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Thema n°14 Psychonutrition

Connaître son cerveau pour mieux manger

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que la cuisine permet non seulement de<br />

raconter leur histoire, mais aussi celle de<br />

leurs ancêtres : ils pensent transmettre aux<br />

générations futures des recettes, des grimoires<br />

et des secrets.<br />

Combien de personnes sont orthorexiques<br />

? On l’ignore précisément. Mais<br />

en 2004, une étude italienne suggérait<br />

qu’ils étaient 6,9 % dans la population<br />

générale. En 2007, une enquête nationale<br />

révélait que 10 % des Français pensent que<br />

l’alimentation est un problème. Cela signifie-t-il<br />

qu’ils sont orthorexiques ? Non, la<br />

délimitation de l’orthorexie reste complexe,<br />

et la plupart d’entre nous considèrent<br />

« normal » de chercher à manger<br />

sain. Quand le terme d’orthorexie est<br />

arrivé en France, il a fait polémique entre<br />

les partisans de son utilisation, érigeant<br />

l’alimentation-santé comme une maladie,<br />

et les « ortho-sceptiques », la dénonçant<br />

comme une idéologie.<br />

Les sociétés contemporaines ont tout<br />

fait pour lier la santé à l’alimentation, qui<br />

est alors devenue une préoccupation, à la<br />

fois individuelle et sociétale. Les médecins<br />

et les chercheurs eux-mêmes critiquent ces<br />

sociétés qui n’interprètent pas toujours<br />

correctement les données scientifiques<br />

concernant l’alimentation et la santé ou<br />

qui les présentent comme systématiques.<br />

Considérer l’orthorexie comme une pathologie<br />

peut être perçu comme une façon de<br />

s’opposer aux sociétés, qui seraient responsables<br />

des troubles et des obsessions<br />

autour de l’alimentation-santé.<br />

En se réappropriant le terme, les mangeurs<br />

qui se qualifient d’orthorexiques<br />

montrent donc qu’il est inquiétant, voire<br />

angoissant, de toujours associer l’alimentation<br />

à la santé et qu’il est alors difficile de se<br />

créer une identité, en dehors de la sphère<br />

de la santé. Cela souligne aussi leur souffrance,<br />

leur douleur et leur désarroi : selon<br />

l’expression de Claude Fischler, membre<br />

du comité scientifique de l’Observatoire<br />

des habitudes alimentaires, les « mangeurs<br />

sains » semblent perdus au sein de « la cacophonie<br />

diététique ».<br />

Article publié dans<br />

L’Essentiel Cerveau&Psycho<br />

n° 23 août 2015<br />

Camille ADAMIEC<br />

est sociologue dans<br />

le laboratoire CNRS<br />

Dynamiques européennes,<br />

à l’université de Strasbourg.<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

C. Fischler,<br />

Les Alimentations particulières,<br />

Odile Jacob, 2013.<br />

J.-P. Corbeau et J.-P. Poulain, Penser<br />

l’alimentation : entre imaginaire<br />

et rationalité, Privat, 2002.<br />

S. Bratman<br />

et R. Knight,<br />

Health food junkies,<br />

overcoming the obsession with health<br />

food eating, Broadway Book, 2001.<br />

<strong>Thema</strong> / Nutrition<br />

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