une chose : ``pour vivre heureux, vivonscachés’’. Maintenant nous nous sentons plus forts, nous osonsnous montrer, parler de nous. Bien qu’il soit encore difficile de trouvernotre lieu, mais c’est volontaire. Si nous étions faciles à trouver, sinous mettions des panneaux indicateurs à tous les croisements, etc.nous serions débordés. Il y a de nombreuses personnes qui ont besoind’un lieu comme le nôtre, mais nous voulons pouvoir le gérer ».On voit ici que Fab’ redoute, comme de nombreux élus, l’effet « appeld’air » et convient qu’une organisation et une gestion de l’espace estindispensable. Ainsi, ils ont mis en place un système de cooptation :« Nous voulons garder un fonctionnement qui nous est propre. Onvient ici avec une ``recommandation’’. La personne qui invite est responsabledu nouvel arrivant. C’est elle qui le prend en charge. Ainsi lesrègles de vie communes sont acceptées et respectées. »Un quotidien,des dynamiques d’autoproductionEn attendant que les travaux se fassent, ces gensvivent là, et souvent mieux qu’avant. Beaucoupvivaient en camion, sur la route, dans la rue avec unetente et un sac à dos, dans des squats etc. Ici, on doitadmettre qu’ils jouissent d’une certaine sécurité,d’un certain confort, ils se sentent en famille, solidaires,ils ont un but qui leur permet de se projeterdans l’avenir, leur travail est revalorisé. Ils pallientainsi les insuffisances et la mauvaise volonté despouvoirs publics. 5 «C’est aussi un moyen de se caler,de se reposer aussi, explique Fab’. Dans la vie tu courstoujours, là y a un endroit comme ça, pour te caler, pourte poser, tu vois, voir dans ta vie ce qui se passe, tu reprendstes esprits, tu te reprends en main… Ca, ça t’aidegrave. Là tu peux te le permettre. Ca prend six mois, çaprend un an, dix ans… Et ce n’est pas possible en ville.On a une grande chance de vivre comme ça. […] C’estune chance que tout le monde n’a pas». Cette installationplus ou moins progressive est donc source destabilité, de reprise en main, de réinsertion dirontles travailleurs sociaux. Pour preuve, l’associationLa Mine a même reçu l’agrément pour recevoir lespersonnes devant effectuer des TIG (Travaux d’IntérêtsGénéraux), une alternative à la prison.La Mine n’est donc pas qu’un site de transit, certainss’inscrivent dans la durée, même avec un habitatléger. «Moi, témoigne Sylvie, mon habitat légeril va durer. […] Il m’a permis de sortir de leur système.Là l’argent que je gagne il est pour moi, il n’est pas pourpayer des loyers, des impôts… tu vois ? Ca m’a permisd’avoir cette autonomie. […] Je ne suis pas obligée d’allertravailler pour payer un loyer. On a une souplessequand même». Cela dit, ce genre d’accueil, commetout d’ailleurs, a ses limites. Comme les pouvoirspublic, le GFA est soucieux de garder un droit de regardet planifier les installations, mettre des bornespour les nouveaux arrivants. Sylvie le dit franchement: «Avec le GFA le nombre est déjà bloqué. […]Sinon on va devenir HLM tu vois de… de… de…».On comprend son embarras à les nommer. Il n’y apas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour comprendreque le laisser-faire n’est pas tenable commel’exprime Léo avec lucidité : «Et ouais tu vois, ils vontse retrouver avec 150 cabanes […] sur ce p’tit bout deterrain». Pour l’instant le nombre est limité en cequi concerne l’installation permanente sur le GFA,les autres, sur le terrain d’accueil de La Mine, restentles bienvenus dans les limites de l’espace disponibleet sous réserve d’une cooptation. 6 Ils sont présentementune douzaine à vivre sur le site (dont un noyaudur de 5 ou 6 personnes).
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