Ce travail d’auto-médiatisation ne suffit paspour autant à esquiver la mécanique légaliste queles services de l’Etat assènent par voie de courriersaux intéressés comme aux élus locaux. Il n’endemeure pas moins que la stratégie qui opère lemieux actuellement pour légitimer ces formesd’habitats est bien celle de la patrimonialisation.Les populations tsiganes ont subi un processussimilaire qui consiste en une formed’appropriation publique, au nom de l’intérêtgénéral, d’un pan saillant et dérangeant deleur identité : la mobilité 12 . En effet, entre lafin du 19 ème siècle et les années 1980, une successionde mesures ont conduit à une forme de«réhabilitation» de la catégorie ethnique désignéeaujourd’hui sous le vocable «gens duvoyage». Le processus fut engagé par un recensementdes nomades et Bohémiens en 1895 13dont l’aboutissement fut en 1912 une premièreclassification juridique 14 distinguant les«bons» itinérants pouvant justifier de la nationalitéfrançaise ou d’un domicile fixe, et lesPendant les deux premières guerres mondialesdes politiques de «neutralisation» sont mises enœuvre afin de maintenir «hors de nuisance» cespopulations nomades (relégation hors des communeset départements, assignation à résidence etréclusion dans des camps d’internement).Pendant les deux premières guerresmondiales des politiques de «neutralisation»sont mises en œuvre afinde maintenir «hors de nuisance» cespopulations nomadesParmi les éléments de contexte intéressants del’après seconde guerre mondiale figure l’émergencedu mouvement hygiéniste, qui incitait les citadinsà se «régénérer» en allant s’imprégner ponctuellementdes bienfaits de la nature (apparition duscoutisme et du camping sauvage). Parallèlement, lasociété civile, s’indignait à travers ses mouvementscaritatifs, des conditions de vie des populationstsiganes à l’heure où l’accès au confort ménagersemblait acquis. Un travail de réhabilitation sociales’opéra alors progressivement, aidé des mouvementsd’obédience catholique puis évangéliquequi prônèrent l’émergence d’un peuple uni et rassembléautour d’une valeur commune qui est celledu nomadisme. Les politiques, dans les années1970, vont décliner cette valeur à partir du mot«voyage» qui va connaître un franc succès tout aulong des années 1980-1990, notamment parce qu’ilétablit un rapprochement avec l’univers rassurantdes loisirs, de la découverte et du tourisme 15 .«mauvais» caractérisés par le «manque» d’activitééconomique reconnue comme telle, de domicilefixe voire de la nationalité française. Cesderniers dénommés «nomades» (par oppositionaux plus valeureux forains et commerçant ambulantsqui entrèrent dans la première catégorie) sevirent contraints au port obligatoire des carnetsanthropométriques qu’ils devaient faire viser auprèsdes forces de l’ordre à chaque déplacement.Cette loi détermine les modalités d’identificationet de contrôle de ces «illégitimes» créant ainsiles conditions de leur irrégularité sur le territoire.Notons, puisque nous sommes au cœurdu sujet, que la roulotte hippomobile fut dansce cadre le premier véhicule à devoir porter uneplaque d’immatriculation. L’habitat mobile devintalors la marque visible de l’appartenance àune catégorie officiellement désignée comme«criminogène» : une catégorie sociale à «cerner»,donc à stabiliser en vue de sa transformation....une succession de mesures ontconduit à une forme de «réhabilitation»de la catégorie ethnique désignéeaujourd’hui sous le vocable«gens du voyage».12- Pour plus de détail sur ce processus, cf. Gaëlla Loiseau,« Maintenus dans leur ethnicité au nom de l’ordre public. Lecas des « gens du voyage » », in C. Crenn et L. Kotobi (dir), Dupoint de vue de l’ethnicité, pratiques françaises, Armand Colin,2012, pp. 157-174.13- Ce recensement distingua, sur 400 000 «itinérants»,«25 000 nomades en bandes voyageant en roulottes ».14- Loi du 16 juillet 1912 imposant le port des carnetsanthropométriques aux nomades.15- Par opposition au mot «nomade» de la loi du 16 juillet1912 qui établissait un amalgame avec les migrants n’ayantpas la nationalité française.23
Entre temps le statut accordé à la nature étaitpassé de celui d’un territoire menaçant nécessitantconquête et maîtrise à celui de ressource partagéeavec laquelle composer et à préserver. Les touristescontinuèrent leur émancipation en gagnant progressivementles sites naturels «sanctuarisés». Dèsles années 1990, l’opinion publique dévalue la présenceponctuelle des installations de caravanes degens du voyage à partir de leur impact écologiquenégatif. Les camping-cars des touristes subirent lemême traitement à partir des années 2000, à ceciprès que les aires dédiées à leur installation temporaireconnurent un essor fulgurant, contrairementaux aires d’accueil des gens du voyage 16 . L’autonomiede ces habitats légers s’est développée, enréponse aux envies d’évasion et de «déconnection»des usagers que sont majoritairement les touristes.A tel point qu’aujourd’hui, ce n’est plus tant sur l’absenceou l’aspect sommaire du raccordement aux réseauxpubliques que l’opinion s’émeut à la vue d’uncampement spontané de gens du voyage, mais davantagesur l’atteinte à l’environnement constatée àl’oeil nu (déperdition d’eau lors des raccordementsspontanés aux bornes incendies, dépôt de déchetsnaturels ou de gravats issus de leurs activités, maisaussi de déjections humaines). Par ailleurs, l’imagedu touriste qui «profite» est régulièrement mobiliséepar ceux qui dénigrent les gens du voyage.J’en veux pour exemple ces élus qui se complaisentà rappeler que les gens du voyage possèdent des«terrains» voire des «maisons», y voyant le signed’une «entourloupe». La mémoire de ce maire quirefusait en 2009 d’ouvrir son aire de grand passageau motif que le groupe comprenait des véhiculesimmatriculés dans son département est encore lesigne que le voyage est une injonction forte qui leurest faite, injonction souvent associée à un «choix»qu’ils doivent «assumer».Bien que l’habitat traditionnel évoqué dans cetexte renvoie à un objet de l’industrie du tourismeque les Tsiganes se sont réappropriés au momentdu passage à l’automobile, la caravane est devenuele symbole républicain de l’appartenance tsigane18. L’identité des Gitans, Manouches, Roms,Yénish et Sintis vivant en France dans un habitatmobile a connu une sorte de régénérescence à traverscette appellation dont la principale vertu est lareconnaissance d’une façon singulière et culturellede vivre le rapport au territoire national. Depuis1990, un soutien important de l’Etat a été déployépour légitimer ce mode de vie dans la sphère publique; au prix d’une forte homogénéisation deséquipements labellisés pour son exercice.La résistance des édiles locales à la constructionde ces équipements d’accueil des gens du voyage estencore une réalité qui freine lourdement la réhabilitationdont nous venons d’exposer le processus. Lesaires construites sont souvent situées aux limites duterritoire communal, à l’encontre des règles d’urbanismevisant à lutter contre le «mitage». Parailleurs, l’ultra-urbanité de ces lieux apparaît commeune façon de conjurer l’état «sauvage » qui est souventaccolé aux voyageurs 19 .16- Dans un rapport du conseil national du tourisme éditéen 2008 (G. Leduc, L’impact du développement du campingcar,Ministère de l’économie de l’industrie et de l’emploi), ilest indiqué que la France comptait environ 3 400 aires destationnement et de services.17- Article 1er de la loi Besson du 5 juillet 2000.24Il faut attendre la loi du 5 juillet 2000 relativeà l’accueil et l’habitat des gens du voyagepour voir la catégorie «gens du voyage» définiedans un article de loi : «personnes dont l’habitattraditionnel est constitué de résidences mobiles» 17 .18- Ce qui n’était pas le cas aux débuts de la réglementationconcernant l’installation des caravanes. En effet, le décret du 11janvier 1972 ne distinguait pas les vacanciers des gens du voyage.19- Cette vision est à rapprocher au fait que les gens duvoyage parviennent à s’accommoder de l’absence récurrentede possibilité de raccordement aux réseaux publics (eau,électricité, assainissement…) en déployant (pour l’eau etl’électricité) des solutions d’autonomisation.
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