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À<br />
la charnière des années<br />
cinquante et soixante,<br />
l’Italie est, plus que jamais,<br />
l’épicentre de l’automobile<br />
« passion », tant en matière<br />
de voitures de compétition que de<br />
« Grand Tourisme ».<br />
5300 GT après que son concepteur eut<br />
décidé de lancer sa propre marque) et<br />
sa déclinaison routière – baptisée Grifo.<br />
SCULPTURALE<br />
Notre Iso Grifo et son énorme<br />
« moulin » de 7 litres de cylindrée<br />
(427 c.i.) en est la preuve très vivante !<br />
Avec sa voix à faire pâlir le plus doué<br />
des barytons, il propulse les quelque<br />
1.400 kilos de l’auto avec une facilité<br />
déconcertante.<br />
Autour de Modène, Milan et Turin,<br />
les écuries de course se comptent par<br />
dizaines. Après les Alfa Romeo, Lancia<br />
et autres Maserati, c’est au tour des<br />
Ferrari de régner en maître sur les<br />
circuits aux quatre coins du monde.<br />
La région regorge de talents, quel<br />
que soit leur domaine de compétence.<br />
Bertone, Pininfarina, Zagato et<br />
Touring imaginent des lignes parfaites<br />
pour habiller des mécaniques qui,<br />
elles, font la synthèse de ce qui se<br />
fait de mieux en termes d’ingénierie<br />
italienne. L’artisanat automobile transalpin<br />
est à son apogée.<br />
ADN DE 250 GTO<br />
Le constructeur « Iso Autoveicoli<br />
S,p.A », établi à Bresso, dans la<br />
province milanaise, voit le jour dans<br />
ce contexte bouillonnant, lequel se<br />
caractérise aussi par le comportement<br />
parfois volcanique de ses principaux<br />
protagonistes.<br />
Après avoir développé la légendaire<br />
250 GTO chez Ferrari, le jeune<br />
ingénieur Giotto Bizzarrini quitte<br />
ainsi la marque au cheval cabré<br />
après une violente dispute avec le<br />
« Commendatore ». En froid lui aussi<br />
avec ce dernier, le comte Giovanni<br />
Volpi, richissime industriel passionné<br />
de compétition automobile et patron<br />
de l’écurie « Serenissima », le prend<br />
alors sous son aile et lui demande de<br />
créer une voiture qui lui permettrait<br />
de battre… les Ferrari !<br />
Bizzarrini imaginera par ailleurs<br />
deux autos pour le compte d’ISO, dans<br />
lesquelles l’ADN de la 250 GTO est<br />
clairement identifiable : une version<br />
compétition dénommée A3C (qui, par<br />
la suite, deviendra la célèbre Bizzarrini<br />
Brillant de mille feux dans sa robe<br />
bordeaux rehaussée de chrome et<br />
d’aluminium brossé, la « Signora Iso »<br />
semble nous jeter un regard langoureux.<br />
« Mio Dio, quanto sei bella !**»,<br />
me dis-je en plongeant les yeux droit<br />
dans ces quatre phares qui marquent<br />
le début d’un interminable capot,<br />
sublimé d’une élégante prise d’air.<br />
L’atelier Bertone a encore dessiné une<br />
merveille - une parmi tant d’autres.<br />
Cet émerveillement se poursuit dans<br />
l’habitacle, tendu d’un cuir couleur<br />
crème qui se marie parfaitement<br />
avec les boiseries du tableau de bord.<br />
Entièrement réalisé à la main, cet<br />
intérieur souligne la noblesse d’une<br />
auto qui, il est vrai, a pour mission de<br />
tenir la dragée haute aux autres meilleures<br />
« GT » du moment, telles les<br />
Ferrari 275 et 330, Lamborghini 350<br />
GT, Maserati Ghibli ou encore Aston<br />
Martin DB5.<br />
CUORE AMERICANO<br />
Contrairement à ce qu’on pourrait<br />
imaginer s’agissant d’une voiture<br />
italienne, le moteur est d’origine…<br />
américaine. Mais avant de crier au<br />
« scandalo », il faut se rappeler qu’à<br />
cette époque, des propulseurs développés<br />
par Ford ou Chevrolet damaient<br />
régulièrement le pion à leurs homologues<br />
nés sur le Vieux Continent. On en<br />
veut pour preuve leurs nombreuses<br />
victoires, principalement au Mans.<br />
La fameuse expression « Cubic inch<br />
vs RPM » - cylindrée contre tours/<br />
minutes – résume parfaitement ce<br />
duel technique. Aux antipodes des V12<br />
italiens dont la puissance est perchée<br />
dans les hauts régimes, les moteurs US<br />
« marchent » déjà très fort dès qu’ils<br />
quittent la zone du ralenti.<br />
Selon les mesures de l’époque, il<br />
permettait d’atteindre les 100 km/h en<br />
moins de 5 secondes, avec une vitesse<br />
maximale pouvant aller jusqu’à 300<br />
km/h en fonction du rapport de pont.<br />
Des valeurs qui, aujourd’hui encore,<br />
forcent le respect.<br />
La puissance est estimée à 425<br />
chevaux selon la norme américaine<br />
SAE, ce qui correspond à environ 380<br />
chevaux tel que nous les mesurons en<br />
Europe.<br />
COUP DE CHAPEAU<br />
Pour une voiture dont la conception<br />
remonte à près de soixante ans, le<br />
comportement routier de l’Iso Grifo<br />
mérite, aujourd’hui encore, un grand<br />
coup de chapeau. Malgré sa taille<br />
imposante (plus de 4,4 mètres de long<br />
pour une largeur de 1,77 mètre), elle<br />
sait se montrer agile même sur un<br />
parcours sinueux et freine bien. En<br />
fait, seule la démultiplication démesurée<br />
de la direction donne parfois du fil<br />
à retordre.<br />
Pour la petite histoire, on retiendra<br />
que l’Iso Grifo que nous avons eu<br />
le privilège d’essayer est le dernier<br />
exemplaire construit. Au lendemain<br />
de la fermeture de l’usine en 1975,<br />
dans le sillage de la crise pétrolière,<br />
l’ancien chef de production de la<br />
marque, Salvatore Diomante, avait<br />
récupéré un châssis ainsi que tout le<br />
stock de pièces détachées. Plusieurs<br />
années plus tard, c’est sur cette base<br />
qu’il construira, de ses propres mains,<br />
l’exemplaire que nous venons de vous<br />
faire découvrir. v<br />
* « La dernière produite »<br />
** « Mon Dieu, que tu es belle ! »<br />
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