Mais les conflits d’usage dans les campagnes noteMarc Guérin 8 impliquent de plus en plus souventl’habitat, de manière générale. Le redéveloppementde la fonction résidentielle des espaces ruraux aengendré de nouveaux conflits et une nouvelle prisede conscience. D’autre part , nombre de mouvementsde contestation d’implantation d’équipements, vitequalifiés de «Nimby» (Not in my backyards), c’està-direstigmatisés comme égoïstes, remettent encause l’ intérêt général considéré du seul point devue de l’ Etat ou des pouvoirs publics. Ils participentd’un débat démocratique plus large, mettant en jeula pluralité des modes d’évaluation et de justificationdes politiques d’aménagement dans un mondeincertain. Si l’on adopte ce point de vue plus large, lesconflits autour de l’habitat léger et de la cabanisationdes espaces ruraux ne sont pas isolés et ils s’intègrentdans un contexte de rediversification des habitants etdes modes d’habiter dans ces territoires.Les conflits de voisinage liés au développementdes formes de travail atypiques, notamment àdomicile ou impliquant des déplacements, locauxet même internationaux, journaliers ou quasihebdomadaires participent de la recomposition,de ces espaces, note aussi Claire Lelièvre 9 , etexpliquent la recherche de nouvelles formes de«gouvernance». Là encore, les développements dutravail mobile ou les remises en cause plus ou moinsradicales du salariat par des habitants de yourtesne sont pas si «en dehors» que ça de l’évolutiongénérale des campagnes et de la société postfordiste.En fait, ce sont ces habitants qui affrontent un rejetde type Nimby ou pour nuancer, PUMA (peut-êtreutile, mais ailleurs), de leurs installations, qui ontpourtant peu d’impact durable sur les sols.A une échelle encore plus globale, L’OrganisationMondiale du Tourisme a adopté une définitiondu touriste, comme voyageur de moinsd’un an, quelque soit le motif, vacances, travailou autres. Et en fait on ne peut vraiment mesurerles personnes circulant, on ne repère que les“nuitées”, y compris au moins une partie de celledes résidents permanents au camping. Donc dece point de vue les «halémois» sont des touristes,8- Marc Guérin 2007 « Fonction résidentielle et conflitsd’usage » revue POUR n° 195 décembre 2007.9- Claire Lelièvre 2007 « Conflits d’usage : de chacun chez soiau mieux vivre ensemble » revue POUR décembre 2007.c’est toujours mieux que d’être inclus dans lesstatistiques de la délinquance comme au XIX ème ,mais c’est quand même toujours l’invisibilité pardilution dans une catégorie plus large. Encorequ’après tout nous sommes peut-être tous destouristes au XXI ème siècle.2 / L’ HNO et le travail atypiquePour autant, la présentation médiatique du développementde ces formes de logements le reliedavantage à une dégradation conséquente à la crisefinancière. Les campements de tentes dans les villessont réapparus avec les protestations contre les politiquesmonétaires, de même que notamment auxUSA, la croissance de ces phénomènes est une manifestationde la crise immobilière. Le détour par la financeest inévitable. Mais c’est davantage sur les aléasdans le travail et ses conséquences sur les modes d’habiterque nous voudrions insister. En effet, le hasardest au cœur du fonctionnement des marchés boursiers,comme il l’est dans celui du marché du travailpour les salariés précaires, ou dans l’activité des commerçantsitinérants. L’habitat mobile est une réponseface à une incertitude du lieu de travail. Mais, de leurpoint de vue, les «forains» ne vont pas au hasard.Parfois même pas du tout quand ils suivent un calendrierdes foires, fixé selon des règles administratives.Les foires sont, par dessus le marché, des lieux de«pratiques» familiales (mariages, baptêmes, retrouvailles…)La marche au hasard n’est qu’une modalitéde déplacement parmi d’autres, vraie par moment,mais pas toujours. Ainsi, au cours des recherchessur le travail mobile, nous avons rencontré des manouchescampant sur un terrain municipal, un parcen ville, pas une aire, au Trait (76). Ils circulent danstoute la France pour trouver des clients : ils réparentles maisons, entretiennent les jardins. Là, on n’est pasdans les tournées réglées, mais dans une circulationun peu au hasard, même si on devine un réseau social.Pour les statisticiens, ces activités relèvent néanmoinsde l’emploi dit «vulnérable».Hélène Thomas 10 a retracé dans un récentouvrage, la façon dont le hasard et les risquesnaturels puis sociaux économiques sont pris encompte dans les discours officiels, notamment celuides organisations internationales, pour requalifier lasituation des personnes pauvres. Le terme vulnérableretraduit cette prise en compte, les pauvres sontceux exposés au risque, au hasard destructeur.Cette notion est une forme contemporainede l’hygiénisme, qui va s’accompagner d’unespatialisation de la question sociale. Elle est reprisedans le discours de l’Organisation Internationaledu Travail, qui parle d’emplois vulnérables 11 , pourregrouper tous les emplois atypiques, hors del’usine et des protections statutaires.10- Hélène Thomas, 2010, Les vulnérables : la démocratiecontre les pauvres, Le Croquant, coll. Terra.11- OIT 2009 « Global employment trends report » en ligne :http://www.ilo.org/global/publications/WCMS_101461/lang--en/index.htm15
«Ce qui se passe actuellementest un retour du refoulé despratiques et des discours surl’évolution des villes.»La progression de l’emploi, ainsi dénommé,s’observe au niveau mondial comme dans les paysindustrialisés, et déjà bien avant les conséquences dela crise des «subprimes». Cette progression inciteà poser plusieurs questions : sur la constructiondu phénomène, comme sur les mécanismeséconomiques qui l’expliquent. Cette croissancedes formes atypiques d’emploi (à domicile,itinérant, journalier, isolé, à très bas salaires, autoentrepriseetc.) intervient après sa réduction aucours de la seconde moitié du XX ème siècle. Cesmodes d’emploi ré-émergents sont articulés à desflux migratoires, internationaux et interrégionaux,peuvent se combiner avec des discriminations etdes formes de travail ou de logements contraints.Ce phénomène est-il transitoire ou au contrairemarque-t-il une nouvelle phase de la segmentationdu travail ? Dans le chapitre XXV du livre 1 duCapital, Karl Marx esquisse une segmentationdu salariat par le mode d’habitat. Il distingue lessalariés entre urbains, ruraux et travailleurs sansancrage territorial. Cette tripartition apparaîtrétrospectivement comme pertinente. Dans le casfrançais, l’historien Gérard Noiriel 12 repère unepolarisation entre ouvriers paysans et ouvriers descentres urbains, tout au long du XIX ème et encoreau sein du XX ème siècle. Il prête peu d’attention auxtravailleurs mobiles, répartis implicitement dansson étude, entre saisonniers liés au monde paysanet ouvriers de métiers nomades. Mais on peuten déduire que l’habitat non ordinaire (habitatsmobiles et garnis, baraques dans la zone autourde Paris) a suivi, comme une ombre, le processusd’industrialisation et l’exode rural. Ce qui se passeactuellement est un retour du refoulé des pratiqueset des discours sur l’évolution des villes.Cette segmentation redevient opérante, en mêmetemps que demeure celle entre précaires et statutaires,dans une économie où le travail nomade, dans toutl’espace de la production industrielle mondialisée 13(via la sous-traitance et pas production modulaire) ets’étend au secteur des services.A un niveau plus individuel, il semble que lepassage de ces emplois à un salariat plus «protégé»s’avère très difficile, voire impossible. Les questionsde logements qui en sont la conséquence ne sont plusrésiduelles mais, au contraire, actuelles. Le problèmeest que l’attitude normative, contenue dans l’adjectifvulnérable, peut-aussi être étendue aux formesde logements légers. Il sera aisé de les qualifier de«vulnérables», par exemple aux risques d’inondation,pour les éliminer. C’est le cas dans les chartes anticabanisation.A contrario, l’emploi de l’adjectif«vulnérable», au sens social, pour qualifier les habitantsde ces dispositifs hors normes, est, le plus souvent,le fait des associations de défense des personnesconcernées. Selon le registre mobilisé, ces habitatsseront considérés comme illégitimes ou légitimes.Dans ces conditions, la politique d’élimination de«logements qualifiés de précaires» peut se substituer à lalutte contre la précarité du travail.Mais l’apparente dispersion de ses usages«non ordinaires», présentés le plus souventcomme découlant de l’exclusion, ou de pratiques«résiduelles», cachent une fonctionnalité.Ces fonctions contribuent à produire unhabitat collectif (hôtels low-cost etc.), mobile(fourgons aménagés, camping-cars) ou légers.Cette production passe par le détournementd’usages des terrains ou des objets, mais aussipar l’invention de modules déplaçables (de laroulotte foraine au camping-car via le fourgonaménagé, de la tente à la yourte modifiée defaçon expérimentale). De par son action, elleest souvent à l’avancée de l’urbanisation, àl’extérieur, comme à l’intérieur du réseau urbaindont elle comble les trous structurels.1612- Gérard Noiriel 1986, Les Ouvriers dans la société française(XIXe – XXe siècle), Paris, Seuil, coll. « Points ».13- Arnaud Le Marchand 2011, « Enclaves Nomades. Habitatet travail mobiles », Le Croquant.
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